Chapitre 5: De nombreuse découvertes, ou ce qu'il adviendra de la reine!!!
Quand Satty arriva enfin dans le hall d'entrée du pavillon royal (pavillon où se déroulait généralement les bals, les conférences et les grandes réceptions) elle était effectivement en retard. Elle fut cependant surprise de constater qu'elle ne l'était que de dix minutes. A l'allure où elle était allée, traînant la jambe et sursautant au moindre bruit dans la peur de revoir surgir ce stupide oiseau, elle s'était attendue à un retard bien plus considérable. Suivant les prédictions d'Anatole elle aurait dû avoir au moins une demi-heure de retard si ce n'était plus. Cela ne signifiait qu'une seule chose : ce gredin s'était joué d'elle. Il avait dû sûrement bien rire de la voir partir en courant ! Il ne perdait rien pour attendre, il allait voir de quel bois elle se chauffait !! Mais pour l'heure elle devait trouver une excuse quelconque afin de justifier son retard. Elle était encore dans ses pensées quand longeant le grand corridor, une forme rose et vaporeuse déboula à toute allure. En moins de deux, la chose était déjà sur Satty et manqua de l'éborgner en brandissant un journal sous ses yeux.
-Tu es en retard comme toujours, cela fait dix minutes que tout le monde s'est réuni dans la grande salle de bal. Le directeur a commencé un de ses sempiternels discours, mais il a fort heureusement été interrompu et a dû partir régler une affaire des plus urgentes. Il ne sera pas de retour avant une demi-heure, tu as de la chance ! Au fait, tu es au courant des dernières nouvelles ? dit la fille dont un sourire s'illumina soudain sur son visage. Pendant tout le temps de sa tirade, elle avait fortement tenu les deux extrémités d'un journal, et l'avait placé à cinq centimètre du visage de Satty, si bien que celle-ci ne pouvait voir que lui !
-Merci bien, plus près encore et j'en aurai les articles tatoués sur ma peau ! dit Satty en écartant le journal de la main. Bonjour à toi aussi Zélie, et puisque tu t'en soucies si gentiment, oui je vais très bien et toi ? dit-elle quelque peu exaspérée par ce manque de courtoisie.
-Pas le temps pour ce genre de formalités, j'ai dans la main quelques nouvelles des plus croustillantes, et puis entre nous un assouplissement de la bienséance entre amis n'est pas nuisible, bien au contraire !
-Tu as sans doute raison, de toute façon tu as toujours raison même quand tu as tort ! Tu as toujours le dernier mot et il ne sert à rien de discuter avec toi !
-Voilà qui est bien dit ! Sur ce, concentrons-nous plutôt sur des choses plus intéressantes !
Zélie était la reine incontestable du commérage, elle était toujours au courant de tout avant tout le monde et si on avait besoin d'une information c'était toujours elle qu'on allait chercher en premier. Elle avait même fait de son passe-temps favori un business des plus lucratifs, car chaque information qu’elle donnait se monnayait à prix d'or. De manière à être toujours à la page, elle avait tout un réseau d'informateurs qui travaillaient sous ses ordres, et elle se trouvait partout à la fois. On aurait été mal avisé de la sous-estimer. Certes Zélie était petite et d'apparence frêle et innocente mais comme ses parents, elle avait très tôt appris le sens des affaires. Elle savait si bien déterrer les cadavres qu'il ne valait mieux pas s'en faire une ennemie et ce n'était pas les centaines de personnes qu'elle avait écrasées sur son passage qui l’auraient contredite.
