Souvenirs d'enfance
Mamouna aime bien raconter sa jeunesse à Louise, Gilles, les enfants, et maintenant François. Et comme sa fille adorait ses grands-parents, elle est très demandeuse d’histoires. Elle a ce sentiment que de parler des gens pour qui on avait de l’affection, leur permet de vivre sereinement dans nos cœurs.
Andrée raconte qu'elle est la petite dernière d’une fratrie de trois enfants.
Elle prend une photo de ses parents posée sur le meuble de la salle à manger et la décrit à sa famille très attentive.
Ils ont l’air heureux tous les deux. Ils respirent l’amour. Leurs yeux pétillent et ils regardent dans ma direction, c’est moi qui prend ce cliché. J’aime regarder cet instant de vie heureuse où le bonheur est figé, par l’objectif, par l’œil plein de tendresse que je leur porte. Maman n’est pas en noir, comme elle l’a été souvent dans mon enfance. Elle prend mon père par les épaules, elle est un peu plus grande que lui. Il aimait dire que c’était la toise au conseil de révision qui l’a rapetissée. Quel taquin il faisait ! Le soleil les illumine. Souvent, quand maman cuisinait il arrivait doucement et défaisait le nœud de son tablier. Elle rouspétait bien sûr, pour la forme. Faut dire qu’elle avait son caractère, ta Louise. Vous ne parliez pas beaucoup. Pas besoin de communiquer. Je sentais votre amour vous envelopper, et je me suis retrouvée également dans votre bulle d’amour. Je sentais le respect, l’admiration que vous aviez l’un pour l’autre. Je ne me souviens même pas de disputes entre vous, encore moins de conflits. Ce sont des instants de tendresse que vous m’offriez sans le savoir et que je garde au chaud dans mon cœur.
Je trouvais que mon père ressemblait à un acteur de cinéma comme Jean Gabin, tellement il était beau. Enfant de l’assistance publique, il était humble. Pourtant, il avait du sang noble, lui. Un jour, à force de questionnement, il m’a raconté le peu de détail qu’il avait glané çà et là. Nous n’en avons parlé qu’une seule fois. J’ai bien compris que ce n’était pas un sujet à remettre sur le tapis.
J’ai toujours trouvé qu’il avait de la classe mon père. Au certificat d’études, et c'était quelque chose à l'époque, il est quand même arrivé brillamment troisième du canton. Il peut être fier de son parcours.
J’admirais son écriture. Je la trouvais si belle, déterminée.
Ma mère, Louise, menait la maison d’une main de maître. Elle en avait du caractère, Mémère Louise. Mes parents avaient la même pudeur, celle de ne pas se raconter, tellement leur vie fut très dure. Je crois avoir eu en héritage cette qualité. Je peine à parler de mon passé, Je le sais. Mais c’est pour mieux appréhender le présent, pour un meilleur futur. Je ne me souviens plus comment ils se sont rencontrés tous les deux. Je crois que tel un compagnon du Tour de France tes cheminements ont guidé tes sabots remplis de paille l’hiver vers celle qui deviendra ta femme pendant près de 65 ans.
quelquefois, le dimanche après-midi, nous avions la visite de mon frère Jean-Pierre, de Madeleine, sa femme, et de leur fils Philippe. L' idée vient je pense de mon frère.lls sont venus pour m’apprendre à jouer au poker. Les jetons, pour faire la mise, ont été remplacés par des allumettes. J’aimais bien jouer aux cartes. Les brelans, carrés, suite ou autre quinte flush sont vites devenues nos annonces dominicales, surtout par temps de pluie. On se scrutait, on cherchait à savoir si l’un de nous bluffait, sous l’œil vigilant de ma grand-mère qui aimait le calme, et mettait le holà, dès qu’on s’excitait un peu trop. Je savourais mon verre de grenadine, les adultes leurs cafés, principalement élaborés avec de la chicorée Leroux. Mémé ouvrait toujours un paquet de petit Beurre LU.
C’était bon enfant. J’aimais ces instants de complicités. C’était jour de fête. Et quelque fois cela se prolongeait le soir en veillée. La diversité des loisirs était bien moindre qu’aujourd’hui, et j’étais fière de jouer avec le clan des anciens à un jeu réservé aux élites. C’est sûrement pour ça que j’ai gardé cet amour pour les cartes, bien je ne crois plus savoir jouer au poker. J’avoue que j’ai oublié toute la subtilité de ce jeu. Il me faudrait consulter les règles, je crois qu’il a bien évolué aussi.
François intervient timidement, et propose à Andrée de lui réexpliquer.
Tout en lui souriant, elle poursuit pour conclure. Ces souvenirs me tiennent chaud, les larmes aux yeux. Et tous, en chœur, lui dire merci pour ces moments de partage.
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