Je pense à vous souvent !
Mes très chers voisins
Je fais une petite fugue au café-tabac avant de revenir à l'EHPAD pour la soupe du soir.
Je pense à vous souvent, au milieu de tous mes collègues séniles, au rythme quotidien de nos activités tranquilles faites de scrabbles, de petits pots de yaourts, de séries télévisuelles, de toilette intime si difficile, perclus d'arthrose sous la douche.
J'en profite donc pour vous adresser une carte postale, depuis mon lieu de villégiature, où j'essaie de jouir d'une paisible retraite.
Et malgré quelques absences, mes réminiscences d'un passé pas si lointain sont nombreuses et ne manquent pas de piments.
Alors que dire de vos soirées bruyantes où vous dansiez jusqu'à pas d'heures. Des vociférations de vos invités sérieusement avinés. De ces portes de voitures qui claquaient et des coups de klaxons longuement appuyés qui résonnaient dans la ruelle, au milieu de la nuit.
Venaient alors les hurlements des chiens qui se répondaient à tue-tête.
Que dire encore de vos coupes de haies et de pelouses les dimanches après-midi et les jours fériés ! Ou encore de ces feux de déchets végétaux dont les fumées acres irritaient la gorge et dont les braises prises dans le vent joueur et tourbillonnant menaçaient le voisinage.
Et que penser encore du bourdonnement incessant de vos motos, quads et tronçonneuses accompagnés des encouragements hurlants de vos meutes. Et comment ne pas oublier les écoulements de vos fosses dans la rue avec ces douces émanations d'urine et de purin qui me laissaient plus que sceptique.
J'ai appris que les derniers feux de forêts ainsi que les tempêtes de pluies de grêlons ne vous avaient pas épargnés.
Sans doute le résultat de mes prières incessantes.
À bientôt de ne jamais vous revoir !
Votre dévoué
=O=
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