Zélie se tenait là dans une posture parfaite. Elle avait toujours un port et une cambrure de rêve, aboutissement d'années de cours de maintien et de savoir-vivre que lui avaient inculqués ses précepteurs. Comme toujours, elle avait choisi sa tenue avec grand soin, son bustier brodé de fils d'argent cousu main lui enserrait la taille et soulignait ses formes délicates. Sa robe rose pâle, toute de taffetas et de dentelles, était à la pointe de la mode (bien que ce soit la mode en vigueur pour les moins de 14 ans !) et lui donnait un petit côté enfant espiègle et insouciant, parfaitement désiré par l’intéressée même. Pour parfaire le tout, elle avait pris soin d'accrocher dans ses cheveux deux superbes nœuds dans le même imprimé que son bustier, soulignant ses grandes boucles blondes qui lui tombaient jusqu'aux épaules. Le tout était d'un effet sublime et quiconque ne la connaissant pas vraiment lui aurait donné les dieux sans confession. Mais Satty était bien placée pour savoir qu'il ne fallait jamais se fier aux apparences et ce n'est ni le regard malicieux de Zélie dissimulé sous ses yeux ombragés de cils, ni son sourire goguenard qui l'auraient convaincue du contraire. Satty en était sûre maintenant, Zélie avait trouvé là quelque chose qui s'annonçait être des plus intéressantes.
-Ça concerne la Reine !! dit-elle avec un air mystérieux.
Le royaume de Trachiat possédait un système politique complexe. D'un côté il y avait le Ministère avec à sa tête, le président. Le ministère était composé pour l'essentiel de notables, de dignitaires, de nobles et de richissimes hommes d'affaires, mais certaines personnes de la classe dite " moyenne" avaient su intelligemment gravir tous les échelons et se hisser aux rangs les plus élevés qui soient. Les ministres se réunissaient tous les samedis en grande pompe sous l'égide du président. L'actuel président avait surtout une fonction représentative. Il était bien connu que, depuis une dizaine d'années, c'était maintenant le premier ministre qui tirait les ficelles dans l'ombre. Cette situation n'était pas pour déplaire au premier ministre en question qui appréciait la discrétion, pouvant ainsi avoir les mains libres et agir plus aisément. Celui-ci, avait en effet la sagesse de savoir qu’en cas de problème, c'étaient toujours les personnes dans la lumière qui étaient inquiétées. Le premier ministre (qui n'était autre que le père de Zélie), de par ses fonctions (notamment au poste de dirigeant des services secrets et de la police ministérielle) et par sa fourberie était donc devenu la deuxième personne la plus influente du pays. Le ministère dirigeait à peu près tout et s'occupait de la santé, de l'éducation, de la protection des citoyens de Trachiat. Dans cette tâche il était secondé par Le Consule.
Le Consule était une branche à part du ministère car directement sous les ordres du Royaume d'Alastare. Ce Royaume était une enclave de Trachiat, et était composé des terres vespérales (qui comprenaient entre autres : les Landes, les montagnes de l'Infinie Désolation, les Terres Rocheuses avec en leur sein la Grande Faille, l’océan du Tourment et ses Lagunes aux Sirènes, la Forêt des Géants et un tas d'autres merveilles qui en avaient fait sa renommée). Les terres vespérales faisaient partie des quatre endroits de la planète au plus fort taux de concentration magique, c'était donc tout naturellement là qu'une grande communauté de sorcières, de mages et autres créatures avaient élu domicile. Toute personne résidant sur les terres vespérales devait allégeance à la Reine et passait sa vie à servir les intérêts de celle-ci. La plupart des Vespaliens montraient des aptitudes extraordinaires en matière de magie ou une force physique hors norme capable de protéger au mieux les intérêts de la " toute puissante ". Ce faisant, la Reine possédait donc une force militaire incroyable et était donc la personne la plus influente du royaume. Ses meilleurs citoyens travaillaient pour le Consule et aidaient le Ministère au mieux et bien qu'il arriva de temps en temps que les intérêts du Consule et du ministère fussent divergeants, leur association permettait ainsi à Trachiat d'être un des pays les plus importants de ce monde-ci.
