Le sourire d'Yvette

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Je ne connaissais personne et je vivais presque à la rue. C’est là que j’ai fait connaissance de Yvette. C’est un prénom vieillot. Je vous avoue oui. Mais elle est jeune en fait. Elle paraît la trentaine maximum. Elle m’a gentiment tendu la main et c’est pourquoi j’ai accepté avec contrainte. J’ai cédé à la contrainte et ça ne fait pas de moi quelqu’un de vulnérable ! Juste quelqu’un sur la paille qui cherche un toit… Enfin plus maintenant.

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Elle m’a amené devant sa maison. Le portail fait sûrement dix fois ma taille. Personne ne peut l’escalader, c’est sûr. C’est comme une villa. Comme un château. Je ne sais pas pourquoi mais ça me paraît gigantesque. Parce que je suis presque sans abri et que j’ai toujours vécu dans une presque maisonnette ? Peut-être. Les arbres alignés droitement me semblent relativement bizarres. Cela donne un style trop propre et raffiné.

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Quand elle et moi pénétrons le jardin elle s’arrête, me regarde et me dévisage carrément. Je tapote ma poitrine ainsi que le bas de mon ventre histoire que je ne paraisse pas aussi étrange que ces arbres. Je pensais que j’avais quelque chose comme de la poussière dessus. Son visage me parut fade mais elle sourit comme elle l’a fait la première fois qu’elle m’a vu.

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Mon téléphone tombe de ma poche et elle se penche alors pour le ramasser sans que je m’en rende réellement compte. À peine que j’eus plié les genoux qu’elle était accroupie en me tendant le téléphone de sa main. Encore ce sourire malplaisant. Trop courtois. Trop gracieux. Trop tendre. Trop sympathique. Trop prévenant. Trop sage. Trop preux, trop serviable, trop tout.

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« - Tiens ma grande, ah bah dis donc, faut faire attention ça se casse vite ces choses là, surtout quand on a pas les moyens. m’énonça t’elle d’un ton doux. Aussi mièvre paraisse-t-il je pris ça pour une pique étant donné ma situation.

- Merci beaucoup, Yvette. J’y ferai attention.

Mais je prends sur moi.

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Quand j’entre dans sa maison je vois plusieurs personnes assises sur le canapé. Encore une fois j’ai l’impression qu’un trou se forme sur mon visage. Femmes et hommes, ici c’est mixte. Je pense qu’ils sont comme moi. Après mon arrivée normale qui sembla troublante quelques secondes ils revinrent vite à leur occupation.

Aucun accueil de leur part. Aucune bienvenue. Déçue de mes futurs colocataires…

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Yvette prit la parole.

« Elle occupera la chambre 412. Alors veuillez prendre soin d’elle. Elle a 19 ans et s’appelle Brunehilde. Pas brune-hilde mais Brun-é-hilde. Faites attention à la prononciation. Elle aime les choses sucrées, est plus du style végétarienne que carnivore. N’oubliez pas ces détails.

-Oui Yvette, répondirent-ils en chœur.»

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Je crus assister à une scène robotisée. Et le nombre de chambres était hallucinant. Mais 412 c’est bizarre non ? Et je me demande bien comment elle connaît quelques uns de mes goûts culinaires. J’ai dû le dire sans m’en rendre compte. Ce n’est pas mon genre n’étant pas grosse mangeuse mais c’est possible.

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Un vase attire mon attention étant donné qu’il est le modèle principal de la maison. Je le vois de tous les coins. À chaque coin d’œil il apparaît. Il est bleu grisé, abscons, absorbant et a des côtés spirituels attrayants. Pendant que je songe dessus je perçois une main qui me fait sursauter, placée sur mon épaule droite.

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« Tu as l’air d’être paumée Brun-é-hilde. Tu voudrais que je te fasse un tour de cette forteresse?

Pourquoi j’y avais pas pensé plus tôt. C’est vrai que cela ressemble énormément à une forteresse. Il a l’air d’un dragueur et d’avoir 25 ans mais je tente de succomber.

