SCÈNE VI. Diamartène, Thérape.

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Derrière une console de commande fournie surmontée d’une immense baie vitrée,
Thérape regarde son Epistolac et son barrage.
On fera usage d’un drap blanc pour la fenêtre et d’un vidéoprojecteur pour le lac.
Il a à côté de lui un grand levier verrouillé par un énorme cadenas à code.
On toque.

DIAMARTÈNE
Quelqu’un demeure ?

THÉRAPE
Mmh, c’est pour quoi ?

DIAMARTÈNE
C’est moi, Diamartène !
Voulez-vous bien m’ouvrir ? Je vous porte un message de la plus haute importance.

THÉRAPE
Oh d’accord ! Viens, viens ! Pousse la clenche !


Diamartène entre et lance tout de suite un regard au levier.


DIAMARTÈNE
Alors voilà, c'est… c’est une lettre de votre bien-aimée.
Je suis navré d’être le funèbre messager.

Il lui tend l’enveloppe.
Thérape s’en saisit.

THÉRAPE
Une lettre ? Vous, un messager funèbre ? Mais qu’est-ce à dire ?
Fais voir.
Alors.
Voyons.
Ou pas. Attends, je sors mes lunettes. (Qu’il enfile fissa)
Donc.
“Cher Thérape, je suis au regret de t’annoncer que c’est la fin pour nous. J’ai maintenu notre couple à bout de bras pendant six mois en vain, je crois que la flamme est éteinte et ne se rallumera plus.
J’ai dores et déjà rencontré quelqu’un qui sait prendre soin de moi et que j’aime du plus profond de mon cœur !
Bon courage pour t’occuper de ton Epistolac, auquel tu accordes de toute manière plus d’importance qu’à moi.”
Et c’est bien sa signature. Mes dieux.


Il se met à pleurer.


DIAMARTÈNE
Je suis vraiment navré, cher Thérape. J’aurais aimé ne jamais avoir à vous annoncer ça, mais vous savez comme sont les femmes…

THÉRAPE
J’ai comme une immense pierre dans le ventre. Il drache dru au dedans ! Jette-moi dans le lac, je suis déjà lesté, je n’ai plus qu’à me laisser couler.

DIAMARTÈNE
Allons, ne dites pas de telles choses, reprenez-vous mon vieux ! Vous ne devriez pas être triste comme cela !, mais en colère ; rageant d’une trahison de ce genre !

THÉRAPE
Et pour qui m’a-t-elle abandonné au juste ?

DIAMARTÈNE
Oh ! Euh … Mmh pour… pour Aranée, votre cousin.

THÉRAPE
Oh ! Cougneu d’poyes ! Comment ose-t-il ?! Ma propre famille ! Mon cousin ! Il cherche misère ou bien ?

DIAMARTÈNE
Voilà, comme ça ! Je sens que la colère commence à monter, c’est bien, c’est très bien, c’est très sain ! Laissez cette colère vous envahir, libérez là ! Il ne faudrait pas gâcher toute cette énergie !

THÉRAPE
Écoute, je suis … J'suis en rage ! J'ai une de ces envies de tout casser ! Un an de relation foutu en l’air, et par ma propre famille encore bien ! Ah ! C’est rien que deux connards sans cœur, hein. Ils osent me briser, moi, un brave homme qui fait de son mieux, quoi ! Ça n’va pas être une petite brette, oh ça non ! Savent-ils seulement le pouvoir que j’ai, ces deux-là ? Si je le veux, moi, je peux inonder l’intégralité de Sédate-en-Laconie ! Un petit coup de levier, et hop-là, c’en est fini de cette foutue ville et de ces deux parjures, ces… Ces rats !, nodidju !

DIAMARTÈNE
Exactement ! Un petit coup de levier ! Voilà, c’est tout ce qui nous sépare de l’Ataraxie. Maintenant que cette idée germe dans ta tête tu te dis “et après tout, pourquoi pas ?”
Oui, après des années à servir une ville qui ne t’a jamais remercié, après avoir vécu la pire des trahisons, une souffrance pareille à nulle autre ; pourquoi pas ?

THÉRAPE
Je… Je ne vais quand même pas tuer des milliers d’innocents à cause de deux dikkeneks de malheur. Non, il y a des femmes, des enfants là-dedans.

DIAMARTÈNE
Non, non, point du tout ! La ville a été désertée. Mes hommes sont venus chercher tout ce beau monde au petit matin. Les enfants, les femmes et les vieillards, tous à l’abri du moindre mal ! Nous ne sommes pas des barbares quand même, dois-je rappeler nos ascendances ?
Les hommes, par contre, à nous avoir défiés, ont été dûment ligotés sur la place centrale. Il n’y a que l’Arcompte qui s’est défilé, je ne sais où, mais j’en fais une histoire personnelle, je vais lui faire sa fête.

Mais songes-y. Tout faire disparaître en un claquement de doigt, ou plutôt un coup de levier ! C’est en ton pouvoir !

THÉRAPE
Je ne sais pas…

DIAMARTÈNE
Oh si, tu sais ! Déverrouille ce satané cadenas ! Tu as soif et faim ! Tu dois t’apaiser, et c’est là ta corne d’abondance ! Ne tergiverse plus !

THÉRAPE
Alors peut-être, peut-être que je devrais… Et me laisser mourir avec eux, de chagrin.

DIAMARTÈNE
Voilà… Une belle mort, mort de chagrin.


Thérape se penche sur le cadenas.
Il hésite.


THÉRAPE
Qu’est-ce que je suis en train de faire ?

DIAMARTÈNE, calmement
Tu fais ce qui est juste et bon. Tape ce maudit code maintenant Thérape.


Il tape le code, le cadenas se déverrouille en un clic funeste.
Le visage de Diamartène se fend d’un sourire dément.


DIAMARTÈNE
C’est bien, très bien !.. Tu sais qu’on construira un hôtel à ta gloire à Athènes-sus-Otraitre. Une immense statue à ton effigie, devant laquelle on se prosternera. C’est à ça que ressemblent les vrais héros !


Il se saisit du levier, commence à le tirer puis s’arrête.


THÉRAPE
Non. Non, c'est de la folie !
Vous me faites faire quelque chose qui ne me ressemble pas.


Il lache le levier.
Le sourire de Diamartène s’efface.


DIAMARTÈNE
C’est dommage, Thérape.
Renoncer à un si beau destin, à la plus belle des vengeances.
Quel gachi.
Tant pis, je t’aurais laissé ta chance.


Diamartène se saisit de Thérape et le poignarde.
Il s’effondre dans un râle.


DIAMARTÈNE
Ça y est ! Le goût de la victoire ! Quel délicat nectar, c’est l’ambroisie ! Oui ! Aujourd’hui, je me fais dieu ! Ils vont tous contempler ! C’est l’apothéose de Diamartène ! Je ne suis plus le vulgaire fils d’Aphrodite, abandonné de tous ! Non ! Je suis Diamartène Agapoktonos ! Le Tueur de l’Amour !
Aprés moi, il ne restera rien !


Diamartène tire le levier.
La lumière s’éteint.

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