Gaston

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Gaston soupira.

« Pourquoi tu soupires ? lança, hargneux, Aimé.

-Ça va, je peux respirer un peu fort non ? protesta Gaston.

-Oh, bien sûr, tu ''respires un peu fort'', ironisa Aimé. Quoi, c'est la voiture qui n'est pas assez belle ? Depuis que tu es monté à Paris, tu as des goûts de luxe ? Môssieur aurait peut-être préféré que je vienne le chercher en cadillac ? Eh ben non. Ici on roule encore en Citroën traction avant.

-Ce n'est pas Princesse ? s'enquit Gaston. Elle était noire, celle-ci est bleue.

-Non, ce n'est pas Princesse. »

Aimé s'était radouci. Il ne parlait que deux langues, le français et l'automobile. Gaston savait qu'il avait tapé au bon endroit en lui rappelant sa Princesse, la vieille Citroën traction avant que son issu de germain lui avait revendue en 1939. Il n'avait jamais eu de flair, l'issu de germain d'Aimé. Revendre sa voiture juste avant l'Exode, s'engager dans l'armée la veille de la Débâcle... enfin, un bon français malgré tout, puisqu'on ne l'avait jamais vu avec un uniforme de l'autre côté.

« René n'habite plus rue Balzac ? s'étonna Gaston quand ils dépassèrent le carrefour qui en marquait la fin.

-Non, il habite rue Leclerc - ancienne rue du marché aux poissons, si tu te souviens bien. Avec son salaire d'employé de sous-préfecture, il peut se permettre de loger plus grand. Et puis tu sais, il a épousé Adèle, alors pour fonder une famille, deux pièces en sous-sol, c'est peu.

-Adèle !? s'exclama Gaston. Il a toujours eu du pot, le René. Enfin, j'imagine que c'est ce qu'on gagne à rester dans la même ville que celle de ses premières amours, et avec un beau salaire en prime.

-Son salaire, sa position, tout ça il les a gagnés à la sueur de son front, dit Aimé. Comme nous tous. Sauf toi. »

Gaston se tourna vers Aimé. Cette fois-ci c'était lui qui se mettait en colère.

« Dis donc, Aimé, faudrait pas me prendre pour plus sal*** que je ne le suis ! Je te l'ai dit mille fois, c'est pas ma faute pour Blanche ! »

Il fit silence, puis ajouta :

« J'admets que j'ai pas été aussi honnête que vous tous. Mais Blanche, c'était pas moi. Ç'aurait été un cochon, bon, je l'aurais peut-être refourgué au marché noir. Mais pas un humain enfin ! Les humains ça se marchande pas, bon Dieu ! Comment tu peux penser ça de moi ? »

Aimé se gara et dit simplement :

« Nous sommes arrivés. »

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