- Pourquoi pas. Tu t’appelles comment? Lui élançai-je en retour de sa question.

- Yvan.

- Ah. Presque comme Yvette. » Il sourit gaiement suivi d’un rire farceur en m’attrapant la main.

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Il m’a fait monter environ dix étages (ironiquement au temps pour moi) et m’a expliqué tout le long comment était disposé la forteresse. En fait il y a aussi un sous sol. Il ne m’a pas trop dit ce qu’il s’y trouve. Pas grand-chose d’intéressant je pense. Mais ma chambre est au deuxième. La chambre 412. Je pensais qu’il y avait plus de chambres. Je reste donc étonnée.

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« Pourquoi ma chambre a un nombre aussi élevé sachant qu’il n’y a pas autant de chambres ? »

Je ne pouvais m’empêcher de penser qu’au collège et lycée c’était pareil, remarque.

Il haussa les épaules et ne me répondit pas. Signe qu’il n’avait pas la connaissance du pourquoi ni du comment.

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Peu m’importe j’entre. La chambre est tout simplement magnifique. Je la regarde avec des yeux d’enfants. Ébahie, je pétille de bonheur en laissant un rictus illustrer la mine que j’affiche devant Yvan qui me berce de ses prunelles.

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J’inspecte les lieux minutieusement, je me croirais dans un hôtel de luxe. Que dis-je… Mon séjour ici est GRATUIT. Rien à voir avec un hôtel. J’ai l’impression de faire partie de l’élite des chanceux et chanceuses.

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Yvan me coupa et me rappela que tout avantage a son inconvénient. Quand je lui demande justement lequel, Yvette rentra encore avec ce sourire dérangeant. Elle prit la parole pour lui dire de partir, je commençais à bien l’aimer, je fus désappointée puisqu’il suivit ce que j’appelle un ordre.

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« Tu sais ma grande, j’ai oublié de te parler de quelques suppléments… inévitables en quelques sortes.

Curieuse je lui réplique alors, ah oui ? Je vous écoute.

- Tu peux me tutoyer je te le permets parce que je t’aime bien.

Je roule des yeux parce que je suis gênée. »

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Quelqu’un toque. On détourne notre regard du cocon que l’on venait de fabriquer pour entrer dans notre fameuse discussion d’ordre capital pour dévier sur la porte. Finalement la porte s’ouvre de quelques centimètres, reste ouverte quelques secondes, un bruit se fait finement entendre quand elle se referme de nouveau.

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Ceci ne déconcerta en rien Yvette à sa motivation à conter ce qu’elle avait à me dire. Une chose est sûre : Elle allait continuer ses sourires énigmatiques.

Je remarque qu’avant qu’elle ne commence à parler elle se caresse la tête comme une sorte de grattement. Ce qu’elle refait donc.

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« Je vis ici depuis quarante ans maintenant – je me suis donc trompée elle fait juste jeune – j’en ai quarante deux. Ce lieu où tu te trouves appartenait à mes parents.

Je secoue la tête histoire de montrer que je suis le récit.

J’ai été bien élevée mais ils sont morts.

Je montre un air désolant mais elle me tapote l’épaule esquissant de nouveau un sourire.

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Sur un des chevets à sa droite se situe un de ses vases que j’eus souvent vu. Comme si j’étais déjà habituée à cette routine.

Elle voit mon regard et poursuit.

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Tu ne dois casser aucun meuble si tu veux rester ici.

Sinon tu pourrais payer gros. Plus gros que ce que peux posséder à présent.

Je pensai donc que je ne possède justement rien sauf ma subsistance dans ce monde.

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Tu dois assister à chaque repas le soir. C’est primordial pour une bonne collocation. »

Je démontre que j’approuve cela par la tête.

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Elle me présente un contrat le sortant de je ne sais où devant mes yeux.

Elle me dit de signer sans lire, ça n’a pas d’importance. Je signe.

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