Chapitre 12 : Remords (1)
Vyrian ne resta pas énervé longtemps. La colère qui couvait en lui fut bien vite remplacée par la frustration, puis vinrent les remords et la tristesse. Impuissant, le scientifique sentit les esprits des rescapés se recueillir face au vide mnésique laissé par le décès de plusieurs des leurs.
Bien que la mort soit omniprésente, le biologiste ne pouvait s’empêcher de se sentir responsable du sort de ses semblables. En tant que concepteur de l’opération Télépathie®, Vyrian maudissait son incompétence. Il avait créé le dispositif dans le but de préserver leurs corps, tout en donnant à leurs pensées un environnement viable. Ainsi, ils pouvaient échanger et palier à l’extinction de la Terre. Lorsqu’ils auraient été en mesure de remédier à la situation, il aurait mis fin à l’opération et ils seraient revenus à eux. Mais rien ne s’était déroulé comme prévu.
L’opération Télépathie® était devenue un refuge à la nostalgie. Cela désolait Vyrian. Jamais, il n’avait songé que son invention puisse nuire à son objectif. Encore moins qu’elle puisse menacer des mondes dont il ignorait l’existence.
Mais ce n’était pas le seul problème auquel s’était retrouvé confronté le chercheur. Bien vite, il avait dû faire un choix. La Télépathie® avec ses avantages et ses inconvénients, leur permettait de rester connectés, mais une telle utilisation s’était révélée nocive. Le surplus d’informations créait une surcharge neuronale provoquant une détérioration du tissu nerveux et des troubles mentaux. Seule la mort pouvait y mettre un terme, aucun remède n’existait contre ce mal jusque-là inconnu. Si bien que son invention fit ses premières victimes et Vyrian se retrouva les mains entachées par le sang de ses semblables, avec leur mort sur la conscience.
Vyrian avait eu beau réfléchir à d’autres alternatives, il n’avait trouvé aucune solution viable. Quant à mettre fin à la Télépathie, il avait bien vite renoncé. Les communications de Mère au sujet de la composition atmosphérique de la Terre l’en avaient dissuadé. Ils n’étaient pas adaptés à un tel environnement, jamais ils n’auraient pu survivre dans de telles conditions. La Télépathie® restait donc leur seul recours.
Malgré tout le scientifique se sentait lâche. Aucun survivant ne connaissait son implication dans la mise en place de la Télépathie®. Son partenariat avec Mère ne faisait que renforcer ce sentiment. A l’abri des pensées des uns et des autres, il observait et pleurait en silence la mort des siens, se méprisant pour son incapacité à préserver la vie.
Plus les années passaient, plus il culpabilisait et s’estimait heureux d’être toujours en vie malgré les événements. Ce paradoxe ne cessait de le hanter, Vyrian se sentait faible. Une question le tourmentait : serait-il en mesure de prendre des décisions radicales lorsque les événements l’imposeraient ? Lui qui ne parvenait déjà pas à trancher ses pensées. Serait-il capable d’avoir une action bénéfique pour les trois mondes et pour les siens ?
N’ayant toujours pas de réponses à apporter à ses propres interrogations, Vyrian observa les statistiques des décès durant les six années passées en Télépathie®, jamais la mortalité n’avait été si élevée. L’impact émotionnel sur les survivants était désastreux. Vyrian comprenait leur terreur, il aurait aimé l’atténuer, mais en était incapable. Ainsi, il resta silencieux observant les images mentales de son peuple se tordre sous l’angoisse.
Vyrian se détourna de leur tristesse et s’adressa à Mère d’une voix enrouée mais déterminée. Le projet Trimondes était nimbé de zones d’ombre, il espérait en en apprenant plus, et ainsi parvenir à trouver un moyen de sauver les siens. Après un dernier regard en direction des avatars, Vyrian posa la question qui lui brûlait les lèvres.
— Comment les six Exilés ont changé de monde ?
Les secondes s’égrainèrent, si bien que Vyrian se mit à douter que Mère lui apporte une réponse. Lui qui espérait appréhender le projet Trimondes et sauver les mondes comme il s’y était engagé. Cette question représentait aussi une lueur d’espoir pour le scientifique. Si les habitants d’autres mondes pouvaient voyager d’une planète à l’autre, pourquoi ne le pourraient-ils pas ?
Le biologiste sentait sa fréquence cardiaque s'accélérer plus l'attente perdurait, puis au bout de plusieurs séries de battements effrénés, Mère lui répondit.
