903 après Jésus-Christ - Château de Luminar , Comté de Vannes

Le vent glacial de l'hiver balayait les collines de Vannes , chassant les derniers vestiges de lumière d'un crépuscule morose . À travers les fenêtres étroites du château de Luminar , les torches vacillantes projetaient des ombres mouvantes sur les murs de pierre. Ce soir-là , le silence régnait dans la grande salle , mais il était chargé de tension , comme avant une tempête.

Aldemar le Mordant , comte de Vannes , siégeait au centre , son visage taillé par des années de guerre et de décisions impitoyables. Ses yeux , autrefois pleins d'ambition , semblaient chercher dans les flammes du brasero une réponse que le temps lui refusait. Autour de lui se tenaient ses plus fidèles conseillers , des hommes d'armes et d'intrigues , tous suspendus à ses paroles. L'avenir du comté reposait sur une seule questions : qui , de ses deux fils , porterait son héritages ?

Bastien de Saint-Cyr , chevalier loyal et de longue date , se pencha légèrement en avant.

- "Monseigneur , les rumeurs se multiplient. Certains de vos vassaux murmurent déjà des noms. La Bretagne est instable , et ce choix ..." Il hésita un instant. " Ce choix pourrait bien être le dernier acte de paix de votre règne."

Aldemar acquiesça lentement. Son regard se détourna du feu pour se poser sur la table de chêne ou étaient gravées les armoiries de sa lignée : un faucon aux ailes déployées .Un symbole de puissance, mais aussi de solitude . Le comte prit une inspiration profonde avant de parler.

-"Ce choix n'est pas seulement une question de famille , Bastien. Il en va de la survie du comté de Vannes . JE sens mes forces décliner , et mes fils ..." Sa voix se brisa un instant. " Mes fils se battent déjà , mais pas contre nos ennemis ."

Un silence pesant s'abattit sur la salle. tous connaissaient la rivalité dévorante entre Edwyn , l'ainé , et Eudes , son cadet. Deux hommes aussi différents que le feu et la glace.

Edwyn , impulsif et intrépide , voyait la guerre comme une solution à tout . Ses victoires sur le champs de bataille lui avaient gagné le respect des soldats mais son impatience inquiétait les conseillers. Eudes , quant à lui , préférait les intrigues et les alliances secrètes. Calculateur , il considérait la force brute comme un outil parmi d'autres. Si Edwyn était l'épée du comté , Eudes en était le poignard.

Bastien rompit le silence , sa voix basse mais ferme.

-"Vous devez agir vite , monseigneur. Les Vikings frappent à nos côtes , et nos vassaux se divisent. Ce fléau intérieur est bien plus dangereux qu'aucune armée."

Aldemar serra les accoudoirs de son fauteuil ; son regard se durcissant . Il savait que chaque décision qu'il prenait rapprochait un peu plus ses fils de la confrontation. S'il choisissait Edwyn , il risquait de perdre le soutiens des nobles plus prudents , attiré par la diplomatie d'Eudes. Mais s'il désignait Eudes , l'armée , loyale à Edwyn , pourrait bien se retourner contre lui. Aucun choix n'était sans conséquences.

-"Je convoquerai mes fils , " dit-il enfin. " Ils devront m'entendre ensemble ."

Dans les coursives du château

Pendant ce temps , Edwyn et Eudes , ignorant les débats qui les concernaient , s'entrainaient dans la cour glaciale. Les épées en bois s'entrechoquaient dans des mouvements précis et brutaux. Les soldats présents les regardaient en silence , certains admirant leur fougue d'autres voyant déjà les graines d'un futur conflit.

Edwyn repoussa Eudes d'un coup violent , un sourire de défit illuminant son visage.

-"Tu n'es qu'un stratège , frère. Toujours à calculer , jamais à agir."

Eudes , essuyant la neige de sa tunique , répondit d'un ton glacial :

-"Et toi , tu es un bœuf . Puissant , mais aveugle. Les batailles se gagnent dans l'esprit bien avant de se jouer sur le champ."

Leurs regards se croisèrent , une tension palpable flottant dans l'air. Pour les soldats , ce n'était qu'un entrainement . Mais pour les deux frères , chaque coup porté était une promesse de guerre.

Un héritage en péril

Plus tard dans la nuit , Aldemar se retira dans ses appartements. Face à la fenêtre il contempla le paysage enneigé. Le comté qu'il avait gouverné avec tant de poigne semblait aussi fragile que la glace recouvrant les rivières.

Son choix , il le savait , déterminerait non seulement le destin de sa famille , mais celui de la Bretagne tout entière.