L'escalier du Géant

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— Allons ! Debout !

Fille se releva. Elle se prenait une fois de plus une belle leçon d’humilité. Seth tenait à ce que régulièrement, elle vienne s’entraîner avec les officiers et les sergents. Elle ne connaissait que trop bien son professeur. Elle était d'ailleurs si familière de sa manière de combattre que parfois, elle arrivait à faire illusion. Mais devant des adversaires inconnus et donc imprévisibles, à l’épée, elle ne parvint que rarement à prendre l’initiative. Les meilleurs lui faisaient régulièrement mordre la poussière, et quel intérêt y avait-t-il à vaincre les seconds couteaux, même si certains d’entre eux étaient loin d’avoir deux mains gauches ?
Tout son corps lui faisait mal, et depuis quelques jours, elle ressentait une douleur au coude droit. Elle craignait par dessus tout de décevoir Seth. La fierté qu’elle pouvait parfois lire dans son regard depuis quelques temps avait laissé la place à … à quoi au juste ? De l’inquiétude ? De la lassitude ? Elle n'aurait su le dire. Toujours était-il que depuis quelque temps, son Maître d’armes se montrait un peu plus distant, et cela l’attristait. Aussi, ce fut pour lui qu’elle lança une dernière fois ses forces dans cet assaut. Son adversaire reculait, reculait encore mais refusait de céder, sa garde très fermée était comme une muraille qu’elle demeurait incapable de percer.

— Il suffit ! C’est assez pour aujourd’hui.

Elle était si mécontente d’elle qu’elle sentit les larmes lui monter aux yeux. Hors de question cependant qu’elle leur offre ce spectacle. Elle s’écarta un peu du groupe pour se déharnacher.

— C’est bon. Tu t’en es bien sortie, lança Seth.

— Vous mentez trop bien. Et ce n’est pas non plus l’impression que vous m’avez donnée ces derniers jours.

— Que racontes-tu ? Chaque jour, ton bras est de plus en plus fort.

— Pourquoi alors ces lourdauds parviennent-ils à se jouer de moi ?

— Ce ne sont pas des lourdauds. Ils comptent parmi les meilleurs combattants de ces Terres.

— « Parmi » les meilleurs. C’est bien là le problème. Qu’adviendra-t-il quand je serai confrontée au meilleur ?

Il soupira, marqua un temps d’arrêt avant de reprendre.

— Que croyais-tu donc ? Qu’en une ou deux lunes, j’allais faire de toi la plus fine lame du pays ?

Silence.

— Nous sommes à mi-parcours. Il est tout à fait normal que tu plafonnes un moment. Quand nous aurons fait sauter ce verrou, tu progresseras encore.

— Les Dieux vous entendent. Dwan m’a parlé de ces joutes, je ne donne pas cher de ma peau si je devais ne pas être à la hauteur.

***

Ce fut remplie de mélancolie que Fille rejoignit Seth le lendemain pour ce qu’il appellait « leur longue sortie ». C’était une magnifique journée, le soleil éblouissant adoucissait un peu la morsure du froid. Pourtant, quand ils progressaient à l’ombre, l’hiver leur rappellait qu’il n'en a avait pas terminé avec eux.
Seth s’était lancé dans un long monologue, il faisait mine d’ignorer qu’elle ne l’écoutait pas. Depuis une demi-lune, Fille semblait s’éloigner de lui, et ça le chagrinait. Il était incapable de mettre un nom sur ce qui se passait entre eux. Au diable l’arc et l’épée aujourd’hui, il décida de l’amener aux escaliers du Géant, mais sans le lui dire. Elle ne fit aucune remarque quand il empruntèrent ce chemin nouveau pour elle, ne posa aucune question alors qu’ils chevauchaient depuis une durée inhabituelle. Quand enfin ils arrivèrent à destination, il lui désigna le cirque de glace d’un grand geste circulaire. Fille en eut le souffle coupé. Face à eux, la rivière figée dégringolait de la falaise qui les dominait, formant un immense escalier gelé, dont les contremarches étaient autant de cascades de glace qui scintillaient de mille feux sous les rayons du soleil. C’était tout simplement féérique. Ils mirent pied à terre. Seth s’employait à allumer un feu tandis qu’elle parcourait à pied le site. Les cascades étaient larges de plus de deux cent pieds, aussi, lorsqu’elle fut de retour, le feu avait-il déjà pris. Elle aida son compagnon à rassembler le plus possible de bois mort puis lui demanda ce qu’il avait prévu de faire.

— Rien.

— Rien ?

— Oui, rien. Aujourd’hui, c’est repos. Nous sommes là pour profiter. Profiter du soleil, de toute cette beauté, du délicieux repas que je nous ai réservé et de cette belle journée. Ni arc, ni épée. Juste nous deux et ce spectacle grandiose.

Elle sourit. Ce n’était pas pour lui déplaire.
Il déroula une petite couverture carrée. Elle était suffisamment épaisse et était doublée d’une peau solide, si bien qu’ils pouvaient s’y installer dans un confort spartiate mais appréciable. Elle ne les isolait que partiellement du sol gelé, mais tout vallait mieux que de s’assoir dans la neige.
Le repas, bien que simple, était effectivement succulent. Seth avait déniché un jambon de toute beauté qu’ils dégustèrent avec une miche fraîche du jour, tout en devisant.
À court de mots, ils contemplaient religieusement le formidable monument de glace. C’était beau.
Seth s’allongea sur le tissu, fit mine de décocher des flèches vers le soleil éclatant. Elle rit.

