La danse macabre !

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Le rideau se leva sur la scène de la salle des fêtes, découvrant une estrade sur laquelle dans un puits de lumière apparut, bien au centre, un petit théâtre de Guignol. Une musique vint peu à peu occuper l'espace sonore, faisant s'estomper les derniers bavardages de spectateurs indélicats.

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Aux premiers rangs, des enfants se répartissaient les fauteuils rouges et les strapontins. On les entendait s'agiter. Certains sirotaient avec une paille des sodas dans de grands gobelets et d'autres engouffraient avec gourmandise et délectation des guimauves de formes et de couleurs très variées.

À une distance relative, sur les rangs suivants, siègeaient des parents et je voyais à présent leurs écrans de téléphones portables filmer le spectacle.

Des adolescents, par groupes épars, reconnaissables à leurs costumes traditionnels, attendaient un signal pour intervenir plus tard dans la soirée, et participer à des mises en scène théâtrale, vocale ou dansante pour créer une ambiance féerique à n'en pas douter.

Au long de la semaine, les répétitions du spectacle de fin d'année avaient mobilisé toutes les énergies. Des doigts de fée de couturières bénévoles avaient mis la dernière main à des retouches de costumes, dans le thème du Moyen-Âge.

Beaucoup d'oriflammes, de fanions et même de drapeaux habillaient tous les murs et dès le hall d'entrée de la salle des fêtes de la ville, transformé pour l'occasion en pont-levis fait de carton et de polystyrène. Du reste, pour participer à la mise dans l'ambiance, certains adultes spectateurs n'avaient pas hésité à enfiler des collants, des chausses et des pourpoints pour se fondre dans le thème.

En y réfléchissant, j'avais déjà rencontré ce genre de participation festive et très conviviale dans la cité médiévale de Provins, dans un genre fantastique à Mons en Belgique mais aussi lors d'une soirée moyenâgeuse organisée dans Paris par une association de quartier. Cette période historique rencontrait beaucoup de succès et trouvait son renouveau dans les ouvrages dédiés à la jeunesse avec le genre Medieval Fantasy.

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Malgré le silence qui s'imposait à présent, on entendait tout de même des mouvements et des murmures dans les coulisses. En effet, des bénévoles installaient un verre de l'amitié avec son cortège de bouteilles de sodas, différentes choses à grignoter, des gobelets, des pailles et des accessoires pour se déguiser. Comme souvent, ce type de manifestation était l'occasion de réunir en un seul lieu, les professeurs de danse et de théâtre, de musique et de chant, les élèves de tout âge et bien sûr les familles avec les parents, et les frères et sœurs des participants, pendant un moment de convivialité.

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Sur scène se présentaient à présent deux marionnettes habillées d'un squelette, entamant une danse macabre. Le spectacle s'inspirait d'un mal inconnu et sans pitié qui sévit dans les rues de Strasbourg en 1518, baptisé par le clergé de Danse de Saint Guy.

En pleine famine, deux mille personnes se mirent à danser sans pouvoir s'arrêter, jour et nuit, pendant deux mois et finirent par mourir d'épuisement. En témoigne, les termes de peste dansante évoqués dans les textes de William Shakespeare.

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Mon esprit égaré dans une lecture de l'historien Jean Teulé revint au spectacle.

On devinait la dextérité des marionnettistes, intégralement revêtus de combinaisons noires ce qui leur permettaient de se fondre sur la scène, derrière des paravents. Les squelettes des figurants s'animaient avec frénésie et un réalisme étonnant, sur une musique endiablée où l'on croyait entendre des os se heurter.

À l'issue de ce premier tableau se succédèrent danseurs en tarentelle, joueurs de violes de gambe et une chorale en motet. Puis tous les participants se retrouvèrent sur la scène pour s'applaudir et se féliciter. Alors, une pluie de papiers multicolores et brillants se déversa en une douche joyeuse et lumineuse.

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Je me souviens que jusqu'à une heure avancée dans la soirée, le bonheur et une joie contagieuse se lurent sur tous les participants et ce malgré ce premier tableau du spectacle qui m'avait particulièrement impressionné.

Pourtant, ces réjouissances disparurent très vite de l'esprit des bénévoles, lors du rangement, fort tard dans la nuit, quand on découvrit les corps enlacés des deux marionnettistes. Certains observateurs furent pris de malaise en découvrant les visages avec leurs yeux exorbités et la bouche ouverte et surtout les cous violacés, enserrés par les fils de suspente des figurines, ces dernières demeurant introuvables.

=O=

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