Comme le Ministère, le Consule avait à sa tête des ministres (mais qui ne s'occupaient que des problèmes liés à la magie), chaque ministre étant le chef d'une guilde magique plus ou moins cotée. Il était très dur de rentrer dans une guilde et très souvent leur concours d'entrée était véritablement impitoyable. Mais à chaque fois la récompense obtenue allait de pair avec la cruauté et la difficulté de l'épreuve. Plus une guilde était cotée et plus les avantages sociaux allaient en conséquence. La plupart des guildes avaient des syndicats, une couverture sociale, des congés payés et un salaire fixe. Plus on effectuait de missions difficiles et plus la somme perçue était grande. Ce système simple mais efficace en avait séduit plus d'un. Et s’il y avait une guilde qui avait obtenu toutes ses lettres de noblesse, c'était bien la Guilde Royale.
La Guilde Royale abritait en son sein la crème de la crème des magiciens. Tous ses magiciens étaient respectés et admirés dans tout le royaume. Parmi les élus de cette guilde se trouvait un groupe, une unité spéciale d'élite baptisée le Cercle des Huit. A sa tête " La flamme incandescente " un homme très peu loquace qui était capable de réduire en cendre un ennemi d'un seul regard. Il y avait le " Soleil Noir " le plus jeune du cercle, il n'en était pas moins extrêmement doué si ce n'est le meilleur du groupe. Il y avait "l'Ange de la Mort", une superbe blonde aux formes généreuses, qui faisait régulièrement la couverture des magazines. Il y avait la "Limaille de Fer" avec son bras d'acier aux griffes acérées. Il y avait aussi " l'Artiste ", qui faisait de ses cadavres des œuvres d’Art. Il y en avait enfin trois autres dont on ne savait rien et qui apparaissaient toujours masqués. On les appelait les trois " fantômes " car ils étaient chargés des missions de filature, d’espionnage ou toutes celles qui demandaient la plus grande discrétion. Ils savaient se rendre aussi insaisissables que l'air. Les membres du Cercle des Huit n'avaient comme référent que la reine dont ils étaient les chiens ! Le cercle était craint ; d’un claquement de doigts la Reine pouvait les faire fondre sur qui elle voulait, mais paradoxalement ils en étaient admirés pour cela. La société était parvenue à s’y attacher et d’une certaine façon à les aimer, car ils représentaient ce que la magie avait de mieux et à travers leur force et leur courage ils avaient été élevés au rang d’emblème de la nation, si bien qu'ils apparaissaient régulièrement dans la presse à scandale. On les interviewait régulièrement et comme le peuple en redemandait et que leurs interventions publiques étaient rares, des milliers de produits dérivés à leur effigie étaient vendus et une série télévisée contant leurs exploits passait en hologramme sur les ondes tricolores 4D.
Oui, s’il s'agissait d'une révélation sur la Reine, qui s'était faite des plus discrètes ces derniers temps, l'information qu'allait lui délivrer Zélie serait des plus intéressantes. Sans nul doute, cette annonce avait attisé la curiosité de Satty. Zélie la regarda avec ses grands yeux bleus qui pouvaient pétiller d'innocence comme de mépris mais qui pour l'heure ne trahissaient qu'une vive excitation. Celle-ci lui montra du doigt un article, tapant du pied dans un geste d'impatience. Satty lui prit le journal des mains et en commença la lecture.
" Le soir du 18 Brumante, à la sortie du bal de Richville, où sa fille
Cadette Marie Madeline Scott (tout juste âgé de 16 ans) faisait
ses entrées dans le grand monde, Monsieur Arthur Prestt Scott,
magicien de son état a été retrouvé mort, une rose rouge déposée
à côté de son cadavre sauvagement lacéré.
