Parasites

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Le vendredi arriva vite, au grand bonheur de Valentine.

Elle l’attendait, impatiemment, dans son appartement. Une fois arrivé, c’est timidement qu’elle accueillit Sébastien et lui fit visiter son appartement.

— Dis, Val, qu’est-ce qu’il se passe ? T’es stressée ?

— Oui ! Lâcha-t-elle.

— Je ne vois pas pourquoi…

Il la regarda, curieux.

— Oh, mais c’est parce que je n’ai pas l’habitude d’accueillir un homme chez moi, c’est pour ça !

— Et quoi ? T’as peur que je m’encoure si je n’aime pas la déco ?

Alors qu’il rigolait doucement, elle le regarda, réfléchit une seconde et puis souffla,

— Non, j’ai peur que tu t’encoures, tout court.

Elle ne lui laissa pas le temps de répondre, elle l’installa à table et le planta, prétextant avoir quelque chose sur le feu.

Un peu interloqué, Sébastien mit quelques minutes à évaluer la situation et la rejoignit dans la petite cuisine.

— Tu as besoin d’aide ?

Elle sursauta lorsqu’elle l’entendit.

— Non, ça va, j’ai mis le hachis Parmentier au four, on a une bonne demi-heure devant nous.

— Un apéro ?

— Oui, j’ai un mousseux dans le frigo, tiens, tu peux t’en occuper ?

— Oui… Je peux m’en occuper… Mais…

— Quoi ?

Elle leva un regard apeuré vers lui.

— Hé Val, qu’est-ce qu’il y a ? Viens, assied-toi et dis-moi ce qui te tracasse.

Elle s’assit, lourdement sur la chaise en face de lui, resta le regard baissé puis finit par lui dire,

— Je ne sais pas trop, je suis stressée, comme je te l’ai déjà dit, parce que tu es le premier homme que je vais héberger dans cet appartement.

Il l’écouta en s’occupant de déboucher le mousseux, le bouchon sauta, il servit deux verres.

— Et j’ai toujours la crainte de ne pas être quelqu’un pour toi.

Il lui tendit l’un des verres et lui demanda,

— Et pourquoi donc ?

— Oh, mais parce que je suis conne… Je suis persuadée que personne ne m’a jamais aimée pour moi-même… Et je me demande ce qui fait que tu sois attiré par moi… Je…

— Tu veux que je te donne une raison ou une explication de mon attirance pour toi ?

Elle se tut, mais le regard implorant qu’elle fixa sur lui était plus qu’éloquent ; oui, elle en voulait des raisons …

— Je suis attiré par toi, parce que tu es belle, parce que tu me plais, parce qu’avec toi je peux me perdre dans des discussions sans fin, parce qu’avec toi j’ai du plaisir, physique mais aussi au niveau émotionnel et intellectuel … je suis attiré par toi parce que je suis bien avec toi. Et j’ose espérer que toi aussi tu es bien avec moi, sinon, dis-le moi. Je préfère que les choses soient claires entre nous. Si tu ne te sens pas à l’aise dans la relation que nous avons, je voudrais que tu me le dises, vraiment.

Elle avala une gorgée de mousseux et lui lança,

— Je suis bien avec toi, moi aussi, j’aime notre connivence tant intellectuelle que physique … ce qui me fait peur, ce sont les parasites qui scrutent notre relation. Je… J’ai du mal avec ça.

Sébastien soupira,

— Quoi, c’est Axel ?

— Il m’a suivie à la gare, il n’a pas l’intention de nous lâcher … et comme je pense qu’il a fini par comprendre que je ne voulais plus de lui, il s’attaque maintenant à toi, en lançant la rumeur que, toi, tu m’utilises pour te venger de lui, de la coucherie qu’il a eue avec Sandy, ton ex.

— Mais tu sais bien comment il est, il veut toujours être la victime à plaindre pour tout.

— Oui, je le sais bien, mais regarde.

