Le péché mignon
Tremblante, Eline peine à réaliser ce qu’elle vient de faire. À genoux, confuse, elle regarde ses mains pleines de sang. Ses beaux cheveux longs, son visage de poupée et la lingerie, qu’elle porte pour seuls vêtements, sont souillés par le sang. Ce dernier ruisselle le long de son corps et termine sa course dans une mare qui recouvre en partie le sol de la cuisine. Elle se relève avec difficulté sans quitter des yeux une seule seconde le corps sans vie du jeune homme.
Pourtant, tout avait si bien commencé. Elle avait fait sa connaissance sur Internet, il y a environ deux semaines. Très vite, les deux célibataires s’étaient plu et avaient décidé de se rencontrer. Le fameux soir était arrivé et tout se passait à merveille. Eline le recevait chez elle pour un rencard au calme, en intimité. L’attirance était au rendez-vous, les conversations et les rires s’enchaînaient. Tout cela avait, sans surprise, conduit à une nuit de plaisirs divers, certains presque inavouables.
C’est donc de bonne humeur que la jeune femme s’était réveillée. C’est en tenue légère qu’elle se dirigeait vers la cuisine en se demandant si son partenaire avait filé en douce ou non. La scène à laquelle elle assistait était bien plus douloureuse à regarder. Sans réfléchir, dans une colère monstre, elle avait pris un hachoir et massacré le pauvre amant. Le sang giclait tout autour de la tueuse hystérique, le corps de la victime devenait méconnaissable tellement elle frappait encore et encore.
Après avoir repris ses esprits et téléphoné à la police, Eline va dans la salle de bain pour tenter d’enlever tout ce sang sur elle. Sa peau et ses cheveux restent légèrement colorés, comme un souvenir indélébile de sa folie meurtrière. Une fois la police sur place, elle se rend d’elle-même en ne laissant paraître aucune émotion.
Quelques heures plus tard, la jeune femme est en salle d’interrogatoire. Après avoir pris connaissance des faits et lu les premiers rapports, l’enquêteur éclate de rire.
- C’est une blague ? On ne tue pas pour si peu !
Vexée et en colère, Eline bondit de sa chaise, les menottes aux mains, et hurle :
- Ne jamais manger la dernière crêpe d’un breton ! Jamais !
Pauvre jeune homme. Il a eu le malheur de rencontrer une bretonne et de prendre la dernière crêpe. Quant à la criminelle, elle peut bien être dégoûtée de ne pas l’avoir mangée. Condamnée à 23 ans de prison pour homicide volontaire, elle n’est pas prête d’en déguster une.
Annotations