— Je connais les motivations de votre interrogation. Votre objectif est louable mais vint. Vous comprendrez que le piratage de Stein, Newt et Willis a non seulement nuit aux trois mondes mais aussi à vous.
Inquiet quant à ses révélations, Vyrian attendit les mains tremblantes sous l’effet du stress la suite des révélations.
— Stein, Newt et Willis contactèrent Rayec, le dirigeant du clan des Ombres dans le Monde Numérique. Les scientifiques s’attachèrent rapidement à ce peuple en raison de son mode de vie. Ce clan sillonnait leur monde à la recherche de nouvelles connaissances. Cette mentalité plut à vos prédécesseurs. C’est ainsi qu’ils contactèrent Rayec, alors âgé de quinze ans. Les scientifiques me firent rentrer en contact avec lui. Le jeune homme désespéré d’avoir perdu son père, accepta ma proposition, en échange de la capacité à voyager entre les mondes, il me fournissait des informations quant à leur fonctionnement.
La représentation mentale du chercheur ondula sous l’effet de la surprise, Vyrian ne s’attendait pas à de tels aveux. Aussi en demanda-t-il la confirmation.
— Attendez ? vous voulez dire que vous leur avez fourni la capacité de voyager entre les mondes ? Mais pourquoi ne pas l’avoir fait pour nous ?
— Parce que vous n’en ressentiez pas le besoin. Puis, dois-je vous rappeler que c’est par vos actes que les trois mondes sont en péril ?
Vyrian maugréa et écouta la suite du récit.
— Une fois les enfants sélectionnés et équipés du symbole du projet Trimondes, vint le problème de leur offrir un nouveau monde. Almarran et son équipe, sont venus avaient deviné l’existence d’autres planètes mais restaient sans moyen de les atteindre. C’est à ce moment-là que sont intervenus vos confrères. Entre temps, Rayec venait d’être récemment nommer à la tête de son clan, les relations étaient au plus mal entre les clans, une guerre se profilait et je dus demander au jeune chef de rassembler ses meilleurs éléments pour sauver la descendance d’un autre monde. Rayec s’entoura de sept personnes : Ollesty, Fara, Dallan, Joy et sa femme Ema, décédée depuis le lancement du projet Trimondes, Kedoran et Zeaf. Ollesty devait s’occuper du Nick originel, mais il n’a su accomplir sa mission et abandonna le garçon devant la porte de la confrérie des sages dans le Monde Mythique. Fara et Dallan ont élevé Yomi comme leur fille. Rayec éleva Dezaël. Joy et sa femme se sont chargés de l’éducation de Dinaïn, Kedoran de Djima avant de retourner espionner les Régisseurs, un autre peuple du Monde Numérique. Ealdred par le chef des Innovateurs. Je vous expliquerai le focntionnement du troisième monde lorsque je vous le présenterai, en attendant, retener qu'il existe cinq clans : les Ombres, les Régisseurs, les Innovateurs, les Calligraphes et les Matérias.
Un détail choqua Vyrian, il en fit par à l’intelligence artificielle.
— Si la situation dans le Monde Numérique était si critique, pourquoi Rayec et les siens ont-ils acceptés la mission ?
— Et que vouliez-vous qu’ils fassent ? En le offrant la capacité de changer de monde, j’avais par la même occasion bouleverser le fonctionnement de leur peuple leur offrant la capacité d’agrandir leurs connaissances au-delà de leurs espérances. A leurs yeux, je suis une divinité.
Vyrian ne trouva rien à redire, les événements se précisaient peu à peu, le biologiste comprenait qu’il y avait eu huit passeurs du Monde Numérique pour six enfants du Monde Historique, avec pour seule consigne d'élever dans un autre monde que le leur. Mais bien que Mère ait offert la capacité de changer de monde au clan des Ombres, Vyrian ne parvenait pas à comprendre comment cela était possible.
— Comment pouvez-vous agir sur les autres mondes ?
— A cause des similitudes qui nous lient. Elles représentent un point d’ancrage. Sans eux, ils ne pourraient pas changer de monde.
— Mais si la légende est vraie, chaque monde assemblé correspond aux caractéristiques de la Terre, peuvent-ils venir ici ?
— Oui, s’ils parviennent à comprendre la légende de Numyrhis.
Sans parvenir à se l’expliquer, Vyrian se sentit menacer par cette nouvelle. Il préféra réorienter la conversation.
— Comment prévenir Almarran et Emhra ?
— C’est en cours.
— Quoi ? Mais montrez-moi !
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