— Vous risquez de manquer d’allonge.

— Mes flèches sont portées par ma volonté. Elles iront jusqu’au soleil si je le leur ordonne.

Il s’était exprimé avec grand sérieux, mais ne put retenir un fou rire, qui devint vite communicatif. Elle rit à son tour de bon coeur. Seth, toujours allongé, avait maintenant croisé les mains derrière la tête. Elle était toujours assise en tailleur à ses côtés. Elle décida de s’allonger elle aussi, de biais, si bien qu’ils formaient un Y. Elle se ravisa, posa sa tête sur le plexus de Seth. Elle n’avait aucune idée de ce qui la prenait. Son coeur battit la chamade, dans l’attente peut-être de se faire rabrouer. Mais le jeune homme resta immobile. Ils restèrent ainsi un moment, suspendus, entre ciel et terre. Elle décida de s’abandonner. Tout était si merveilleux aujourd’hui. Elle ferma les yeux. Le sommeil la gagnait, et la douceur du soleil sur son visage ne l’aidait pas à lutter. Comment pouvait-il briller aussi fort en plein hiver ? Elle ne se rendit pas de suite compte que ce n’était pas tant le soleil que la main de Seth sur sa joue qui la réchauffait ainsi. Elle n’osa pas ouvrir les yeux. Elle n’osa plus bouger. Il se dégagea partiellement et elle pria pour que ce moment de bonheur ne se brisat pas sans crier gare. Une idée saugrenue lui traversa l’esprit. Elle allait faire semblant de dormir en espérant qu’il la laisse là, la tête posée sur son torse.
Mais quand ses lèvres se posèrent sur les siennes, il lui fallut lui rendre son baiser. Puis quand leurs langues s’unirent, ce fut un combat à mort qui s’engagea. Fille ne savait plus où elle était, ne savait plus ce qu’elle faisait. Elle le voulait juste lui. Lui. Elle ne résista pas quand il entreprit de déboutonner son long manteau et de l’en défaire. Il se félicita qu’elle n’ait passé dessous, comme à son habitude, qu’une de ses légères tuniques. Il la lui ôta en un tournemain. Il resta un Instant à contempler son corps nu, sa gorge délicate, son ventre ferme, ses deux petits seins dont les mamelons, durcis et dressés par le froid, semblaient le défier comme on le ferait de la pointe d’une épée. Elle se redressa, s’agrippant à lui pour mieux l’attirer à elle, entreprit maladroitement de le débarasser de ses vêtements. Elle était si fébrile qu’elle n’y parvint pas, ce fut lui qui se déshabilla tandis qu’elle s’agrippait à sa nuque, à ses cheveux, puis laissait courir ses mains sur son torse puissant, sur ses hanches, sur ses cuisses, sur…
Son sexe était déjà dur comme la pierre, il se pencha pour l’embrasser encore, laissa courir ses lèvres sur son corps en murmurant son nom. Elle soupira sous l'effet du baiser sur son intimité. Gémit quand sa langue se perdit sur sa perle d'amour, celle dont Dame Layna lui avait appris tous les secrets. Mais déjà, Seth se redressait et venait se présenter face à elle. Quand elle sentit son sexe impatient s’affoler entre ses cuisses, prêt à se frayer un chemin vers son plus tendre secret, elle paniqua. Elle ne pouvait pas. Elle ne pourra pas ! C’était comme si tout son ventre le repoussait, comme si son sexe se soudait, condamné à tout jamais à la solitude éternelle. Les larmes lui montèrent aux yeux puis roulèrent le long de ses tempes. Elle ne pouvait pas.

Mais Seth lui prit délicatement le visage entre ses mains. Embrassa sa bouche. Embrassa ses yeux. Embrassa ses larmes. Avec une infinie douceur, il se présenta à l’entrée du temple. S’immisça. Elle rendit les armes sans aucune résistance, serrant les dents tandis que le pieu de chair s’enfonçait doucement en elle. Jusqu’à la garde, pour enfin rester immobile. Il chuchota :

— À toi maintenant.

Alors elle creusa les reins pour l’éloigner un peu. Puis l’attira à elle. S’écarta. Revint. Encore. Encore. Et encore ! Elle ondulait maintenant le long de son sexe, accrochée à ses fesses. Il la rejoignit, poussant plus avant son bassin quand elle l’appellait et fuyant quand elle esquivait, sans jamais quitter le fourreau doux, tiède et humide.
Elle redoublait maintenant d’efforts, elle le voulait tout entier, tout au fond, tout au fond. Quand elle réalisa qu’il allait lui faire toucher le ciel, elle sanglota. Des larmes de joie. Et elle ondula plus fort encore. Plus vite …

— Plus fort …

Elle l’avait laché dans un souffle.

Alors Seth laissa libre cours à sa passion. Il l’avait tant désirée. Il l’avait tellement rêvée. Il allait et venait maintenant en elle comme un animal sauvage. Bestial. Elle tressautait sous les coups de butoir, il s'enfonçait à chaque fois en elle jusqu'à la garde. Il y allait si fort qu'elle était maintenant à demi couchée dans la neige. Elle poussa un long gémissement. Seth, inquiet, s'immobilisa. Mais elle l'encouragea.

— Encore ... encore !

Ils jouirent ensemble en criant leur bonheur aux géants invisibles. Dans la neige immaculée, deux corps unis, immobiles. Le soleil faisait danser les volutes de vapeur qui en émanaient.

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