Les enquêteurs n’écartent aucune piste mais favorisent la thèse
du tueur en série. En effet, sa femme Adeline Rayller Scott, a fait
état d’une lettre et de mystérieux coup de fils qui aurait rendu son
mari nerveux ces derniers temps. De tels témoignages ont été
recensés un peu partout dans les mois qui ont suivi. Des proches
des victimes (qui toutes occupaient des fonctions hauts placées au
sein du Ministère, mais plus particulièrement du Consule, ont avoué
une forte nervosité qui habitait les défunts suite à un appel téléphonique
ou une lettre reçue peu de temps avant leur mort. Auprès de chaque
victimes les enquêteurs ont trouvé une rose rouge. Un tueur fou
rôde-t-il en liberté dans les rues de Trachiat ? Qui sera la prochaine
victime ? Notre journal mettra un point d'honneur à vous tenir au
courant de l'avancée de l’affaire. "
Thierry Bourbier, rubrique des faits divers du Daily News
28 Brumante, deuxième quartier, 1884.
Un tueur se baladait dans les rues de Trachiat ! Et s’il s'aventurait sur Covertown ou Magnolias Sreet pourrait-elle être la prochaine victime ? Il y avait assurément de quoi s'inquiéter, pensa Satty.
-Mais … Je ne vois rien qui ait un rapport de près ou de loin avec la Reine ! dit Satty sur ses gardes, on ne savait jamais comment Zélie pouvait réagir quand on lui faisait part de ses erreurs !
-Comment ça ? Montre-moi quel article tu as lu ?
-Celui que tu m’as indiqué du doigt.
-Donne-moi ça ! dit Zélie passablement énervée en lui arrachant le journal des mains. Je ne te montrais pas un article en particulier mais la page dit-elle furieuse !
Si elle était si énervée pensa Satty, c'est qu'elle avait bel et bien dû se tromper et lui avait indiqué le mauvais article !
- Je parle de l'article qui fait la moitié de la page de couverture et qui continue en page 4 et 5 ! Un long article sur la Reine et sur les Terres Vespérales. Bon… Vu que tu ne sais pas lire correctement, je vais donc t'en faire un résumé. Tu te souviens, il y a dix ans de cela il y avait eu une grande crise au sein du royaume. La reine étant tombée malade, tout le monde avait cru qu'elle allait y passer tant sa santé était fragile. Durant cette période s'ensuivit une grande cacophonie, tout le monde pensait à l'avenir du royaume et à la Reine qui n'avait pas laissé de successeur. Comme tu le sais notre reine est aussi appelée Reine du Sud ou la Reine des 4 ! Il existe quatre grands royaumes de magie sur cette planète, le Roi de l'Ouest, la Princesse de L'Est ont prêté allégeance et sont entièrement sous les ordres de notre Reine. Cependant, la Reine du Nord bien qu'ayant fait serment d’allégeance elle aussi, reste une belligérante. Nos deux royaumes s’affrontent de manière non-officielle sur des affaires d'apparence sans importance, mais qui montrent la force et l'hégémonie du royaume qui gagne la partie. Le tout sous couvert de paix ! Du fait du territoire, de l'ampleur militaire et de la force magique que notre Reine est capable de déployer, son successeur aura entre ses mains un pouvoir incroyable. Tout cela attise la convoitise, les rancœurs, la haine et certains sont prêts aux pires infamies pour arriver au pouvoir. Fort heureusement, il y a dix ans tout cela ne fut qu'une mauvaise passe. Cependant, aujourd'hui la Reine se fait de plus en plus vieille… Si elle a pu avoir une si longue vie, 357 ans ! Ce n'est que parce qu'elle possédait une force magique incroyable qui a su la conserver. Mais même la magie ne peut rien contre le temps : ses forces s'affaiblissent de jour en jour et elle est de plus en plus faible, certains la disent malade et même au seuil de la mort ! Bien sûr une telle chose n'a pas été confirmée et toutes informations précises sur sa santé restent secrètes pour éviter que l'histoire se répète comme il y a dix ans ! Mais on murmure ...
