Prologue
Dunmore East, petit village d’Irlande calme et plein de charme.
Ici, les habitants ne manquaient jamais une occasion de se balader. Les paysages étaient magnifiques et permettaient une évasion des plus totales. Un vrai petit coin de paradis pour ceux qui apprécient les merveilles de la vie.
Ce matin de printemps, une jeune fille profitait de l’air frais et salé de son village d’enfance. Elle adorait se lever aux aurores afin de savourer la tranquillité du bord de mer. Elle se sentait connectée à l’eau. Elle aimait l’énergie que celle-ci lui procurait et le bruit des vagues. Sa longue tresse brune, battue par le vent côtier ne tenait pas en place. Des mèches de cheveux balayant son visage, l’adolescente s’assit sur l’un des pontons. Les pieds dans le vide, les pans de sa robe coincés sous ses cuisses, elle admira le reflet du soleil sur l’étendue d’un bleu captivant.
Le temps semblait s’arrêter. Tout était parfait. Les oiseaux chantaient leurs plus beaux airs. Les poissons créaient des auréoles diffuses à la surface de l’eau. Le port de pêche se réveillait tout doucement. La jeune brune, les yeux clos, se disait que c’était, encore une fois, une très belle journée qui débutait.
— Ah te voilà ! Je me disais bien que je te trouverais ici.
Elle ne bougea pas. Elle reconnaîtrait cette voix entre mille. Son frère prit place à ses côtés, en tailleur. Il ne la connaissait que trop bien. Lorsqu’elle n’était pas à la maison, elle était presque toujours en promenade. Il savourait cet air marin, mais pour lui, personne n’appréciait cette ambiance plus que sa petite sœur.
— Tu veux venir faire un tour avec moi ?
— Avec plaisir ! répondit-elle d’une voix enjouée.
Les deux adolescents se levèrent à l’unisson et firent chemin inverse sur le ponton. Ils gardèrent le silence quelques instants, tout en rejoignant le chemin le plus proche. Comme à son habitude, l’adolescente imprimait en mémoire chaque sensation. L’herbe fraîche lui chatouillait les orteils à travers ses sandalettes. Le vent soufflait gentiment sur sa robe vert pâle à bretelles. Elle était loin d’être frileuse malgré la saison.
Son frère profitait de ces instants précieux en sa compagnie. Il aimait la voir sourire devant les paysages qu’elle connaissait par cœur depuis bien longtemps. Rencontrerait-il un jour une personne aussi pleine de vie que sa sœur ? Son village natal lui tenait à cœur, mais il avait besoin d’une ville, d’un endroit moins ancré dans la nature. Il avait besoin d’échapper à cette vaste étendue, qui étonnamment, commençait à l’étouffer. Son quotidien devait être changé. Mais comment quitter sa famille, même si c’était pour se découvrir
lui-même ?
— Neal ? Tu penses toujours à ton projet de partir ? questionna sa petite sœur, le faisant sortir de ses pensées.
— Oh… Euh… Oui. Oui j’y pense toujours.
— Quand comptes-tu le dire à nos parents ?
Le jeune homme n’avait pas la réponse à cette question. Il haussa simplement les épaules. Il n’était pas triste. Elle non plus d’ailleurs. Ils se comprenaient et savaient que cette décision était la bonne. Mais comment l’annoncer ? Tous deux avaient conscience que leur mère en serait dévastée. Ils espéraient que leur père accepterait.
— Tu sais quoi ? enchaîna-t-elle. Ce n’est pas grave si tu ne leur dis pas tout de suite. Tu as encore quelques mois !
— Oui c’est vrai. Et puis je n’ai toujours pas acheté mon billet d’avion. Il faut que j’attende les résultats de mes examens.
— Il faut que tu les passes déjà ! rit-elle gentiment.
L’adolescent la poussa tendrement avant de rire à son tour. Contrairement à sa sœur, il n’était absolument pas studieux. Il aimait jouer de la guitare et se retrouver entre amis dans les bars du coin. À dix-neuf ans, tout ce qu’il attendait était d’avoir son diplôme en poche pour voler vers l’Angleterre et prendre le contrôle de sa vie.
La jeune fille tira la main de son frère et l’entraîna à terre avec elle. Ils s’allongèrent dans l’herbe, face au ciel. Elle observa les quelques nuages blancs et en déduisit des formes, toutes plus improbables les unes que les autres.
— Tiens regarde ! Celui-là, à droite. Tu le vois ? On dirait un chien. Un petit chien avec sur son dos un enfant tenant un ballon ! décrivit-elle, le doigt pointé vers le ciel.
— Mmh… Non je ne vois rien qu’une grosse patate… déclara-t-il en fronçant les sourcils et penchant la tête sur le côté.
— Ah oui ? Pourtant c’est évident ! Et là ? Tu vois l’éléphant avec un bouquet de fleurs au bout de sa trompe ?
Neal lança un regard interrogateur vers sa sœur. Celle-ci ne s’en aperçut même pas, trop absorbée par son imagination débordante. Il pensa soudainement qu’elle allait beaucoup lui manquer. Même s’il ne voyait jamais que de gros nuages difformes, il appréciait l’entendre les mettre en scène comme un véritable spectacle merveilleux.
L’adolescente se redressa et croisa ses jambes. Elle prit un brin d’herbe entre ses doigts et joua avec. Il lui tardait de pouvoir cueillir de beaux bouquets de fleurs pour égayer leur maison familiale.
— Dis-moi Neal. Tu sais où tu vas aller ? Il te faudra un logement une fois arrivé chez les Anglais. Si tu veux, je peux t’aider !
Il la regarda avec un sourire aux lèvres, elle était tellement enthousiaste à l’idée de préparer son voyage tous les deux. Rien ne pourrait l’empêcher d’interférer. Elle bondit et s’assit à nouveau, les jambes repliées sous sa robe mi-longue. Une main sur le bras de son frère et les yeux pétillants, elle exposa le fond de sa pensée.
— Oh d’ailleurs ! enchaîna-t-elle gaiement. Il faudra que tu visites certaines régions et même certains monuments ! Je vais te confectionner un beau carnet de voyage avec tous les lieux importants à découvrir. Comme ça tu pourras en faire quelques-uns et quand je viendrais te voir, on pourra en faire d’autres ensemble ! Est-ce que tu es partant ?
Il en était ravi. Sa sœur était toujours très impliquée dans chaque projet qu’elle entreprenait. Il était soulagé de pouvoir se confier à elle et de voir que, malgré la distance qui allait les séparer physiquement, elle restait heureuse pour lui.
Les deux jeunes continuèrent à discuter et rire, parlant tantôt de voyage, tantôt de leurs souvenirs ou encore de la pluie et du beau temps. Rien ne pourrait les séparer, pas même les frontières de deux pays.
L’heure du déjeuner arriva vite. Ils se levèrent et marchèrent côte à côte le cœur léger. Sur le chemin de la maison, ils se questionnèrent sur le repas délicieux que leur mère avait dû cuisiner. Cela faisait partie des moments simples, mais importants de la vie.
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