Chapitre 10 : Rumeur (3)
Un homme se tenait debout face à une assemblée. L’un des membres prit la parole.
— Professeur De Lastys, connaissez-vous la raison de votre convocation ?
— Non, en quoi puis-je aider les autorités publiques ?
— Pour tout vous dire, vous nous ennuyez plus que vous nous aidez.
— Je vous demande pardon ?
— Ne prenez pas cet air étonné ! Une étrange rumeur circule à votre sujet, ou plutôt au sujet de votre fils. Que faisiez-vous pour ne pas vous en être rendu compte ?
— J’étais…
— Peu importe ! Le fait est que vous êtes accusés d’avoir cloné votre fils. Vous comprenez que la situation dans laquelle vous nous mettez nous est quelque peu inconfortable. Nous tentons de lutter contre l’utilisation abusive des clones et des hybrides et nous apprenons que l’un de nos plus brillant chercheur, à cloné son enfant. Cette rumeur a pris des propensions démesurées, c’est à regret que je me vois obliger de vous retirer du projet Trimondes.
— Quoi ?
A l’évocation de ce nom, Vyrian tendit l’oreille, plus que jamais concentré. Il ne doutait pas qu’il devait en être de même pour Nick. Le scientifique entendit cogner contre la porte. La projection la retraversa. Devant lui se tenait Nick qui visiblement avait tenté de se rapprocher de la fissure pour mieux entendre la conversation s’était cogné à la porte. Les joues du jeune homme s’empourprèrent et Vyrian l’entendit murmurer un juron de frustration. A travers la porte les deux hommes entendirent la voix du dirigeant des autorités publiques répondre à la maladresse de Nick.
— Entrez !
Le jeune homme se crispa, à peine si Vyrian pouvait distinguer le soulèvement de sa cage thoracique. La projection retourna dans la salle de réunion laissant à Nick le temps de reprendre ses esprits.
Lorsque Vyrian reprit le visionnage de la convocation, il vit un homme sourire, le regard rivé vers la porte. Sans se l’expliquer, Vyrian eut un mauvais pressentiment à son sujet. Le biologiste lu sur le chevalet de bureau qu’il appartenait au département du développement.
Par manque de réponse, le dirigeant de l’autorité publique reprit la parole.
— Des experts viendront prélevez sous scellés les donnés que vous possédez à votre domicile
— Mais…
— C’est fini professeur. Nous ne pouvons vous garder dans nos rangs. Aussi important que vous pouviez être pour ce projet, vous n’êtes pas irremplaçable.
— La vérité ne vous intéresse donc pas ?
— Absolument pas !
— M’exclure donne raison à ces rumeurs !
— Et vous gardez parmi nous sera vu comme une protection, désolé mais il n’y a aucune solution. Il faudrait des preuves pour vous innocentez, mais vous êtes l’un de nos meilleurs scientifiques, vous avez accès à tout le matériel nécessaire pour effacer d’éventuels indices. Quant à faire une enquête en externe, comment être sûr que les employés ne soient pas corrompus ?
Je suis désolé, Almarran, croyez-moi, cette décision ne fut pas facile à prendre. Nous avons eu de nombreux débats avec les autorités médicale, écologique, d’innovation et de développement. Si nous voulons continuer de défendre nos valeurs, nous devons être irréprochables. Le parti d’Yvias est chaque jour plus puissant, de nouveaux clones et hybrides naissent sans cesse. Que ce soit par désespoir, folie ou autre, les habitants espèrent parvenir à être mieux adapter aux conditions climatiques. Aucune donnée n’a jusqu’à présent validée cette hypothèse, mais une chose est sûre, tous les mutants créés appartiennent à Yvias. Nous craignons qu’il ne s’en constitue une armée et nous attaque, nous ne pouvons prendre le risque de lui en fournir une raison.
La réunion prit fin. Almarran quitta la salle en trombe. Le reste des membres sortirent un à un visiblement confus. Vyrian profita du calme pour interroger Mère.
— La rumeur est-elle fondée ? Almarran a-t-il réellement cloné son fils ?
— Oui. Le Nick d’origine est un des Exilés, c’est un habitant du Monde Mythique, comme Yomi, il n’a aucune idée de ses origines.
— Mais quel est le lien entre Almarran, Fara, Dallan et vous ? Et qui est cette Ehmra ?
— Ehmra est la femme d’Almarran. Quant à Dallan et Fara, ils ont été contactés par tes prédécesseurs, ils n’ont pas trouvé Yomi par hasard. Quant à moi, je fus piratée. Newt, Stein et Willis ont contacté les trois mondes par mon intermédiaire.
Vyrian se sentit bête, dans toute la complexité que représentait Mère, il n’avait pas pensé un seul instant qu’elle puisse se faire pirater. Le scientifique resta abasourdi par cette nouvelle. Il regarda distrait l’homme pour lequel il éprouvait un mauvais sentiment sortir de la salle de réunion. Il s’arrêta devant la porte. Vyrian imaginait la détresse du jeune homme pris au piège, n’ayant d’autre protection que l’épaisseur de la porte de la salle.
Vyrian compris, sans pouvoir l’expliquer que l’homme avait démasqué Nick. Au bout d’un moment, il tourna les talons. Nick patienta quelques instants avant de sortir de sa cachette. En tournant la tête, il vit une carte de visite dans la pochette du planning des réunions accroché à la porte. Il s’en empara. La carte contenait simplement une adresse. Il n’y avait ni nom, ni moyen de contacter son propriétaire. Nick la retourna et put y lire :
« Retrouve-moi. Je répondrai à toutes tes questions »
Vyrian en était à présent persuadé. L’homme avait démasqué Nick. Il ne savait qu’en penser. Il n’eut pas le temps d’y réfléchir plus longtemps. Une voix familière interrompit ses pensées.
— On m’a dit que tu voulais me voir.
Surpris, le jeune homme rangea précipitamment la carte dans une de ses poches. Il se retourna, son père se tenait devant lui. Il était imposant. En les regardant, Vyrian ne doutait pas du lien de parenté qui unissait le père et le fils. Voyant l’air gêné de son fils, Almarran prit les devants.
— Tu as tout entendu ?
Nick ne répondit pas, son silence était éloquent. Almarran poussa un profond soupir.
— Écoute…
Nick l’interrompit.
— C’est vrai, tout ce que l’on raconte ? Est-ce que je ne suis qu’un double ?
Almarran chercha les mots justes.
— Tu peux être mon fils tout en étant un clone. L’un n’empêche pas l’autre.
Almarann vit son fils se crisper. Il chercha à rectifier ses propos mais rien ne lui vint. Au bout de plusieurs secondes Nick reprit la parole.
— Pourquoi ? Qu’est-il arrivé à l’original ?
— C’est confidentiel.
— Ça a toujours été ta réponse favorite lorsque tu ne parviens pas à t'exprimer.
— Ce n’est pas aussi simple.
— Est-ce que mère était au courant ?
— Pas dans un premier temps, puis elle a découvert la vérité.
— Comment peut-on rester avec quelqu’un qui nous manipule ?
Sur ses mots, Nick se dirigea vers la sortie. Au loin, son père répondit à la question.
— Elle n’est pas restée pour moi, mais pour toi, notre fils. Tu ne méritais pas de grandir sans mère.
La souffrance de cette famille faisait écho à celle que Vyrian avait quittée quelques heures auparavant. Peu importait le monde dans lequel il se trouvait, la douleur était unanime.
Almarran laissa son fils s’éloigner et resta seul dans le couloir. Une fois à l’extérieur, Nick sortit la carte de sa poche et la relut avant d'avancer déterminé.
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