Chapitre 18 : Hack (2)
Lorsqu’elle quitta le couvert des arbres, Vyrian découvrit une vallée s’étendre sous ses yeux. Autant les habitants d’Altéryx avaient su dompter leur environnement en préservant son côté sauvage, autant les mages avaient façonnés le paysage à leur image, mais une fois encore la nature avait été respectée.
Des sculptures descendaient dans la vallée semblant indiquer le chemin aux voyageurs. En les observant un peu plus attentivement, Vyrian découvrit qu’elles portaient une tenue similaire à celle de Keenan. Le scientifique devina qu’il devait s’agir d’illustres mages.
Plus Pitchi se rapprochait de la Confrérie, plus l’habit des statues semblait sophistiqué. Vyrian se rappela que lors de l’altercation entre Keenan et les Altériens, Ywan, l’avait interpelé par le titre de sage. Il interrogea Mère au sujet de la hiérarchie des mages.
— Keenan est un Sage ou un Mage ?
— Keenan est un Sage. Pour les Mysticys, toute personne maitrisant la magie est considérée comme étant mage, mais pour les membres de la Confrérie, le rang de mage, est le rang le plus faible, il est réservé aux apprentis. Les Sages, sont des mages ayant acquis une plus grande maitrise.
— Y-a-t-il d’autres grades ?
— Oui. Au-dessus des Sages, il y a les Sages Vagabond, ce sont des Sages ayant fini leur formation qui partent pendant une durée variable à la découverte des mystères du Monde Mythique.
— Numyrhis en fait partie ?
— Oui. Enfin, le dernier rang est celui d’Erudit qui s’obtient en dédiant sa vie à la recherche. Beaucoup obtiennent ce titre à titre posthume. Le chef de la Confrérie est le Doyen.
Pitchi survola ces portraits et arriva près d’une imposante statue qui marquait l’entrée de la Confrérie. Mère entreprit de la présenter.
— Tout comme Altéryx protège ses habitants à l’aide de pierres de bénédiction, la sécurité de la Confrérie est assurée par son fondateur. A sa mort, il choisit de continuer à veiller sur les siens et son esprit fut emprisonner dans une pierre spirituelle qui fut sculptée à son image.
— Va-t-il laisser passer Pitchi si Keenan est accusé de meurtre ?
— Oui. Pitchi est un cadeau de la part du Doyen à Keenan, l’homme ayant lui-même un couple de Textys, il offrit Pitchi à Keenan, le jeune homme par peur d’être encore plus discriminé cachait sa liaison avec Pitchi, si bien que lorsqu’il quitta la Confrérie très rare était ceux au courant. A ma connaissance seuls le Doyen et Declan étaient dans la confidence.
La petite créature se dirigeait vers une grande place. Une foule s’y était regroupée et acclamait les personnes défilant sur une estrade. Pitchi prit cette direction. Intrigué, Vyrian la suivit du regard et découvrit de jeunes Sages, leur tenue était identique à celle de Keenan. Constatant que le scientifique n’était toujours pas apte suivre les événements et prendre connaissance des notifications, Mère lui expliqua la situation.
— Ce monde est régi par plusieurs cérémonies, il y a celle du passage à l’âge adulte, mais aussi celle du savoir. C’est durant cette cérémonie que les Sages Vagabonds sont élus, c’est un grand honneur de se voir contribuer à l’enrichissement des connaissances de la Confrérie.
Vyrian observa le déroulement de la cérémonie. Un nom se démarqua des autres.
— Declan, fils de Dungal et d’Oriana, êtes-vous prêts à consacrer votre vie à la recherche de la vérité ?
Un jeune homme s’avança sur l’estrade.
— Oui, je le suis.
Vyrian profita de la solennité du moment pour interroger Mère.
— Est-ce lui le passionné de Numyrhis dont parlait Keenan ?
— Oui.
— Keenan est donc moins puissant que Declan ?
Si tel était le cas, Vyrian n’osait imaginer la puissance de Declan.
— Il n’est pas moins puissant. Tous deux auraient dû être promu au rang de Sage Vagabond mais Keenan ayant fui.
Vyrian acquiesça et se reconcentra sur la cérémonie.
— Bien, dans ce cas, relevez-vous et renaissez en tant que Sage Vagabond. À partir de ce jour, vous parcourrez les terres Mythiques à la recherche de leurs moindres secrets. Pour cela vous serez accompagné dans votre quête par ce jeune Wileefy qui, tout comme vous doit faire ses preuves. Bien qu’encore inexpérimenté, ce compagnon vous sera d’une aide précieuse, prenez-en soin.
Vyrian ne prêta pas plus attention à la cérémonie. Il voulait connaitre la créature. Il lut d’une traite la description.
« Wileefy : créatures assez rares, connues aussi sous le nom de "fées savantes". Leur espérance de vie plus longue que celle des humains, leur ont permis d'acquérir un savoir conséquent. Malheureusement, elles ont tendance à être imbu d'elle-même. Elles n'en restent pas moins malgré leur sale caractère d’une efficacité redoutable. »
Vyrian soupira à l’idée de ce que pouvait être les interactions entre deux fortes têtes. Le chercheur vit Declan recevoir comme les autre jeunes Sages Vagabonds un parchemin. D’un geste vif, le jeune Sage Vagabond déroula le document et prit connaissance des détails de sa première mission. Le court instant ne permit pas à Vyrian de lire les informations.
Frustré, il l'observa saluer ses instructeurs et quitter la cérémonie, entouré de ses collègues. Les jeunes gens, le crâne récemment tondu s’isolèrent afin de célébrer leur réussite dans un cadre moins formel. Les spectateurs les félicitaient sur leur passage. .
