Le sanctuaire
Les dieux remirent le clan à l’épreuve peu après le solstice d’été. C’est Aloua qui se mit à tousser la première. La maladie progressa ensuite rapidement au sein de la petite troupe de survivants. Jac était désespéré. En tant que chef, son devoir était d’agir pour les sortir de cette situation mortelle, mais que faire alors que la maladie s’en revenait plusieurs fois par an, tuant chaque fois plusieurs membres du clan sans que rien ne semble pouvoir empêcher ce cycle mortel de recommencer...
Jac avait été choisi comme guide plusieurs années auparavant. Il était secondé par Wal, chamane du groupe. Depuis le grand effondrement, l’humanité survivait sous la forme de petits groupes dispersés. Le climat, devenu particulièrement aride, offrait peu de ressources et seuls des groupes de taille réduite parvenaient à survivre. Pêche, cueillette et chasse lorsque l’occasion se présentait, assuraient la survie de ces maigres populations.
La maladie avait emporté la moitié du groupe de Jac depuis qu’elle était apparue deux années plus tôt et maintenant une grande partie des survivants commençait à tousser. Wal s’approcha de Jac et lui déclara que leur dernière chance était de se rendre au sanctuaire pour prier les dieux et les implorer de les sauver. Jac n’avait pas d’autre solution. Le groupe se mit en marche le lendemain et arriva au sanctuaire en fin de soirée. Deux jeunes enfants étaient morts durant le voyage.
Le sanctuaire était un lieu sacré. Il était rare que les membres de la troupe s’y rendent ensemble et seul Wal et quelques initiés fréquentaient régulièrement ce grand bâtiment. Le toit tenait encore et créait une ombre bienvenue après le voyage. Hommes et femmes étaient impressionnés par l’aura du sanctuaire. Wal se plaça au centre de la grande salle en face de l’entrée. Un silence angoissé régnait, seulement troublé par les quintes de toux des uns et des autres. Les enfants n’avaient plus la force de pleurer.
Après quelques paroles solennelles, Wal s’éloigna dans l’arrière du sanctuaire pour prier et trouver des fioles sacrées. Il revint avec différents flacons décorés d’étiquettes mystérieuses. Sur ces morceaux de papier vieillissant, s’étalaient les symboles mystiques que l’on trouvait partout dans les anciens bâtiments. Les hommes les connaissaient bien pour les contempler toute leur vie durant sans jamais en comprendre le sens. Les chamanes eux-mêmes s’interrogeait souvent sur ces petits dessins fascinants. Wal essayait parfois de les reproduire. Il se disait que c’était un bon exercice de piété. Lorsqu’il sentait que les dieux l’approuvaient, il gravait les signes à la pointe de sa lame sur une planchette d’écorce qu’il conservait ensuite dans la hutte de prière.
La cérémonie d’aujourd’hui devait être grandiose. Jac et Wal étaient bien d’accord sur ce point. Le clan était au bord de l’extinction et il fallait convaincre les dieux de leur venir en aide. Quoi de plus efficace qu’une prière commune ? Le rite commençait par des chants et des implorations devant un grand feu allumé devant l’entrée du sanctuaire. Wal, tout en priant les dieux, lançait différentes fioles dans les flammes. Certaines créaient de petites explosions de lumière et un bruit puissant. Lorsque la main du chaman trouvait la fiole produisant cet effet, le clan retrouvait sa confiance. Les dieux leur seraient favorables.
Ce jour-là, Wal eut la main heureuse. Plusieurs fioles produisirent de fortes lumières de couleur magnifique lorsqu’il les jeta dans le feu. Certaines libérèrent des gaz à l’odeur forte. Les yeux de certains participants pleuraient. C’était un bon signe. Le groupe produisit une magnifique prière commune puis ce fut la fin de la cérémonie. Les participants se rassemblaient péniblement à cause de la fatigue du voyage et la maladie, mais un immense espoir était né ce soir grâce à Wal qui avait su implorer les dieux comme il se doit pour un grand chaman. Et Wal était le plus grand des chamans, du moins ce soir.
Le groupe une fois éloigné du sanctuaire, Wal se retourna vers le bâtiment. Il contempla la façade grisâtre autrefois blanche. Ses yeux glissèrent vers l’immense panneau surplombant fièrement l’entrée et les symboles qui s’y trouvaient inscrits depuis des temps immémoriaux. Alors qu’il priait encore, ses doigts tracèrent lentement « Centre Hospitalier de La Rochelle » sur sa planchette d’écorce.
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