Chapitre 15 : Identités (1)
Arrivé dans les cachots, le calvaire de Keenan ne fit qu’empirer, déjà étourdi par l’attaque de Faric, l’obscurité des lieux ne fit qu’aggraver son état. Les villageois forcés de le porter, l’entouraient pour mieux le soutenir, chacun plaçant son épaule sous les aisselles du mage. Mais même comme cela, ils ne pouvaient empêcher ses jambes de trainer au sol.
La douleur des frottements fit grimacer Keenan. Il essaya de remédier à la situation, mais ne parvint qu’à trébucher sur le sol irrégulier avant de basculer, entrainant les deux villageois dans sa chute.
Le trio souleva un nuage de poussière, opacifiant les lieux, l’espace d’un instant. Tandis que la fumée se dissipait, Vyrian reconnu des formes indistinctes derrière les barreaux des cellules. Alors qu’il identifia la silhouette menue de Fara, elle se leva. Le biologiste supposait sa réaction liée à la présence de Mère. Vyrian gardait en mémoire la détresse de la mère de famille lorsqu’elle s’était adressée à l’intelligence artificielle. Cette fois-ci, Dallan se joignit à son mouvement. La Numéricienne avait dû tenir informer son époux des derniers événements. Tous deux attendaient donc de savoir si Mère avait pu prévenir Almarran.
Comme pour donner satisfaction aux hypothèses du chercheur et à l’attente du couple, l’image s’inclina légèrement en avant tel un hochement de tête et les corps des Numériciens semblèrent se détendre comprenant que le message avait bien été transmis. A l’inverse, Dungal restait le regard rivé devant lui, Vyrian suivit la direction et découvrit dans une cellule en face de celle du mentor, Feyna. L’hybride, avait le visage plaqué contre les barreaux et fixait l’entrée des cachots.
Grâce à une amélioration de la qualité de l’image, Vyrian découvrit ce qu’observait la jeune femme et vit de petites empreintes apparaître sur le sol sablonneux, Pitchi rampait. Vyrian fut ravi de voir qu’elle avait survécu à cette chute. La flambante créature qu’il avait vue avait piètre allure. Quant à Keenan, il fut incapable de se relever seul, misérable et poussiéreux, les villageois tout aussi sales le relevèrent et le conduisirent dans une cellule adjacente à celle de Feyna, ne tenant pas compte de Pitchi.
Une fois les villageois débarrassés de leur fardeau, ils firent demi-tour, l’espace d’un instant un faible rayon lumineux pénétra dans les cachots lorsque les deux hommes sortirent, mais il disparut bien vite lorsqu’ils reverrouillèrent l’accès, plongeant de nouveau les prisonniers dans l’obscurité.
Une nouvelle adaptation de la luminosité de l’image fut nécessaire. Pour la première fois depuis leur emprisonnement Vyrian vit les trois Altériens. Il ignorait combien de temps s’était écoulé depuis leur emprisonnement, mais une chose était sûre la captivité avait eu raison de leur bonne santé. Tous avaient les traits tirés, les yeux gonflés et les os un peu saillants.
Vyrian aperçu Pitchi du coin de l’œil poursuivre sa progression, elle arrivait tout juste à l’entrée de la cellule de Keenan. Vyrian ne put empêcher une pointe de tristesse et de colère de lui étreindre le cœur. Il maudit Faric, pour ce qu’il avait fait à Yomi, à ses parents, à son mentor, à Pitchi et Keenan. Les deux partenaires étaient méconnaissables, l’énergie qui se dégageait d’eux s’était tarit, ils n’avaient plus rien du dynamisme que Vyrian leur enviait.
Le scientifique découvrit qu’il n’était pas le seul à penser cela, la voix de Feyna brisa le silence.
— Au final t’es pas si différent de ton frère. Vous êtes tous les deux incapables de rester en dehors des combines foireuses. On avait une chance de se tirer et ta fierté t’as conduit droit dans les emmerdes. Ça doit être de famille.
Avec des grimaces, Keenan s’adossa contre un des murs en pierres de sa cellule.
— De quoi tu parles ?
Vyrian ignorait si Keenan avait conscience de l’intonation prise par sa voix, mais Fara s’empressa d’intervenir.
— Ce n’est pas tout à fait comme ça que nous voulions aborder le sujet, mais Feyna a raison.
Vyrian fut soulagé de revoir le sourire de Keenan étiré ses lèvres bien qu’il soit désabusé.
— Nous ? Feyna ? C’est bien vous avez faits connaissance. Remarquez lorsqu’on agonise faut bien passer le temps.
Vyrian vit apparaître dans un coin de la projection une jauge. Intrigué, il l’analysa. Un curseur ne cessait d’osciller entre deux gammes de couleurs, le rouge et le marron. Ces indicateurs ne présageaient rien de bon. Lorsque Vyrian vit le détail des informations, sa projection mentale blêmit. Faric n’avait pas choisi d’enfermer ses opposants dans n’importe quelle partie des cachots. Il s’agissait de l’aile du bâtiment dans laquelle Mywin avait été retenue captif. La nocivité de sa magie imprégnait encore les lieux, bien que la contamination ne soit que résiduelle, Faric l'avait ravivé peu de jours avant l’emprisonnement de Dallan, Dungal et Fara. Cela ne faisait plus aucun doute, Faric préparait son coup d’état depuis un moment. Une seule question perdurait comment avait-il pu prévoir un tel timing ? Les événements s’organisaient trop bien pour que Vyrian puisse croire à une simple coïncidence.
Bien que n'ayant pas la réponse à sa question, le scientifique comprenait à présent la raison de la dégradation de l’état de santé des Altériens. Le biologiste s’interrogeait sur la survie de Feyna, comment vivrait-elle cette contamination magique ? Elle n’ayant jamais été en contact avec une telle source d’énergie.
Alors que Vyrian observait des pronostiques quant à l’évolution de l’état de santé des prisonniers, Dallan décida d’intervenir dans la conversation.
— Patience.
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