Elle lui montra les textos qu’il lui avait envoyés depuis ce matin,

« Val, ne te laisse pas avoir, c’est à moi qu’il en veut, il t’utilise, jtm »

« Je ne veux que ton bonheur, mais ce n’est pas avec lui que tu le trouveras, reviens »

« Sandy m’a dit qu’au début aussi elle avait été heureuse, il va te négliger, arrête avec lui tant qu’il est temps ! » …

Sébastien sentit de la colère monter en lui, il lança vivement ;

— Bordel mais quel connard ce type !

Il la regarda, elle l’observait, un peu sur ses gardes.

— Je suis désolé qu’il te prenne en grippe comme cela… Je ne sais que dire, Val.

— J’ai changé de numéro de téléphone portable, tu le veux ?

Il sourit et sentit un poids se soulever de sa poitrine.

— Oui, je le veux ! Val, je suis vraiment désolé, il est vraiment lourd quand il veut ! Hélas.

— Je le découvre, oui, je ne m’attendais pas à autant de rancœur de sa part, vraiment.

— Oui, le terme est juste, c’est de la rancœur, mais il a tellement d’énergie à mettre là-dedans qu’il en deviendrait dangereux parfois.

— Dangereux ?

Sébastien allait parler, puis se tut.

— Seb ? Tu voulais dire quelque chose ?

Il ferma les yeux puis finit par lui répondre en hochant positivement de la tête.

— Oui… Dangereux, il pourrait tenter de détruire une réputation par exemple.

Il prit une grande inspiration et lui expliqua ;

— En fait, il s’ennuyait tellement dans sa petite vie, qu’il a monté un stratagème avec Sandy pour me donner une réputation d’homosexuel qui est en couple pour la façade sociale.

Valentine haussa les sourcils, il le capta et eut un petit rire,

— Oui ! Et ils ont failli réussir !

Elle le laissa expliquer cette affaire ; le complot d’Axel et Sandy

— Tout un temps, j’ai cru que c’était Sandy qui l’avait bien manipulé, il était mon cousin, je l’ai toujours vu comme un petit frère, je ne voulais pas admettre qu’il ait trempé aussi fort dans ce stratagème.

— Mais, ils visaient quoi ?

— Casser ma réputation dans la nouvelle association de kinés que j’allais intégrer.

Valentine était toute ouïe, il poursuivit,

— En fait, ils voulaient que je ne sois pas pris dans l’association ou que les clients n’arrivent pas, au vu de la réputation qu’ils m’avaient faite.

— Et ?

— Et c’est le contraire qui est arrivé ; j’ai eu des tas de clients, je croulais sous le boulot, ce n’est qu’après des mois que j’ai appris que mes collègues pensaient que j’étais homo ; lors d’une sortie resto avec trois de mes collègues les plus proches ; je m’étonnais des allusions qu’ils me faisaient lorsqu’un beau mec passait devant la table qu’on avait en terrasse. J’ai fini par mettre les pieds dans le plat et je leur ai dit que je ne comprenais pas le pourquoi de leurs allusions et que j’étais hétéro.

Valentine l’écouta toujours aussi attentivement, il continua,

— Ils ont, tous trois, été étonnés et m’ont répondu qu’Axel leur avait expliqué que nous étions un couple de façade, Sandy et moi, pour ma famille afin que mes parents ne soient pas heurtés par mes choix, et que c’est pour cela qu’elle avait des aventures, parce que je ne la satisfaisais pas au lit.

— Ah oui…

Valentine était stupéfaite

— Mais, comment tu as su pour Axel ?

Il poussa un grand soupir,

— Ça, je ne l’ai su que récemment, via Sandy, elle m’a expliqué comment Axel avait rependu la rumeur, suite aux soirées arrosées qu’ils passaient ensemble et durant lesquelles ils passaient une bonne partie de leur temps à délirer là-dessus…

Valentine le laissa continuer mais sembla un rien contrariée,

— Juste avant la rupture, Axel était sur le point de lancer la rumeur que je voulais un bébé pour calmer les rumeurs et que je l’avais chargé, en tant que cousin, de faire le bébé, histoire que l’enfant ait des gènes en commun avec moi !

