Entre brumes et charmes !
Je laissais ma voiture à la Maison du Parc de la Brenne et marchais le long de la D17 pour rejoindre les rives de l'Étang de Montiacre.
Au milieu de ce mois de mai, la période s'avérait propice à planter un objectif sur les bords des étangs. Le parc constituait un petit paradis pour les observateurs photographes et ornithologues, blottis à l'abri d'un affût de toile ou de bois et de roseaux.
À présent, la nuit noire se dissipait et avec le lever du soleil, une brume magique commença à se former à la surface de l'eau. Tout autour de moi, la nature reprenait vie et les ramages s'intensifiaient à chaque minute avec la montée de la température. De nombreux oiseaux migrateurs ou sédentaires nichaient sur les berges.
Les insectes s'activaient en salutations et curieuses arabesques dans les premiers rayons et les toiles d'araignées perlées de rosée dessinaient des attrape-rêves merveilleux dans les landes à callunes, ajoncs et genêts. L'astre du jour prenait son essor et soulignait les lisières d'arbres où prédominaient des chênes pédonculés et des charmes.
Jeanne devait sortir un petit zodiac du hangar de la maison de ses parents. Il nous permettrait d'atteindre un poste d'observation sur un îlot.
Elle tardait à me rejoindre et cela m'irritait un peu.
Je restais là, sur ce bout de ponton, coincé à l'attendre. Des panneaux indiquaient la baignade interdite. Mais pour tromper l'attente, je glisserais volontiers les pieds dans l'eau pour me détendre.
Je craignais qu'elle me fasse faux-bond et pourtant je me reprenais en imaginant une raison valable. Une panne de réveil semblait le plus probable. Mais si on attendait davantage, nos clichés offriraient une qualité moindre. Une lumière trop verticale écraserait les couleurs et aplatirait les reliefs et la profondeur.
En réalité, ce qui me préoccupait se situait plus à l'intérieur.
Je percevais, depuis quelques semaines, que ma relation avec cette jeune femme, devenait plus chaleureuse, ce qui me remplissait de bonheur. Et alors que je commençais à me faire peur, je la vis enfin arriver, tirant derrière elle un berceau sur roues supportant notre embarcation.
Elle affichait un beau sourire et son visage prenait si bien la clarté du matin.
Elle glissa une bise sur ma joue mal rasée, sans un mot d'explication. Très vite, je réalisai à sa démarche qu'elle boîtait un peu. Sans doute, les suites d'un coup ou d'un faux mouvement.
Je n'ajoutais aucun commentaire.
La journée s'annonçait belle et le coeur battant, je la suivis dans la lumière.
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