Allan et Scott, comme à leur habitude, traînent un peu partout dans le vaisseau, allant chahuter leurs collègues par-ci par-là. Après une petite séance d'humour foireux — Allan — et de rire gras — Scott — devant Patricia, ils vont désormais s'adonner à une autre de leurs occupations favorites dans la salle aux baies vitrées : le baseball en apesanteur.

Mais ce jour-là, Andrzej a décidé de sortir de son antre pour s'installer en plein centre de la pièce, un livre ouvert à la main, tournoyant lentement. À première vue, il semble en pleine séance de lévitation car il se trouve à une bonne cinquantaine de centimètres du sol-mur-plafond, mais à y regarder de près, il est très attentif à sa lecture.

— Hey, Andy ! s’exclame Allan, qui ne fait pas preuve de beaucoup d’originalité lorsqu’il attribue ses petits surnoms. Tu veux faire un baseball avec nous ? s’enquiert-il tout sourire.

Andrzej sort la tête de son livre et détaille les jeunes hommes pendant quelques secondes, puis il répond de sa voix calme et basse.

— Non.

— Ça ne m'étonne pas. Vous les Russes, vous n'avez aucune notion de baseball. Aucune culture des sports virils. Y a qu’à voir à l’international, les sports où vous vous illustrez c'est des sports de tapette ! Le patinage, la gymnastique… le provoque Allan — et son sens de l’humour douteux — avant d'être interrompu par un coup de coude de Scott, qui ne voit pas d'un très bon œil le regard acier tranchant que leur jette le Russe.

Le comique en herbe repousse gentiment le coude de son ami, toujours son sourire aux lèvres.

— Vous faites pourtant des bonnes tapettes tous les deux, déclare Andrzej d’une voix grave, sans se départir de son visage impassible. Toujours collés l'un à l'autre. Vous devriez sérieusement envisager de venir vous installer en Russie, lorsqu’on sera de retour — vous n’avez clairement pas votre place aux États-Unis.

Tout en parlant, il se déplace, se dirigeant presque tout droit vers les modules d'habitation.

— Ça suffit tous les deux ! Arrêtez les réflexions de gamins ! s’exclame Scott, outré par ces piques de mauvais goût — il est bon public, mais il y a des sujets sur lesquels il n’aime pas plaisanter —, tandis qu'Allan reste sans voix, indigné que son pote le mette dans le même panier que le Russe.

— Si tu veux, répond lentement Andrzej. Je n’ai fait que jouer le même jeu que ton ami.

Puis il quitte la pièce sans leur jeter un regard.

— Quel couillon ! grogne Allan en riant, suivi de près par Scott — dès que le type eut quitté ce module.