Il paraît que la Reine à décider de désigner son successeur dans six mois et que suite à son annonce elle prendra sa retraite ! Tu te rends compte !! Nous allons vivre un couronnement ! ça fait 250 ans qu'il n'y en a pas eu à Trachiat ! J'imagine qu'il y aura de grandes fêtes qui se dérouleront sur plusieurs semaines ! On aura sûrement un nouveau jour férié ! Essaye de visualiser toutes ces robes d’apparat de sortie ce jour-là, elles seront sûrement plus incroyables encore que celles que l'on aperçoit pour la célébration du printemps. Avec un peu de chance mon père pourra nous avoir des places dans les premiers rangs le jour du couronnement ! Il faut qu'on pense à notre tenue pour cette soirée, pas question de se contenter d'une vulgaire robe ! Il faut de ce pas que je fasse commander du tissu des Terres de Gaya ; comme c'est dans une autre dimension, il faudra bien trois mois pour que je les reçoive, mais ne t'inquiète pas je te donnerai mes chutes, tu arriveras bien à en faire quelque chose !
Satty leva les yeux en l'air. Son amie considérait vraiment qu'elle lui faisait là une fleur, car passer après elle et se servir de ses restes était à ses yeux un grand honneur !
-J'espère qu'on aura un nouveau Roi ! reprit Zélie, Un Roi jeune et beau un brin cruel avec des yeux ténébreux !
-Et je suppose qu'il tombera fou amoureux de toi, après un seul regard et que tu deviendras la Reine!
-Comment tu as deviné ? dit Zélie amusée.
Elle avait toujours aimé quand Satty était caustique, c'était son brin corrosif et le fait qu'elle soit la seule à lui avouer ses quatre vérités qui avait fait que Zélie voyait en Satty sa meilleure amie. Elle lui pardonnait bien des choses qu'elle n'aurait pardonnées à quiconque même à ses parents !
- En tout cas, finit-elle par lâcher dans un éclat de rire, avec la robe que je m'apprête à faire faire, c'est bien parti pour ! En parlant de robe et de soirée, vendredi j'ai convaincu mon père pour que tu m'accompagnes au Grand Bal d’Été. C’est l'événement le plus huppé de toute la saison. Il est organisé par le Ministère pour l'ouverture annuelle des Estivales ! Tu sais comme tous les invités y sont triés sur le volet et comme il est difficile d'y avoir des places ! Tu te rends compte ?! Ton premier bal ! Je suis presque émue ! Qu'est-ce qu'on dit ? Ne m’es-tu pas reconnaissante ?
-Merci, dit Satty sans grand enthousiasme.
Alors que Zélie avait fait son premier bal et était entrée dans le monde à l'âge conventionnel de 16 ans, Satty n'y était jamais allée et ne tenait pas particulièrement à ce que les choses changent à ce niveau-là. Elle savait qu'il était de coutume lors de ces soirées, de se tenir respectablement, de faire des minauderies et des courbettes pour obtenir quelques services futurs et d'accepter toutes les propositions à danser venus. Certes, elle aimait danser, mais certainement pas avec un inconnu. Et puis, son père lui avait appris à quel point de telles choses étaient futiles et vaines. Elle se rassura en se disant qu'une fois son père au courant de la chose, il lui interdirait de participer à ce genre d'événement et Zélie n'aurait pas d'autre choix que de se faire une raison en la laissant tranquille. Car il était connu que Zélie n'acceptait aucun NON et ne supportait pas qu'on la contredise.
-Imagine tout ce beau monde, dit Zélie qui adorait par-dessus tout, toutes ces mondanités ! Il y aura sûrement des stars, de riches personnes et plein de beaux magiciens !
-Des magiciens !!!
-Bien sûr ! C'est le Ministère qui invite, il y aura certainement des gens du Consule !
-S’il y a des magiciens, je crains que ce ne soit même pas la peine de demander la permission à mon père, il n'acceptera jamais !
-Je ne comprends vraiment pas ce que ton père a avec les magiciens ! Mais, ce n'est pas bien grave car on ne lui dira rien ! Tu annonceras simplement à ton père que tu viens dormir chez moi. S’il le faut je demanderai à mon père de téléphoner au tien, dans ce cas-là je suis sûre qu'il ne pourra pas refuser ! Toi tu ne t'occupes que de venir à la maison, je te trouverai une robe digne de ce nom, je m'occuperai aussi de ta coiffure, car te connaissant tu serais capable de faire une de tes sempiternelles queues de cheval ou tresse que tu affectionnes tant !
