Épilogue

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Extrait du journal de Caroline M.

Mardi 20 juin

Je n’ai rien écrit ici. Je ne pouvais pas. Je faisais un rejet de l’écriture. Elle m’en avait trop pris.

Depuis plus de deux mois, je survis sans lui. On tient le coup, les enfants et moi. Je suis toujours en équilibre entre tristesse et colère.

Pas un mot écrit dans ce journal. Pas un mot pour nous de son côté. Pas un mot entre nous. Jusqu’à aujourd’hui.

J’ai enfin reçu un message : « J’ai terminé. Je vais bientôt rentrer. Je t’aime. »

Je ne sais pas quoi penser de ce premier message après tant de jours de silence. Si je laisse parler ma rage, je vais l’insulter et lui demander de ne plus jamais remettre les pieds ici.

Je pense aux enfants, à leurs pleurs certains soirs, à ma réponse quand je leur disais que papa allait rentrer bientôt et qu’au fond de moi, j’y croyais un peu. Je pense à cet homme que j’ai aimé, que j’aime toujours et qui a eu besoin de se perdre dans un trou noir, de disparaître complètement pour je ne sais quelle raison. Se retrouver. Renaître. Se découvrir. Puiser au fond de son mal. Descendre en lui-même. Extraire de son être l’essence d’une création possible.

Je pense à lui qui a eu besoin d’être sans nous, seul, et pour qui tout cela a été, aussi, sûrement, une souffrance.

Je pense à lui et je finis par ne presque plus lui en vouloir et à l’attendre pour qu’il se blottisse contre moi, qu’il s’apaise contre mon sein, qu’il s’endorme dans mes bras et que je le serre de toutes mes forces pour qu’il n’ait plus jamais envie de partir.

Je ne sais pas exactement ce qu’il a terminé mais ça a intérêt à être génial !

Extrait du journal de Sophie F.

Mardi 9 janvier

J’ai reçu un mail de Damien.

Depuis ce 9ème atelier au mois de mars de l’année dernière, je ne l’ai plus revu. À vrai dire, je l’avais même oublié. D’autres sessions d’ateliers sont passées depuis avec d’autres hommes et femmes, d’autres histoires, d’autres voix.

Lui, je me souviens maintenant, il avait carrément disparu dans l’écriture, il s’était fait engloutir ou avaler.

Damien me demande d’aller voir à la librairie près de chez moi et de chercher son roman.

J’y suis allé et en effet, sur la table centrale, au milieu d’autres romans de cette rentrée littéraire de l’hiver, il y avait le sien. Une belle couverture, chez un éditeur que je connais bien.

Il avait choisi Damien M., le nom que nous connaissions, son nom d’écrivain.

Le titre :

Là où les mots nous emmènent.

Je l’ai ouvert. Il sentait bon le livre neuf, fraichement arrivé.

En page de dédicace :

Pour Caroline et sa clémence pour ce que je lui ai fait.

Pour l’atelier et ce qu’il m’a fait.

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