Chapitre 26 : Choix (1)
De retour dans les couloirs du vaisseau, les sirènes parvinrent aux oreilles de Vyrian. Le scientifique émit une plainte amplifiée par celles des autres membres de l’équipe. La salle de torture étant insonorisée, leurs tympans s’étaient habitués au calme qui y régnait.
Ce brusque retour à l’urgence de la situation leur fit un choc. Que s’était-il passé en leur absence ? Combien de temps avait-elle duré ?
Vyrian n’aurait su le dire, mais une chose était sûre, la stridence de la mélodie accélérait les battements de son cœur et amplifiait le stress qui ne le gagnait. Tant de questions se bousculaient dans sa tête. Bien que Mère lui ait légué ses connaissances et lui ait fait don d’omniscience, il ne parvenait pas encore à s’en servir correctement. La seule fois où cela s’était produit, il avait fallu un déclencheur, qui s’était matérialisé par un point commun le liant à sa cible. Vyrian se souvint du goût du sang dans sa bouche et de sa découverte de Declan au sol. Toutes les autres fois, il avait soit dû éloigner les connaissances de son esprit, car cela l’importunait, soit il s’était forcé et avait cherché les informations manquantes. En résumé, Mère lui avait fait un don et il en avait aucun contrôle.
Il devait trouver un moyen d’y parvenir, mais il avait beau réfléchir, sa concentration lui faisait défaut et aucune solution ne lui venait à l’esprit. Le sang tambourinait contre ses tempes et ses mains ne cessaient de trembler sous l’effet de l’adrénaline qui se déversait en continu dans son organisme. Le scientifique jeta un coup d’œil aux membres de la troupe. Historians et Numériciens subissaient aussi les effets de la sonnerie.
Saern de par son statut de Calligraphe semblait le plus atteint. Vyrian réalisa qu’il s’était renseigné à son sujet, mais qu’il n’avait pas pris la peine de vérifier les informations de visu.
L’apparence du jeune homme bien que sa tenue soit semblable à celle de Kayle et Vanea ne passait pas inaperçu. Des motifs bariolés parcouraient ses cheveux courts, en y regardant de plus près le scientifique comprit qu’il avait différentes longueurs de cheveux. Sur la partie tondue des symboles avaient été dessinés, tandis que le reste de sa chevelure était d’un rouge vif.
Sans plus s’attarder, Saern montra au groupe le chemin à suivre et ils s’élancèrent dans une course effrénée. Leur avancée fut ponctuée par le martellement de leurs pas sur le sol qui vint s’ajouter à la cacophonie ambiante.
Le scientifique s’étonna de n’avoir croisé aucun Régisseur depuis leur évasion. Etaient-ils tous accaparés à contrer la Résistance comme l’avait suggéré Dinaïn ? Etait-elle si redoutable que cela pour parvenir à mettre à mal ce peuple hautement militarisé ?
Un point de côté vint ternir les pensées du scientifique. Il se maudit pour sa faiblesse. Malgré sa volonté de maintenir la cadence, il fut obligé de ralentir. Nick n’était pas en meilleure forme que lui. A la traîne, les deux hommes se sourirent. Etrangers, ils peinaient tous deux à s’adapter à leur nouveau rythme de vie. Impuissants, ils regardèrent la distance se creuser avec le reste du groupe.
Dinaïn et Kayle remarquèrent leur retard. Le premier porta secours à son protégé, tandis que le second surveillait sa cible. Vyrian se surprit à envier le lien entre le Numéricien et l’Historian, même s’il se doutait que celui-ci s’était forgé dans la douleur. Le seul arrangement qu’il était parvenu à obtenir avec Kayle concernait sa mort. Cette constatation le fit soupirer. Ce monde-ci ou le sien, une épée de Damoclès semblait toujours suspendue au-dessus de sa tête.
Résigné, il se mit à trottiner aux côtés de Nick et combla peu à peu l’espace qui le séparait des autres membres du groupe. Il fit abstraction du regard méprisant de Kayle et se força à garder une expression neutre. Il ne laisserait pas le jeune homme se régaler de sa souffrance. Cependant, il ne put rester de marbre lorsqu’il se retrouva au sol suite à de nouvelles déflagrations. Endolori, il observa ses compagnons, qui comme lui, s’étaient faits faucher par la violence du choc. Il les entendit râler alors qu’ils se relevaient laborieusement. Saern fut le plus réactif et pressa une interface sur sa tempe.
— C’est quoi ce bordel les gars ? Vous voulez nous tuer ?
— Ce n’est pas nous, ça se passe au centre du vaisseau. Nous ne pouvons pas aborder tant que ça ne se sera pas calmé.
Une seconde vague d’énergie ébranla le vaisseau et Vyrian la reconnut. Il n’y avait aucun doute possible, il se souvenait de cette déferlante de puissance pour l’avoir observé. Il s’agissait de Yomi dans sa forme de Fusionnée. Le scientifique murmura son nom à voix basse, seul Dezaël qui se trouvait à proximité l’entendit.
— Je lui avais pourtant dit de ne pas utiliser ses pouvoirs !
L’exclamation de l’Ombre surprit tout le monde et Vanea se souvint de leur précédente discussion.
— Tu parles de la fille qui était avec toi ?
— Ouais.
Kayle qui peinait encore à se redresser, intervint dans la discussion.
— T’aurais pas pu ramener une nana normale ?
Dezaël lui répondit, mais les secousses de plus en plus rapprochées masquèrent ses paroles. Lorsqu’elles cessèrent, le grondement de l’armature du vaisseau mit fin à la querelle. Vyrian profita de cette accalmie pour se concentrer et chercher la jeune femme. Il ferma les yeux et laissa les données de Mère immerger son cerveau. Il localisa finalement l’Altérienne dans ce dédale de couloirs. Un goût métallique emplit de nouveau sa bouche et lui fit rouvrir les yeux.
Il croisa le regard amusé de Dinaïn.
— Décidément, t’es pas étanche ! Une vraie passoire !
Inquiet, Vyrian porta les mains à son visage. Il sentit le contact poisseux du sang sous ses doigts. Qu’est-ce que cela signifiait ? L’utilisation répétée des capacités de Mère nuisait-elle à sa santé ? Si tel était le cas, il avait du souci à se faire.
Dinaïn se méprit sur son expression et continua à le taquiner.
— Faut croire que ton exosquelette a pas suffi à te rafistoler.
Vyrian ne put s’empêcher de penser que s’il ne parvenait pas à contenir tout le savoir de Mère, rien ne pourrait l’aider. Mais, un danger plus imminent les guettait. Sous la violence des précédents assauts, le vaisseau commençait à se déliter. Des grincements lugubres se répercutaient sur les parois tel un écho à l’agonie du vaisseau. Ils ne pouvaient pas rester là.
Leur course reprit. Nick et Vyrian se firent rapidement distancer. A chaque pas, les deux hommes entendaient la taule gémir, jusqu’au moment où elle se sépara du reste de l'appareil. Leurs prédécesseurs avaient fragilisé la structure déjà ébranlée et leur poids fut de trop, si bien que les deux étrangers chutèrent. Une longue glissade débuta sur le toboggan qui venait de se créer sous leurs pieds. Chaque seconde les rapprochait de la cendre qui serpentait en contrebas.
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