— Quoi ?

— Oui, tu as bien entendu, c’est Sandy qui m’a raconté ça début de semaine, quand elle a eu vent de ce qu’il se tramait entre toi et moi, et Axel.

Alors que Sébastien était à fond dans le récit de son histoire, Valentine glissa,

— Tu… Tu la revois souvent ?

— Qui ? Sandy ?

— Oui.

— Oh, ça dépend, c’est souvent elle qui m’appelle, pourquoi ? Ça te dérange ?

— Bah, je ne sais pas… Je ne sais pas comment vous vous êtes quittés, si elle t’aime encore, si tu l’aimes encore…

Voyant la mine contrariée de Valentine, il lui expliqua la situation,

— Hé, je connais Sandy depuis les études secondaires, elle a été ma première nana, et moi son premier mec, nous sommes restés bons amis, nous avons passé de bons moments ensemble, mais nos trajectoires de vie se sont séparées quand j’ai commencé mes études de kiné. Nous sommes restés ensemble, je vais dire, par facilité ; chacun de nous pouvait dire qu’on était avec quelqu’un… Je me suis concentré sur mes études puis mon installation et elle sur ses études de gestion et ensuite de la boutique qu’elle a ouvert dans la foulée. Mais en fait, on s’est assez rapidement rendu compte que nos centres d’intérêts étaient devenus très éloignés. Nous sommes de bons amis, elle et moi, rien de plus

— Mais vous êtes restés ensemble combien de temps ?

— Huit ans.

— Ah oui … ce n’est pas rien ! Mais, comment ça se passait ? Comment vous avez fait ?

— En fait, je savais qu’elle allait voir à droite et à gauche… Moi aussi je le faisais. Nous avions convenu de nous protéger dans ces cas-là. Elle restait tendre avec moi.

— Mais… Tu es resté comme ça longtemps… Et elle, elle ne voulait pas partir ?

— Oui, tous les deux, on désirait se séparer, tu sais, en faisant ça tranquillement, sans hauts cris, mais la famille n’a pas aidé, de part et d’autre.

Ne comprenant pas trop ce qu’il avançait, elle s’enquit,

— Quoi, ils refusaient la séparation ?

— Oui, les deux familles se connaissent bien, et rêvaient toutes deux au mariage et aux petits-enfants qu’ils auraient en commun ; ma mère est toujours très amie avec la mère de Sandy et nous nous sommes sérieusement disputés lors de l’officialisation de la séparation.

— A ce point ?

— Oui, cette union était acquise pour elle… Je suis fils unique et elle avait quasi adopté Sandy comme sa propre fille. Il a fallu que Sandy intervienne pour que ma mère se remette à me parler et qu’elle admette que son rêve à elle était brisé.

Valentine fronça les sourcils et dit prudemment,

— Elle n’a pas l’air commode ta mère.

Sébastien rigola franchement et la prit dans ses bras après lui avoir donné un baiser sur le front,

— Elle a un caractère particulier et elle a ses têtes. Mais une fois qu’elle connaît les gens ça finit par bien fonctionner.

Valentine tenta de se détendre mais ce qu’elle venait d’entendre la remplissait d’appréhension.

— Euh… Tu sais, ce que tu me racontes n’est pas très rassurant en fait !

— Oui, mais je t’envelopperai de tout l’amour que je peux pour t’éviter un frontal avec ma mère. Et puis, tu as déjà Marcelle dans ta poche, Marcelle est la petite sœur de ma mère, elle l’adore.

— Donc tu crois que je pourrais être acceptée par ta mère grâce à Marcelle ?

— Oui, je crois que cela pourra grandement aider. Ça te dirait de rencontrer Sandy ?

