Partie 6 - Jouet
LAZARE
Partie 6 - Jouet
“Puyt wuomè vuyt miy fepz mi hemisi, qet wseo ?” articula t-il difficilement. “Gisni mitayz iv meotti-vuo nuysos…”**
La bête poussa un grognement et retira sa patte, l’entraînant vers elle sous sa force. Il roula sur le ventre, sa tête s’enfonça dans la boue. Le souffle de la manticore sur sa nuque le tétanisa. Elle le reniflait calmement, le soulevant de temps en temps au niveau du torse pour mieux le relâcher au sol. Son coeur battait la chamade.
Entre les pattes de la créature, il n’était guère plus qu’une poupée de chiffon, un jouet brisé qui suppliait son propriétaire de l’achever. Les mouvements brusques du monstre ravivèrent de plus bel la douleur dans son genou. Il serra les dent, effrayé par l’idée que ses hurlements réveillent les instincts prédateurs de sa compagne d’infortune. Par chance, la manticore ne s’intéressa que peu de temps à son cas. Elle se roula bientôt en boule, gémissant, puis ronronna et se mit à lécher bruyamment sa blessure.
Si seulement Lazare avait été plus âgé, il aurait pu communiquer avec elle, à l’aide d’un don offert à leur peuple qui pourvoyait les individus de plus de deux cent cycles de nouveaux pouvoirs. Il n’avait vécu que quatre-vingt printemps, ne possédait que la nyctalopie et la télékinésie comme armes défensives et ne se sentait plus la force nécessaire pour les utiliser.
Des larmes de douleur contenues coulèrent le long de ses joues, brûlant la cavité vide de son oeil percé. Son genou le faisait plus souffrir encore. Il lui semblait rôtir sous le souffle d’un dragon invisible. Il chercha à se recroqueviller pour se mettre plus à son aise, mais même cette tâche lui était impossible. La douleur et le venin tétanisaient ses muscles.
Derrière lui, silencieusement, la bête expira bientôt, sa proie entre les pattes. Son énorme tête se posa sur son dos. La solitude s’empara de l’elfe, désormais livré à lui-même dans ce monde de géants verts.
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**“Nous voilà tous les deux dans la galère, pas vrai ?” articula t-il difficilement. “Ferme les yeux et laisse-toi mourir...”
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