On parle de moi souvent et rassurez-vous, ce sera encore le cas, bien que l'on vienne à me chercher sans cesse.

Fréquemment on m'égare, on m'oublie ou bien l'on me prête. Parfois même, on m'abandonne, faute de munitions, car au bout d'un certain temps, il faut inévitablement que l'on me recharge. Et voyez-vous, j'exerce un vrai métier d'assistant social. Non pas celui dont on parlerait dans les journaux ou bien dans les magazines spécialisés. Bien que je contribue indirectement à leur tirage et même après, pour assembler leurs contenus.

Non, je suis tout simplement une agrafeuse !

En livrée rouge vin. Bordeaux ou Bourgogne, c'est selon les amateurs et autres épicuriens. J'ai une tête bien faite sur laquelle on presse. Un corps plutôt musclé et une base plate en forme de semelle articulée à un buste de rêve.

J'ai surtout exercé mes talents dans les années 60 à 70. Ensuite, je fus remplacée par des modèles beaucoup moins esthétiques. Ramenée un soir du bureau, dans la sacoche d'un officier militaire, j'atterris à son domicile, dans les mains d'un jeune enfant de dix ans.

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Très vite, nous devînmes inséparables.

Je ne le quittais pour ainsi dire jamais. Je dormais dans le tiroir de sa table de chevet. Et c'est seulement à la nuit tombée, dans la pièce qui lui servait de chambre à coucher que je faisais mon entrée. Et curieusement, cet enfant s'adressait à moi en ouvrant ma semelle articulée.

Je pensais avoir à poursuivre mon usage, ayant toutes les compétences requises pour lier et relier des quantités importantes de papier. Parfois même, je servais à fixer des photos et des extraits de journaux sur des murs en liège. Mais cette vie semblait définitivement révolue.

Je me souviens que dans les envolées nocturnes de mon complice, je passais une partie de nos voyages, fixée à la ceinture de son pyjama. Parfois, il me sortait avec une certaine dextérité et dans le prolongement de sa main, il m'orientait dans différentes directions en émettant des chuintements, simulant des tirs de laser. Ce n'était pas désagréable mais à l'évidence, il n'avait pas compris à quoi je servais vraiment.

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Il me présenta à ses différents collègues à qui il s'adressait de manière un peu rigide.

Je fis ainsi la connaissance de Pieds-croisés, sorte de longue planche habillée d'un drap surmontant des tubes entrelacés. Vint ensuite, Erka-tricote, une version curieuse de piano avec des aiguilles et des bobines de fils. Je fus très impressionnée par un engin très lumineux, chaleureux, au physique surprenant, du nom de Robot-Poêle.

Mon compagnon dormait dans une sorte de canapé qu'il appelait d'un nom étrange Clic-clac et dans lequel il imaginait que nous filions à travers l'espace. J'aimais moins nos visites au pénitencier de Placard-Trous noirs et encore moins passer par la Porte-Rideau de velours rouge. Je rencontrais également dans son théâtre de l'imaginaire, d'autres figurants, comme il aimait à les appeler, les fameux Trois dents, un curieux équipage composé d'une lampe en colonne et de deux fauteuils usés. Mais aussi les Vassaux-Corbeilles, banals bacs en plastique remplis de linge au service de Pieds-croisés.

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En fait, je découvrais tout un univers très riche et fantastique dans lequel je trouvais ma place comme pistolet laser et communicateur.

Étrange, me diriez-vous !

Au début, je pensais être tombé dans l'asile d'un fou, égaré d'un sordide échiquier.

Mais très vite, je changeais d'avis car jamais, je n'avais vécu au contact d'un enfant aussi imaginatif et surtout j'avais l'impression d'être bien plus utile à nourrir ses aventures de très grand pilote de Starfleet Command que d'assembler de simples bouts de papier !

=O=