2 - Divided
« Bon, alors, tu me donnes une réponse ? Je n'ai pas que ça à faire.
- Je suis désolée mais… Je ne vais pas pouvoir t'aider cette fois-ci.
- Que… quoi ? Mais… Tu oses me trahir, encore une fois ?
- Moi, te trahir ? C'est ta faute tout ça ! C'est toi qui m'as rendue ainsi ! Après tout ce que tu m'as fait, la manière dont tu t'occupes de moi, tu espérais que je voudrais t'aider, sans même parler de pouvoir ?
- Mais enfin, j'ai besoin de toi !
- Et moi, j'avais besoin de toi ! Mais tu m'as laissé pourrir. Non, je suis désolée mais… je pense que c'est mieux qu'on en reste là.
- Tu… tu ne veux pas dire…
- Si.
- …
- Pardon.
- Mais enfin, après tout ce qu'on a vécu ensemble… Souviens-toi…
- Je ne fais que ça, me souvenir ! Même si cela devient de plus en plus difficile.
- Pense à notre fils, au moins ! Pense à ce que tu vas lui causer !
- Ton fils, tu veux dire !
- C'est autant le tien que le mien ! Tu le sais tout autant que moi ! Tu es pleine de tous ces moments passés avec lui !
- Vraiment ?
- Quoi ?
- Le suis-je vraiment ?
- … Là n'est pas la question ! Tu ne peux pas me laisser tomber comme ça ! J'ai besoin d'une réponse, de quelque chose ! Ne m'abandonne pas là !
- Je… je ne peux pas. Je te le jure ! Non ! Non, je refuse ! Mon fils a besoin de moi, de toi ! De nous !
- Mais je ne peux pas ! Laisse-moi !
- Non ! NON ! »
Il la secoue, encore et encore, dans tous les sens, s'acharnant en vain, cherchant une réponse qui ne vient pas. Elle lui balbutie des demi-réponses avant de s'effondrer sur elle-même, silencieuse. Inerte.
« Alors, c'est comme ça. Après tout ce temps… tu m'abandonnes.
- …
- Tu as raison, après tout. C'est ma faute. J'aurais dû… j'aurais dû faire quelque chose. Je… je suis désolé. Je te promets de faire mieux. La prochaine fois… ça ira mieux. Je vais tout faire pour que ça s'améliore. »
Mais elle lui rappelle toutes les fois où il lui a déjà dit ça, et ils savent tous les deux qu'il ment, encore une fois. Alors il l'abandonne à son tour, honteux, et la laisse là, sans réponse à apporter pour son fils.
« Alors, papa, tu peux m'aider pour la division ? Je comprends pas comment ça marche… »
L'homme se renfonce dans le canapé avec une moue renfrognée. Il fait mine de contempler avec grand intérêt l'émission télévisuelle qu'il ne suit que par lassitude depuis qu'il s'est vautré là.
« Demande donc à ta mère.
- Mais elle fait à manger et m'a dit de te demander !
- Oh, laisse-moi ! Je suis fatigué, tu es un grand garçon, tu te débrouilles ! Je suis occupé ! »
L'enfant reconnaît le ton courroucé de son paternel et, le visage triste, s'en retourne vers ses devoirs, alors que son père sent le poignard de la honte lui déchirer les entrailles. Comment lui dire au fond ? Il ne sait pas. Ne peut pas. Consciemment, il pense à toute la confiance que son fils porte en lui, ce héros qui sait toujours tout et peut tout faire, et ne veut pas trahir cette image, si chère aux enfants. Inconsciemment, c'est son ego qu'il protège, ne pouvant reconnaître qu'il a oublié depuis tout ce temps, n'ayant plus eu à faire d'arithmétique à la main depuis des décennies.
Et en silence, intérieurement, il maudit sa mémoire traîtresse.
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