Elle avait dit ça en prenant la longue tresse de Satty dans ses mains et en la regardant avec dégoût, mais Satty était tellement accoutumée de ses agissements qu’elle ne s’en offusqua pas.
-Bon maintenant que tout est clair, je te ...
Mais elle n'eut pas le temps de finir sa phrase, une main glacée s'abattit sur leurs épaules et elles sursautèrent toutes les deux.
-Miss Zélie de Monfort et Miss Satty « Je-ne-m'attire-que-des-ennuis » que faites-vous à traîner dans les couloirs ? Les consignes étaient pourtant claires, si je ne me trompe ? Les élèves de dernière année sont priés de rester dans la salle de réception durant l'absence du directeur. Toute entorse au règlement sera sévèrement punie ! dit le professeur Smitche, un homme longiligne mais légèrement courbé des épaules. Chauve, les longs cheveux qui lui restaient avaient l'air de pousser vers le ciel et tombaient en panache de part et d'autre de son crâne dégarni. Comme il ne voyait pas très bien, il avait sur le nez de lourdes montures en or, aux verres parfaitement ronds, qui lui donnaient l'air d'un hibou.
-C'est à dire que ... balbutia Zélie qui avait tout d'un coup perdu de sa contenance.
-Miss De Monfort, vous pouvez disposer, retournez auprès des autres de ce pas. Quant à vous "Miss Catastrophe" veuillez me suivre dans mon bureau, ça tombe bien j'avais à vous parler depuis un certain temps !
Satty lança un coup d'œil désespéré à son amie. Les choses s'annonçaient plutôt mal… Elle avait pourtant réussi à traverser toutes ces années sans être renvoyée et voilà qu'elle se rendait dans le bureau du sous-directeur alors qu'il ne lui restait plus qu'une semaine à tenir ! Allait-il lui dire qu'elle allait devoir redoubler en conséquence à son mauvais comportement ? Pourtant elle avait de bonnes notes, elle était même la meilleure de sa classe ! Peut-être qu'elle n'avait pas réussi les examens finaux ? Il est vrai qu'elle ne se sentait pas bien à ce moment-là car elle avait attrapé le rhume des foins ! Elle se voyait toute seule assise sur un banc de classe parmi tous ces jeunes qui la montreraient du doigt pour avoir échoué si lamentablement. Au moins, il y aurait toujours Anatole pour lui tenir compagnie mais n'avait-il pas dit qu'il comptait quitter l'école dès la rentrée et qu'il avait reçu la proposition d’un poste au Consule ? Elle serait donc bel et bien seule. Et elle eut beau regarder Zélie, celle-ci ne lui fut d'aucun secours, trop contente d'avoir échappé à une punition (Mais quel prof oserait punir la fille du premier ministre ?). Zélie s'éloignait déjà et ne se retourna que pour lui lancer :
-On se retrouve tout à l'heure au restaurant de l'école, le chef a encore accompli des merveilles, tu verras, un régal ! Et n'oublie pas pour vendredi, je n'accepterai aucun refus ! Profite bien de ton heure de gloire, dit-elle en lui lançant un clin d'œil, c'est tes parents qui vont être contents !
Ce que Zélie avait voulu dire par là, elle ne le savait pas, sans doute peu soucieuse de son sort, faisait-elle référence au bal et au fait qu'elle allait faire son entrée dans la société de la meilleure manière qu’il soit, c'est à dire en compagnie de la fille du premier ministre pour tout chaperon !
-Au fait, dit-elle en se retournant une dernière fois, Il paraît que les magiciens du "Cercle des 8 "seront présents à la soirée !
Ses mots résonnèrent comme une douce promesse aux oreilles de Satty. Le "Cercle des 8" ! Pendant un bref moment elle oublia la fâcheuse posture dans laquelle elle se trouvait, se laissant aller à quelques rêveries, mais la main glacée du professeur Smitche la ramena à la réalité et elle le suivit dans un silence monacal jusqu'à la porte de son bureau.
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