Chapitre 8

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Face à mon mutisme, Astaroth se redresse et remet la chaise à sa place avant de se reculer. Pendant une fraction de seconde, j’ai cru qu’il allait sortir, me laissant tranquille. Suis-je naïve !

— Si tu n’as pas d’autres questions, il est temps que je commence à profiter de mon acquisition. Lève-toi que je t’observe mieux.

Je sens mes yeux s’écarquiller malgré moi. Je savais que ce moment allait venir, mais j’ai préféré l’ignorer au lieu de m’y préparer. Solange s’est toujours assurée qu’aucun homme ou garçon ne me voie ou ne me touche, elle a tout fait pour me rendre pudique et réservée. Si bien que même au vestiaire, avec mes camarades, je me cachais pour me changer. Je serre la couette entre mes mains avec la force du désespoir.

— Je t’ai lavée et mise dans ce lit, attention pour laquelle je n’ai pas été remercié soit dit en passant ; je connais déjà ton corps. Sous toutes ses coutures.

— Pourquoi m’avoir lavée et couchée vous-même, n’avez-vous pas des domestiques ? m’entends-je demander d’une voix légèrement tremblante.

— Parce que tu m’appartiens et nul autre que moi ne te touchera désormais, me répond le démon d’une voix sèche, la colère semble monter en lui. Maintenant cesse de contourner le sujet qui m’intéresse et lève-toi ! Ne me fais pas me répéter !

Son visage est menaçant, la pièce même semble plus sombre. Terrorisée, je ferme les yeux, tandis que lentement, j’abaisse la couette, dévoilant mon corps. Lorsque la couverture arrive finalement sur mes genoux, j’ouvre doucement les yeux. Son regard est toujours agacé et trahit son impatience. Je me lève, quittant la chaleur des draps. J’aimerais affirmer que j’ai le port fier d’une reine, que mon regard le toise avec arrogance. La vérité est tout autre. Je me tiens voutée, les bras autour de mon buste, cachant ma poitrine et une partie de mon intimité. Quant à mon regard, il est fuyant. Pourtant je ne manque pas son léger soupir d’exaspération ni son sourcil relevé face à ma tenue.

— Avance d’un pas, ordonne-t-il d’une voix neutre.

Je m’exécute plus ou moins. Son air sévère suffit à me faire avancer davantage.

— Bien. On progresse.

Astaroth se met à tourner autour de moi. Je ne me suis jamais sentie aussi mal. Son regard pèse lourd sur ma peau qui me semble blafarde malgré mon hâle naturel.

— Maintenant, nous allons corriger ta posture. Cesse de te cacher avec tes bras, tu es ridicule. Redresse-toi. Mieux que ça ! Tiens-toi droite ! Lève la tête.

Des larmes trahissent ma douleur d’être ainsi jugée. Réduite à obéir à des ordres, telle une esclave. Esclave. Le mot résonne dans ma tête. C’est effectivement mon statut, je suis désormais l’esclave d’un démon.

— C’est un début… commente-t-il avec lassitude. Bien. Je t’offre un choix : tu peux croiser les bras dans ton dos ou tu peux joindre tes mains dans le creux dans le bas de ton dos. Ce choix fait, il faudra t’y tenir.

Après une hésitation, je décide de croiser les bras.

— Parfait. Mémorise cette posture, c’est celle que tu dois tenir en ma présence.

Astaroth me fait face et remarque les larmes qui m’ont échappé. D’un geste étonnamment doux, il les efface de mon visage. Je n’ose pas bouger. Sa main est agréablement chaude. Ceci dit, je ne savais pas trop à quoi m’attendre ; la froideur de la mort, peut-être ? Son contact me trouble, j’ai déjà vu ce genre de geste dans des films : est-ce une quelconque marque d’affection ou une menace déguisée ? J’ai vaguement le temps de saisir son odeur, elle ne m’évoque qu’une seule chose : le feu.

— Ne pleure pas. Pas tout de suite.