Vyrian vit Pitchi se diriger vers Declan, le jeune homme sursauta suite à l'arrivée brusque de la Textys. Une fois remit de sa surpirse, il l’accueillit chaleureusement. Son compagnon semblait moins ravi, mais s’abstient de tout commentaire. Le sourire de Declan s’effaça bien vite devant les regards interrogateurs de ses camarades de promotion. Le jeune mage prit congé de son groupe d’amis et s’écarta de la foule. Après s’être assuré être suffisamment loin, Declan s’adressa à la petite créature sur le ton de la confidence.
— Pitchi où est Keen’an ? Que fais-tu seule ?
Pitchi entama une série de pépiements incompréhensibles, ce qui fit soupirer le mage.
— C’est vrai, j’avais oublié
Exaspérée, Pitchi plaqua sa main contre son visage et secoua la tête de désespoir. Elle se reprit rapidement et montra du doigt la forêt.
— Keenan est dans le bois ?
Lassée, Pitchi saisit Declan par la manche et tira. Le Wileefy intervient.
— Ce ne sont pas des manières !
— Pitchiiii, pitchitchi !
— Ton manque de vocabulaire n’est en rien une raison pour agresser mon partenaire. Vois-tu nous sommes promis à un grand avenir !
Vyrian pouvait voir la colère couver dans la jeune Textys. L’envie de faire flamber ce jeune arrogant devait être grande. Pourtant, elle n’en fit rien. Declan intervint avant.
— Wikee ! C'est bien comme ça que tu t'appelles ? C’est une Textys, elle ne peut s’exprimer autrement !
— Je sais bien ! J’ai toujours trouvé ces créatures grotesques. Elles sont dépendantes. Sans association, elles ne peuvent communiquer et dépérissent. Ça craint !
Cette fois, Pitchi ne put se retenir et se jeta sur Wikee. Declan eut juste le temps de s’interposer.
Pitchi se calma peu à peu comme Declan s’approchait de la forêt. Se fiant au comportement de la Textys, il poursuivit dans cette direction. Une fois dans les bois, il ne rencontra aucun Lumobscure, ce fait sembla perturber le jeune Sage qui paraissait chercher leur présence. Pitchi s'enflamma et se positionna fièrement face à Declan. Le mage sourit affectueusement à la petite créature.
— Je vois.
Cette réaction déplut une fois de plus à Wikee.
— C'est une criminelle ! Elle perturbe la faune de la forêt !
Declan prit les devant, avant qu'une nouvelle querelle ne débute.
— Pitchi peux-tu nous montrer le chemin ?
Sans plus attendre la petite créature bondit en avant et il ne fallut pas longtemps pour que Declan la perde de vue. Pour la première fois, Vyrian vit Wikee sourire.
— Bon débarras !
Le mage ne prit pas la peine de relever et s'élança à la poursuite de la petite créature, faisant fulminer Wikee, à la traîne. Les coéquipiers rejoignirent Pitchi, essouflés, dans la grande plaine. Vyrian reconnut sans difficulté l’endroit où le portail était apparu. Le sol était calciné, une dysharmonie s’était installée dans le paysage. Le lieu avait été profané.
Alors que Declan s’accroupissait pour égrainer la terre entre ses doigts, Declan interrogea la Textys.
— Pitchi que s’est-il passé ?
La petite créature mima l’ouverture d’un portail, à l'aide de la trainée de feu qu'elle laissait dans son sillage. Une arche rougeâtre et quelques vaguelettes enflammées présentèrent la scène au Sage. Sceptique, Declan tendit les bras, de ses paumes de main naquirent de petits halos blanchâtres. Peu à peu, ils firent réapparaitre le portail.
Wikee siffla d’admiration. Seulement, afficher le portail ne suffisait pas. Il fallait à présent l'ouvrir. Le jeune mage ne se laissa pas abattre, sans cesse motivé par Pitchi qui s’affaiblissait de plus en plus. Après une énième tentative infructueuse. Declan s’adressa à elle.
— Es-tu capable de localiser Keenan ?
La petite créature parut hésiter puis hocha vivement la tête.
— Bien ! Si je ne peux emprunter ce portail pour le rejoindre, je vais en créer un autre !
Devant cette affirmation Wikee manqua s’étouffer.
— Quoi ?!
Tandis que le jeune Wileefy s’indignait, un fol espoir gagnait Pitchi et Vyrian. Le chercheur n’eut pas le temps d’en profiter. Une alerte retentit. Il mit un certain temps à comprendre qu’il s’agissait de Mère. L’intelligence artificielle diffusait une longue plainte robotique. Vyrian fut coupé du Monde Mythique. Que se passait-il ?
Il tenta de questionner Mère, mais il parvint à peine à lui communiquer ses pensées.
— Que… se… passe-t-il ?
— Mes données… on me les vole.
— Em…pêche… ça !
— Je … peux… pas.
— Qui te pirate ?
— … connue.
L’échange prit fin. La communication fut rompue. Le monde autour de Vyrian redevint noir. Des fourmillements lui parcoururent le corps. Il tenta de déplacer ses membres sans bouger les aiguilles des perfusions. Il eut un court instant de répit avant qu'une nouvelle douleur irradie de son corps. Il convulsa, il lui sembla que son matelas se consumait. Ses mains cherchèrent les bords par peur de basculer. Il ne rencontra rien. Rien d’autres, que des cendres incandescentes et un ciel sans lune.
Il n’était plus dans le labo, rien d’autre n’importait, sûr de cette conclusion, il s’évanouit sous les assauts de la douleur.
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