Fourmilières dans les dunes

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Il nous arrivait de temps à autre, avec mon copain Gustave, de nous retrouver dans les dunes derrière la plage pour exercer nos talents favoris, et je dois bien l'avouer, quelque peu sadiques.

*

Nous tirions nos idées de certaines lectures dont celle du Château de ma mère de Marcel Pagnol, pour n'en citer qu'une, que je parcourais en cliquant sur la liseuse de mes parents. Il s'agissait de susciter des réactions chez les habitants très actifs des fourmilières qui pullulaient sous les oyats, panicauts et autres chardons bleus, giroflées, lys de mer, euphorbes et liserons.

Dès que l'on repérait un cheminement d'insectes en caravane au milieu des sables et dont la source provenait d'une oasis de verdure, on échafaudait alors toute une stratégie. Il s'ensuivait de longues discussions car plusieurs options s'offraient à nous, toutes plus violentes et ludiques l'une que l'autre.

L'un des objectifs consistait à perturber et détourner les colonnes d'ouvrières qui se croisaient sans cesse tout échangeant des informations par leurs antennes, tout en suivant des autoroutes invisibles pour approvisionner la cité souterraine, la reine et le couvain. Elles finissaient au bout d'un certain temps par rétablir leurs liaisons.

De façon un peu plus sadique, nous exécutions quelques-unes d'entre-elles pour voir leurs réactions et tester leur capacité d'entraide en observant si celles-ci s'occupaient de leurs cadavres.

Plus diaboliques, on aimait déclencher un incendie en versant un peu d'alcool à brûler sur un mouchoir en papier roulé en une longue mèche blanche. Une fois introduit dans l'une des entrées de la fourmilière, la mise à feu avec mon Zippo permettait de frire les occupants. Curieusement, les réactions s'avéraient très rapides, certaines ouvrières se sacrifiant pour créer un écran au nid et permettre ainsi de sécuriser les accès.

Mais le plus sympa consistait à tester notre adresse avec des lance-pierres sur tous les insectes que l'on pouvait croiser : scarabées, gendarmes, puces d'eau, mouches, bourdons. Rien n'échappait à notre envie de tirer sur tout ce qui bouge, à l'exception cependant des oiseaux et des lapins pour qui nous avions plus d'estime. On utilisait de gros haricots blancs ou des fèves, chipés dans les bocaux de légumes secs de nos mères, comme projectiles dont nous garnissions nos poches de jeans avant de quitter la maison.

Bien sûr, ces détournements de denrées ne passaient pas inaperçues.

Nos mères vigilantes nous délivraient de belles taloches à notre retour de virée quand elles vidaient les poches et retournaient les jambes de nos pantalons pour mettre ces derniers en machine à laver. Quelques haricots se répandaient sur le sol en rebondissant. Il devenait inutile d'inventer une histoire. 

Une fois les larmes essuyées et les fesses moins douloureuses, je repartais dès le lendemain voire le surlendemain en vélo sur les chemins dans les dunes pour retrouver Gustave, et parcourir avec lui, les sentes de douaniers. Le vent et les embruns guerissaient mes blessures de l'âme et je retrouvais ma joie de vivre en profitant de chaque instant de liberté.

=O=

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