N’avez-vous jamais pensé que le choix d’un rouleau de papier hygiénique pouvait révéler la nature la plus intime d’un être humain ? Dans la boutique, j’en ai toute une gamme, allant de la qualité la plus vulgaire, à celle très distinguée.

Il y a d’abord le papier que l’on sert par paquet de douze, ou même vingt-quatre, simple, double ou triple feuille. Le confort augmente avec l’empilement du nombre d’épaisseurs. Ces paquets comportant beaucoup de rouleaux, je les déposais tout en bas du rayon pour qu’ils ne viennent pas agresser l’œil de mes clients. Malheureusement, c’était tout de même les plus choisis. À la hauteur la plus accessible, je déposais alors, des rouleaux vendus au détail, ils variaient en couleur et en parfum.

Vous comprendrez aisément, que la forme variait peu. Impossible par exemple de disposer de produits en dentelle, il pouvait y avoir au plus un motif élégant en bordure. Les couleurs trop vives me semblaient l’apanage du mauvais goût, les motifs géométriques étaient pour les gens trop cartésiens !

Mais ce qui me plaisait le plus était le parfum. Ah ! Le papier à la rose, la violette, le jasmin ou encore, plus exotique l’hibiscus. Il était choisi par mes clientes les plus raffinées, souvent des dames de noble extraction. J’aimais les voir choisir, je les regardais parcourir des yeux tout mon étal, parfois laisser courir leurs doigts délicats caresser le délicat papier.

Puis un jour, entra dans l’épicerie cette jeune fille qui semblait sans domicile fixe, vu sa coiffure, sa vêture. Mais lorsqu’elle aperçut mon rayon de papier hygiénique, son regard s’illumina. Elle sourit, je m’approchai. Elle chercha dans sa poche les quelques menues pièces de monnaies qu’elle pouvait contenir et se mit à les compter discrètement. Elle hésita un instant, mais je vis son sourire s’accentuer lorsqu’elle eut fini son décompte.

Glissant ses doigts sur le papier, elle arrêta sa main sur celui à la rose, mon préféré. Elle le prit, le sentit, en testa la résistance et la douceur, comme une experte.

Je posai ma main sur la sienne et je lui glissai à l’oreille « Laissez-moi vous l’offrir », nos yeux se rencontrèrent et nos cœurs se mirent à battre à l’unisson.

Tout ce qui est or ne brille pas,

Toutes celles qui errent ne sont pas perdues,

La femme délicate reste forte dans l’adversité

Les racines profondes ne sont pas atteintes par le gel.

Du PQ parfumé, un feu s'éveillera.

Des toilettes, une eau assainissante jaillira;

Recyclé sera le papier usagé,

La sans trône pourra à nouveau se soulager. (1)

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(1)

Tout ce qui est or ne brille pas,
Tout ceux qui errent ne sont pas perdus,
Le vieux qui est fort ne dépérit point.
Les racines profondes ne sont pas atteintes par le gel.
Des cendres, un feu s'éveillera.
Des ombres, une lumière jaillira;
Renouvelée sera l'épée qui fut brisée,
Le sans-couronne sera de nouveau roi.

J.R.R. Tolkien

Le Seigneur des anneaux