Chapitre 28 : Traquenard (1)
Vyrian reprit connaissance suite à la sensation d’une aiguille pénétrant sa peau. Il pouvait la sentir s’insinuer sous son épiderme. Lorsque l’injection fut terminée, la douleur fut telle qu’il plaqua sa main à l’endroit endolori. Une petite protubérance se tenait sous ses doigts. Alerté, le scientifique ouvrit les yeux et un gémissement lui échappa. L’ensemble de son corps était endolori, mais ce n’était rien en comparaison de la raideur qu’il sentait dans son bras. Les yeux humides, il regarda autour de lui et nota l’absence de Yomi et de Nick. Inquiet, il poursuivit son observation et vit Kayle, Vanea et Dezaël disparaître. En quelques secondes, leurs corps s’étaient volatilisés. Le biologiste ne put que bafouiller.
— Qu’est-ce que…
Alors qu’il peinait à finir sa phrase, une voix surgit sur sa gauche, le faisant sursauter.
— Kalya, on t’envoie les blessés !
— Bien reçu !
— Préviens-nous quand ils seront à bord, qu’on puisse t’envoyer les suivants !
Vyrian se tourna dans sa direction et discerna en retrait Zaïk discuter avec la femme tatouée qu’il avait aperçu avant de s’évanouir, celle arborant le symbole du projet Trimondes sur le dos de la main. Les deux jeunes gens semblaient avoir une discussion houleuse. Dinaïn et Saern se tenaient quelque peu à l’écart. Le soldat s’était assis et sa plaie semblait avoir arrêté de saigner. Alors que le scientifique tentait de se concentrer sur la conversation, l’homme à sa gauche reprit la parole.
— Xenaya ! On finit d’embarquer et on y va ! Laisse-le, s’il ne veut pas venir, on ne peut plus rien pour lui.
La jeune femme pivota vers son partenaire, hocha la tête et salua le Matéria, avant de se diriger vers Saern et Dinaïn. Lorsqu’elle passa à proximité d’eux, le Calligraphe la suivit aidant le Régisseur à se remettre sur pieds.
Zaïk se lança à leur poursuite et attrapa le poignet de Xenaya, la forçant à se retourner.
— Tu ne peux pas me laisser comme ça !
— Je te l’ai déjà dit, je ne peux rien pour toi.
— Tu as su me retirer mes pouvoirs, rends-les-moi !
Vyrian resta abasourdit. Ainsi Xenaya avait su retirer ses pouvoirs à Zaïk. Comment s’y était-elle prise ? Etait-ce la capacité qu’elle avait développé en tant qu’Exilée ? Si tel était le cas, Vyrian ne doutait pas découvrir la vérité en consultant les données de Mère, mais cela n’empêchait pas de nombreuses questions de lui venir en tête. Mais l’une d’elle plus que toutes les autres l’intriguait : pourquoi avait-elle fait une telle chose ? Le chercheur connaissait l’importance des capacités pour les clans et la fierté qu’ils en tiraient. Déposséder quelqu’un de ses facultés devait être un acte grave pour eux, mais surtout un cas inédit au vu de la réaction du Matéria.
Avant que le scientifique n’ait le temps de fouiller parmi les informations que lui avaient légué l’intelligence artificielle, il observa son corps disparaître, comme il avait pu l’observer un peu plus tôt sur Kayle, Vanea et Dezaël.
Il regarda une dernière fois dans la salle et découvrit Zaïk se jeter sur Dinaïn alors que ce dernier tentait de l’éloigner de Xenaya. Cette scène fut la dernière qu’il aperçut avant que son corps ne s’efface.
Lorsque Vyrian reprit conscience, il se trouvait dans un autre vaisseau, il flottait dans une étrange brume bleutée. Intrigué, il se servit des facultés de Mère pour en comprendre le fonctionnement. Comme il s’y était attendu, cette brume n’était pas ordinaire. Il s’agissait d’un maillage de nanoparticules qui reconstituait ses tissus. Tout comme les Zip, ils s’agissaient de BioVirus. A la différence des Zip, ils pouvaient désassembler un corps et le réassembler.
Vyrian observa incrédule ses avant-bras s’allonger et s’affiner au fur et à mesure de la reconstitution. Arrivées au poignet, les fibres s’élargirent donnant naissance aux prémices de ses mains. Il observa les yeux écarquillés son corps se reconstruire. Une fois le transfert fini, il déglutit, satisfait d’être en un seul morceau.
Une voix le sorti de sa contemplation.
— Ça fait un choc, pas vrai ?
Surpris, Vyrian pivota dans la direction de la voix. Une silhouette s’approchait et se précisait au fur et à mesure de son avancée. Le chercheur découvrit un jeune homme. Sa tenue possédait pleins de compartiments dans lesquels étaient triés et rangés une panoplie d’outils. Vyrian n’osait imaginer le poids que cela devait représenter. Pourtant, le nouveau venu ne semblait nullement gêné dans ses mouvements, sa démarche était légère et fluide, ses pas silencieux.
Vyrian se détendit devant le sourire de son interlocuteur et lui répondit.