Valentine fut interloquée par la proposition de son amant.

— Quoi ?

— Oui, qu’elle puisse te connaitre… Et te faire connaître à ma mère.

Il sourit, attendant sa réponse, Valentine, de son côté, ne savait pas trop quoi répondre, finalement, elle lui dit,

— Mais… Je ne sais pas, c’est particulier quand même ce que tu me demandes, tu ne trouves pas ?

— Oui, je sais, je te propose de rencontrer mon ex pour t’introduire auprès de ma mère… C’est tordu, en tous les cas, ça en a l’air, mais connaissant l’oiseau, c’est le meilleur moyen.

Il fit une pause puis reprit,

— Et Sandy est quelqu’un de sympa, je ne ressens que de l’amitié, un truc fraternel, vis-à-vis d’elle.

— C’est quand même spécial Sébastien…

— Oui, je sais… Désolé.

Valentine ne savait pas quoi dire, elle fut sauvée par la sonnerie de son four.

— Ah, le hachis est prêt, je vais le sortir et l’amener à table.

Avant de se diriger vers le four elle avala son verre de mousseux d’un trait… Plusieurs choses se bousculèrent dans sa tête, elle ressenti le besoin de réfléchir. Sébastien le vit et choisit de lui laisser le temps de digérer ce qu’elle venait d’apprendre.

Ils s’installèrent pour manger, Valentine resta silencieuse. Sébastien l’interrogea,

— C’est la proposition de rencontrer Sandy qui te chiffonne ?

Valentine leva les yeux vers lui et hésita à répondre.

— Oui, c’est … particulier, Seb. Et puis, ce qui tu m’as dit sur ta mère m’effraye un peu.

— Je le comprends bien Val, mais je préfère ne pas te le cacher.

— C’est clair, c’est très honnête de ta part, mais c’est particulier quand même !

Elle finit par sourire, Sébastien se senti mieux.

— J’ai envie de pouvoir construire quelque chose avec toi Val, c’est pourquoi j’ai besoin que tu sois aussi acceptée par ma famille, et la seule qui pourrait poser problème, c’est ma mère.

Le sourire de Valentine s’élargit,

— Et que comptes-tu construire avec moi Seb ? Vas-y fait-moi rêver…

— Des tas de belles choses, une vie à deux, des voyages, du bon temps… Avec toi.

— Moi aussi Sébastien… Moi aussi.

Elle se tut l’espace d’un moment puis reprit,

— Bon eh bien, je te propose de commencer à manger, tu me diras ce que tu en penses.

— Ok, je goûte.

Il la regarda le servir et réceptionna son assiette, elle se servit à son tour. Il hésita à lui demander comment elle se sentait. Elle capta son inquiétude et lui dit,

— Sébastien, ça va… Je dois juste me faire à l’idée.

Elle s’approcha de lui et une fois à sa hauteur, elle passa dans son dos et lui glissa au creux de l’oreille en le tenant par les épaules,

— Et moi aussi j’ai envie de construire quelque chose avec toi,

Elle laissa glisser ses mains sur le torse de Sébastien et lui embrassa le cou,

— Je te fais confiance pour Sandy… Si c’est le seul moyen d’entrer dans les bonnes grâces de ta mère, je suis prête à tenter l’aventure.

Il caressa ses mains puis se retourna pour lui faire face, elle l’embrassa en s’asseyant sur ses genoux. Après quelques minutes, elle s’arrêta en lui disant,

— Je te propose de manger quand même, avant que cela ne soit froid.

Après un soupir, Sébastien lui dit, en lui décochant un clin d’œil.

— Oui, c’est vrai… Je vais goûter ta cuisine et prendre des forces pour la suite !

— Ah, j’espère que ma cuisine te plaira !

La soirée se déroula tranquillement après ces révélations, Sébastien apprécia la façon de cuisiner de Valentine et le lui dit. Le jeune couple se retrouva complice et serein.

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