Ok, c’était une menace. Enfin, je crois ?

Loin de s’arrêter à mon visage, sa main descend le long de mon cou. Je ferme les yeux et retiens mon souffle. Personne ne m’a jamais touchée de cette façon. Sa caresse se poursuit lentement sur mon buste jusqu’à mon nombril, tandis qu’il se penche dans le creux de mon cou pour me sentir. Sa propre odeur me submerge alors que l’une de ses mèches de cheveux glisse de son épaule pour me venir me chatouiller la poitrine. Sa main poursuit langoureusement son chemin et vient caresser mes boucles, mes lèvres, sans pour autant les franchir. Mon rythme cardiaque s’accélère et mon corps frissonne d’appréhension, mais pas seulement. Avec la même langueur que dans sa descente, je sens sa main remonter et cueillir mon sein gauche. La chaleur de son contact, de son souffle irradie en moi. Un frisson me traverse, un frisson nouveau qui n’est pas lié à la peur, ni au froid. A cet instant, je ne saurais dire si je veux que cela cesse ou si j’en veux plus ; je me mords les lèvres, coupable. Je sens mes tétons pointer, trahissant mes pensées. La main d’Astaroth resserre aussitôt son emprise tout en pinçant mon mamelon. Surprise, un gémissement m’échappe.

— Brave petite chose… murmure le démon à mon oreille avant de me lâcher et de se redresser.

Alors qu’il s’écarte, je sens sa chaleur me quitter et j’ai froid. Seul mon entrejambe me semble encore chaud… et légèrement humide. Je maudis mon corps d’être si docile et corruptible. Je rouvre les yeux et lève un regard honteux vers mon bourreau, celui-ci m’observe avec satisfaction.

— Il est temps que je te montre ma demeure et que je te présente les tâches qui seront les tiennes.

Cette annonce me ramène brutalement à la réalité. Perdue entre mes sensations et ce qu’il va me demander. Je n’ose ni bouger, ni parler.

— Cette soirée est la dernière où tu pourras librement me poser des questions, je te conseille d’en profiter. Par la suite, à moins d’y être invitée, tu ne seras pas autorisée à prendre la parole.

Il s’approche de ce qui ressemble à une armoire. Lorsqu’il l’ouvre, j’ai à peine le temps d’entrapercevoir ce qu’il y a dedans, mais ce peu suffit à me donner des sueurs froides et me couper toute forme d’excitation : des cordes, mais j’ai aussi cru voir briller des chaines et des outils en métal. Je l’entends s’emparer de plusieurs choses. Putain, Solange, je jure que tu vas le payer d’une façon ou d’une autre !

Astaroth revient vers moi, son regard autoritaire me glace le sang.

— Posture, dit-il d’une voix sèche, claquante.

Je me redresse aussitôt et recroise mes mains dans mon dos, tandis que mes yeux scrutent ses mains. Je n’ai guère le temps de voir grand-chose, car il m’attache rapidement un collier noir au ras-du-cou, j’ai tout juste le temps de distinguer que celui-ci est orné d’un anneau. J’ai peur de ce que je dois comprendre de cet accoutrement. Sans plus de cérémonie, il me montre sa main gauche dans laquelle il tient une chaîne argentée.

— Ta mère t’a habituée à obéir et à être soumise : c’est une bonne chose, même si je n’en demandais pas autant. En revanche, je peux voir également que tu as eu tendance à te rebeller ces derniers temps, aussi je vais être clair : montre-toi complaisante et je n’aurais pas besoin de ceci.

Son regard insiste dans le mien, dans la semi-obscurité de la pièce je discerne tout juste enfin la couleur cuivrée de ses yeux, ils sont magnifiques. Terrifiants, mais magnifiques. Il attend une réponse : j’acquiesce en hochant doucement la tête. Satisfait, il se retourne et quitte la pièce. Il me faut quelques secondes pour réaliser que je dois le suivre, ce que je m’empresse de faire.

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