— Oui. Qui es-tu ? Où suis-je ?
— Tu es dans l’E.R.K !
— L’E.R.K ?
— Pour Ealdred, notre artilleur, Kalya, la pilote et Renean, moi, le mécano ! Appelle-moi Ren !
En détaillant, le brun qui lui faisait face, Vyrian se souvint de toutes les personnes qu’il avait pu rencontrer depuis qu’il se trouvait dans le Monde Numérique. Il se rappela la disparition des corps de Kayle, Vanea et Dezaël et de ceux manquants de Nick et Yomi lorsqu’il était revenu à lui.
— Où sont passés les autres ?
— Ils sont derrière-toi. Tu ne le vois pas, mais il y a d’autres caissons de téléportation.
— Et Zaïk ?
— Il a forcé la procédure, mais a réussi à atterrir ici en un seul morceau.
Vyrian nota que le jeune homme ne semblait pas très apprécié.
— Que s’est-il passé entre lui et Xenaya ?
— Attention à la chute.
Au même instant, l’étrange brume se dissipa. La gravité reprit ses droits et Vyrian heurta violemment la grille derrière laquelle la fumée réintégrait de petits conduits installés dans les parois du vaisseau.
— J’avais prévenu.
Ren laissa Vyrian pester et se relever. Il se massa la nuque, la protubérance ne s’y trouvait plus.
— C’est à usage unique. Ça se désagrège lorsque vous respirez le gaz.
Désormais debout, Vyrian constata dès les premiers pas l’absence de douleur à sa jambe et se prit à espérer qu’elle soit guérie. Lorsqu’il osa la regarder, il n’y avait plus aucune trace de blessure. N’osant y croire le biologiste tâta les bords de son ancienne plaie, sa réaction fit rire Ren.
— La puce qu’on t’a injecté contient des Ikilà, ce sont des BioVirus nés de la guerre entre les clans. Dans le temps, il existait des plateformes de téléportation, elles furent détruites et les Ikilà furent créés pour palier au problème de transport. Elles dégradent l’organisme au point de le faire disparaître et le resynthétise à un autre endroit. Les lueurs bleues que tu as vu sont une colonie d’Ikilà. N’étant pas parmi les siens celui que nous t’avons injecté a émis des signaux de détresse, reconnus par sa communauté qui lui a indiqué sa position, l’Ikilà s’est donc téléporté et toi aussi. Et, en plus, il a mémorisé ta constitution, l’a transmise à sa colonie qui a reconstitué tes tissus lésés.
Le grésillement des haut-parleurs fit lever la tête à Vyrian.
— Ren, c’est pas finis les cours d’histoire ? Va plutôt vérifier les injecteurs, on va avoir besoin d’un max de puissance pour sortir de ce merdier.
— J’apprécie d’avoir de temps à autre un peu de compagnie, le ronronnement des machines a son charme, mais parler à un humain de temps à autre ça fait pas de mal.
Alors que Ren s’éloignait, Vyrian se surprit à le suivre, le jeune homme ne l’en empêcha pas et poursuivit ses explications.
— Pour répondre à ta question, je ne sais pas ce qu’il y a entre Zaïk et Xenaya. Je ne connais pas Xenaya depuis longtemps. Je sais juste qu’à une époque, elle avait une forte influence au sein des Régisseurs. P’te que ce type est un fan va savoir ?
— Qui sont les autres personnes intervenues ?
— Joy et Kedoran. Joy est le mentor de Dinaïn, c’est un ancien soldat qui a épousé la cause de la Résistance. Kedoran a été banni des Ombres, pour continuer de lutter contre les Régisseurs, il s’est engagé dans la résistance.
— Et vous, vous faîtes partis de quel clan ?
— Ça se voit pas ? Nous sommes des Innovateurs !
Ren tapota sur la carlingue de l’appareil.
— Nulle part ailleurs tu ne trouveras une telle beauté !
Vyrian avisa pour la première fois la prothèse de l’homme. Ren le vit.
— Ah ça, un souvenir de la guerre. J’étais trop jeune pour y participer, mais je restais un ennemi aux yeux des Régisseurs. Ils m’ont coupé le bras après avoir tranché mes phalanges une à une puis mon bras par portion d’un à dix centimètres, qu’ils tiraient avec des dés. Depuis je suis robotisé, mais je ne suis pas le seul, beaucoup le font volontairement parce qu’un membre devient défectueux ou parce que leurs capacités manuelles ne suffisent plus, ils s’équipent donc de dispositifs robotisés. C’est assez fréquent, surtout depuis la guerre.
L’expression du jeune homme s’était faîte soucieuse, mais il se ressaisit rapidement et accéléra l’allure. Vyrian peina à le suivre. Alors qu’il allongeait les foulées pour rattraper Reanan, le vaisseau chavira. Le scientifique s’agrippa tant bien que mal aux embardes encadrant le couloir afin de ne pas tomber, mais ce fut insuffisant et il bascula cul par-dessus tête. Dans sa chute, il aperçut une trappe. Une fois le choc passé, il s’avança et l’ouvrit.
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