Les réflexions de Sébastien
Arrivé chez lui, Sébastien soupira d’aise ; elle semblait preneuse… Pour son plus grand bonheur !
Plutôt réservé, il avait dû prendre sur lui d’enfin oser l’embrasser après qu’elle lui ait donné le feu vert. Il n’avait pas l’habitude de « draguer » ouvertement la gent féminine.
Avec Sandy, ils avaient été et étaient encore plus amis qu’autre chose ; c’est de commun accord qu’ils avaient décidé de sortir ensemble à la fin de leurs études secondaires. Ils étaient restés longtemps en couple, dans une relation qu’on pourrait actuellement qualifier de « sex friend » ou « open ». Ils s’aimaient d’amitié, s’appréciaient mutuellement, se faisaient entièrement confiance, mais ils n’étaient pas amoureux.
Cela leur permettait « d’aller voir ailleurs » quand bon leur semblait. Sandy plus que lui, souvent. Il sourit au souvenir des fois où elle lui racontait ses amours, ses désillusions, dans le divan, avec un chocolat chaud, alors qu’il lui massait les pieds après une journée de shopping.
Son ex était une amie, certes, une amie avec qui il avait été très intime, mais il n’avait jamais ressenti pour elle ce qu’il ressentait pour Valentine.
Lorsqu’il avait vu Valentine pour la première fois, dans le hall de la gare de Mons, il avait été ébloui par ce qu’il voyait rayonner d’elle ; il se souvint du fait qu’il s’était senti comme transpercé par une vague de chaleur et de bien-être rien qu’à la contempler… Mais aussi par la sensation d’un coup de poignard dans le cœur lorsqu’il avait capté les gestes d’intimité que lui prodiguait son cousin ; la main qui lui caressait le dos, le regard tendre qu’elle semblait lui lancer … Il s’était alors péniblement souvenu que sa tante lui avait précisé que son cousin était à la gare, avec sa « copine ».
Rapidement, il s’était rembruni ; il ne pouvait la désirer, elle n’était pas pour lui ; elle était là pour et avec Axel. « Chasse gardée !» Comme lui aurait dit ce dernier. Il se remémora la façon dont il s’était présenté à elle, comme le cousin/grand frère d’Axel. Sa décision était prise, s’il ne pouvait être heureux avec elle, elle serait heureuse avec Axel, il y veillerait.
Souvent aux premières loges des confidences de son cousin, il avait eu beaucoup de mal à se contenir lorsqu’il avait fini par constater qu’Axel ne la respectait pas.
En fait, cela lui rappelait son père, Hubert, celui qui avait largué sa mère le jour où il avait appris que sa maîtresse du moment était enceinte.
Il se souvenait des larmes de sa mère, de la promesse qu’il s’était faite, à l’époque, de ne jamais ressembler à cet homme. Du haut de ses quatorze ans, il avait alors aidé sa mère du mieux qu’il avait pu, tout en engrangeant les conversations qu’il entendait entre sa mère et sa tante Marcelle, lorsqu’elles se lamentaient à propos des hommes et des « dragueurs invétérés » comme elles les appelaient.
Mais, à force, il était devenu un homme très réservé, ayant du mal à entrer en relation avec les femmes, contrairement à son cousin.
Axel arrivait toujours à obtenir la fille qu’il voulait ; quelques regards, quelques compliments et hop, c’était souvent emballé. Lui, soit ne disait rien et ratait des occasions, soit était relativement direct. En fonction de l’ouverture de la personne qu’il avait en face de lui, cela fonctionnait, ou pas.
Il n’avait pas appris à mettre des flonflons et de la dentelle dans sa façon d’entrer en relation. En fait, cela le dégoûtait ; il estimait cela trompeur… cela lui rappelait trop le comportement de son propre père ; comme lorsque ce dernier draguait à tout-va, de la caissière du supermarché qu’il déshabillait du regard, à la propre sœur de sa femme à qui il faisait des propositions inappropriées.
A ce sujet, il sourit au souvenir de Marcelle répondant vertement à son beau-frère, après que ce dernier lui ait proposé, de façon très détaillée et colorée, de « distraire son côté féminin qui devait s’ennuyer depuis le départ de son époux ».
Lorsque Valentine avait découvert Axel en posture délicate avec Kate, Sébastien fut traversé par des sentiments très contradictoires ; un sentiment de trahison par rapport à Axel ; comment avait-il osé faire ça ?! Et un sentiment de pur bonheur ; Valentine était potentiellement libre !
Culpabilisé d’avoir ressenti cela, il avait tenté, dans les premiers temps, de soutenir le couple, puis, il s’était permis d’envisager autre chose avec Valentine ; elle l’acceptait toujours, lui, en tant qu’ami.
En regardant le plafond, dans la pénombre de sa chambre, il souffla.
Il voulait plus, ce qu’il avait refoulé lors des premières rencontres avec Valentine refaisait surface… Ces dernières semaines, rien que de penser à elle, un désir puissant s’emparait de lui ; il ne songeait qu’à ce qu'il pourrait expérimenter avec elle, pour les amener tous deux à l’extase …
Souvent, sa raison le tempérait ; Valentine avait confiance en lui, en tant qu’ami, il ne pouvait trahir cette confiance.
Il ne se sentait pas capable de lui sauter dessus comme l’aurait fait son cousin ; ce dernier lui aurait conseillé « d’en profiter » de cette confiance, mais pour lui, elle avait été claire après qu’il lui ait à demi avoué son attirance ; actuellement, elle ne voulait pas être en couple. Il respectait cela.
La tête sur son oreiller, il soupira.
Là, après le resto, ils s’étaient quand même embrassés, et pas qu’un peu. Il l’avait sentie « preneuse ». Depuis, il planait sur un petit nuage ; Valentine, qui hantait ses rêves depuis des mois, lui semblait avoir envie de lui, autant que lui d’elle …
Il sourit et se dit, à haute voix,
— Et pourquoi pas Seb ? Pourquoi est-ce que tu n’aurais pas droit à l’amour, toi aussi ?! Allez, lance-toi !
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