IV
Le clapotis de l’eau me berçait. Les yeux fermés, le visage tourné vers le ciel, le temps ne semblait plus avoir d’emprise. Il y a une bonne heure que la nuit était tombée, bien loin de pousser à rentrer, je l’attendait.
Le silence qui s’installe peu à peu, l’impression que la ville n’appartient plus qu’à moi, j’en profitais chaque fois que l’occasion se présentait.
Parfois, le lundi, la réunion se prolongeait jusqu’en début de soirée. Alors, comme ma famille aurait déjà dîné, je venais ici profiter du scintillement des lumières sur la Seine. Au pied de la place Louis Aragon, c’était mon lieu préféré.
Une dernière grande inspiration et il sera temps de rentrer. Quelque soit l’heure, les rues n’étaient jamais entièrement vides. Je me plaisais à les observer, leur imaginer une vie, me demander qui les avaient amenés, eux, sous le ciel nocturne de Paris.
Des jeunes qui profitent de l’aube de leur vie et des moins jeunes qui n’ont pas oublié les plaisirs de la nuit.
Ici, une femme dans son pantalon de ville noir, chemisier beige, cheveux bruns coupés aux épaules, élancée, sûre d’elle. Une pointe d’envie naissait dans mon esprit. Qu’est-ce que je ne donnerais pas pour quelques centimètres de plus ! J’échangerais bien mes longs cheveux si fins, si ternes avec les siens.
Là, un homme, la mine un peu sombre, un jean et un polo bleu foncé. Qui pouvait-il bien être tous les jours ? Avec son air préoccupé, je l’imaginais déjà avec pleins de responsabilités. Peut-être banquier. Ou alors, ses enfants lui donnent du fil à retordre. Notre mère nous dit souvent à mon frère et à moi, qu’on lui avait donné du fil à retordre. Il faut dire qu’avec deux ans d’écart, quand on n’était pas complices, on couvrait l’autre.
J’arrive au pied de mon immeuble, pressée de rejoindre mon lit et de m’abandonner au sommeil.
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