Le mécanisme de mon cœur lent et régulier s'égrenne chaque jour. La plupart du temps il bat et je ne sens rien, totalement inconsciente de cette vie organique dont mon corps est le lieu. Puis une frayeur, une joie, une course et là il s'agite, palpite et se rappelle à ma conscience. Il fait pulser le sang dans chacunes de mes veines, artères, vaisseaux. Et ça vibre jusque dans mes tempes. Parfois il s'agite tant qu'il me donne l'impression de vouloir écarter mes côtes pour sortir.

Puis il y a la respiration. Elle, je la sens avec facilité. Elle agite ma poitrine avec douceur, régulièrement. Rarement essouflée, j'inspire bien souvent, une fois rentrée dans ma petite ville, cet air humide que draîne la Seine et la forêt. Mon thorax se soulève pour laisser entrer toutes ces odeurs que j'aime temps. Cet air exquis vient irriguer mes muscles et mon cerveau, et tant d'autres rouages que j'oublie. Un flot d'énergie me traverse.

Mes yeux s'agitent et englobent le monde pour le faire mien. Mes oreilles sont attentives au moindre bruissement d'herbes qu'un chat des rues pourraient faire. Mon odorat savoure toutes ces odeurs de feu de bois et de petricor. Ma peau frissone délicieusement sous les assauts de ce froid vent d'octobre et seules mes papilles se retrouvent alors bien seules, si peu sollicitées.

Tellement peu sollicitées que c'est à mon estomac alors de rappeler son existence. Il émet un immense bruit qui me fait un peu rougir de honte. Un regard autour de moi : personne ne me voie. Mais pourquoi devrais-je avoir honte de mes besoins vitaux songe mon cerveau ?

Que sommes-nous d'autre qu'une horlogerie faite de chairs ?