Chapitre quatre : Edvald
Edvald la fit sortir la porte arrière du temple, puis ils marchèrent jusqu’aux plaines verdoyantes de Cania. Le soleil était à son apogée et brillait de tout son éclat à cette heure de la journée.
- Comme tu ne possèdes aucune arme sur toi, ce sera un combat à mains nues. Est-ce que ça te convient ?
- Parfaitement ! répondit-elle avec confiance.
Il déposa à terre sa hache ainsi que ses nombreuses dagues, puis il observa la position de son adversaire. Celle-ci levait ses mains à hauteur de son visage et écartait légèrement ses jambes sur le côté. Sa position était stable afin de maintenir son centre de gravité bas.
- Bonne posture ! Voyons ce que tu vaux vraiment au combat.
Le guerrier chargea son adversaire avec force et puissance. Ses déplacements étaient rapides dans le but de déséquilibrer son adversaire, pour mieux la prendre au dépourvu.
Cependant, Roxanne resta concentrée et se déplaça rapidement pour éviter son attaque. Après avoir esquivé, elle lui assena un coup de pied dans les côtes. Il fut pris au dépourvu pendant un court instant, mais reprit ses esprits afin de retourner la situation à son avantage. Il attrapa sa jambe pour la jeter au loin comme un vulgaire chiffon. La jeune femme tomba lourdement sur le sol, ce qui lui cause des égratignures au niveau des genoux et des mains.
- Merde, grommela-t-elle.
- Est-ce tout ce dont tout ce que tu es capable ? C'est pathétique !
Contre toute attente, la jeune femme ne se laissa pas décourager. Elle se releva en serrant les dents, tout en le regardant droit dans les yeux.
- Pas si vite, le combat n’est pas terminé !
Edvald fut surpris par sa soudaine démonstration de détermination. La jeune humaine n’avait aucune intention d’abandonner. Sa détermination suscitait un sentiment d’admiration chez lui. Les deux se tenaient l’un en face de l’autre, prêts à continuer le combat, sans qu’aucun ne veuille reculer. Elle était capable d’éviter facilement les coups puissants du titan.Malheureusement, elle n’était pas assez forte pour lui infliger de graves dégâts. Il décida de profiter de sa faiblesse en maintenant ses attaques. Il attendit qu’elle s’épuise assez avant de lui assener le coup final, un puissant coup de poing dans son ventre. Elle poussa un petit cri de douleur aiguë avant de tomber lourdement sur le sol. Elle était bien amochée et peinait à rester éveiller.
- Tu es balèze comme adversaire, murmura-t ’elle.
- Tu n’es pas mal non plus, pour une humaine, lui répondit-il avec une pointe d’admiration.
Il prit une potion d’arbotentia de sa ceinture puis s’agenouilla à sa hauteur.
- Bois ça.
- Qu’est-ce que c’est ?
- C’est une potion de soin. Bois-la pour te sentir d’aplomb à nouveau.
- Qu’est-ce qui me dit que ce n’est pas du poison ?
- Je n’utiliserai jamais un moyen aussi lâche pour tuer un adversaire. En plus, si je voulais t’achever je l’aurais fait depuis le début en brisant chacun de tes os.
- Charmant, dit-elle avec une pointe de sarcasme.
Elle finit par accepter de boire le contenu de la fiole. Le liquide était particulièrement aigre, ce qui la fit grimacer. Edvald ricana en la voyant ainsi. Elle se mit à sentir une vague d’énergie submerger son corps. Elle se leva d’un bond et observa ses genoux et ses mains. Les égratignures avaient totalement disparu.
- Un peu rebutant, mais diablement efficace.
- Ah, tu vois !
La jeune femme fut surprise en voyant la petite bouteille disparaître de ses mains.
- Comment se fait-il qu’elle ait disparu ?
- Les potions possèdent chacun, un sort de retour. Donc dès que son contenu a été vidé, la fiole se téléporte automatiquement dans l’atelier de son alchimiste, afin d’éviter le gaspillage
- C’est fascinant !
- Il se dirigea vers ses armes se trouvant au pied d’un arbre, afin de replacer sa hache de combat sur son dos et ses dagues dans leur fourreau.
- Où allons-nous à présent ?
- Au temple.
- Oh, joie…
- Arrête de te plaindre et marche, ordonna-t-il d’un ton sec.
- Très bien, monsieur ronchon.
Ils traversèrent à nouveau les hautes herbes de la plaines puis la forêt des murmures. Comme il y avait un silence pesant entre eux durant leur voyage, elle décida de briser le silence en lui posant quelques questions. Malheureusement, il refusait d’y répondre donc elle ne le poussa pas plus. Lorsqu’ils atteignirent l’orée du bois, une créature imposante atterrit soudainement devant eux dans un violant fracas, projetant un nuage de poussière.
Roxanne ne put s’empêcher d’essayer de regarder vers l’avant pour mieux la voir, mais Edvald lui barra fermement la route.
- Qu’est-ce que tu fais ? demanda-t-elle agacée.
- Reste en arrière ! ordonna-t-il d’un ton ferme.
Il dégaina sa hache et se mit en position de défense. Il était prêt à se battre pour la protéger, même s’il ne la portait pas vraiment dans son cœur.
- N'aie pas peur, dit une voix douce.
- Qui êtes-vous ? demanda Roxanne
Il scruta l’horizon pour tenter de trouver l’origine de cette voix mais en vain. Le nuage de poussière était si épais qu’il l’empêchait de distinguer une quelconque forme.
- Je ne suis qu'un messager, répondit-elle.
- Alors montrez-vous, lui ordonna-t-il.
Des battements d’ailes se firent entendre suivis de puissantes rafales de vents qui secouèrent les arbres environnants. Le jeune titan ancra solidement ses pieds dans le sol. Les vents turbulents la poussèrent assez fort pour l’emporter.
- Putain, grogna-t-elle.
Il tourna la tête dans sa direction et la vit s’éloigner brusquement. Il s’élança vers elle puis l’agrippa par le bras pour la presser contre lui tandis qu’il tenait toujours sa hache de l’autre main. Ils restèrent collés l’un à l’autre jusqu’à ce que le vent se calme. Le nuage de poussière s’était évanouit et ils aperçurent un immense oiseau aux pupilles dorées et au plumage iridescent les observer avec attention. Edvald n’en croyait pas ses yeux…
- Par les ancêtres…
- D’accord. Qu’est-ce que c’est au juste, lui demanda-t-elle.
- C’est un oiseau céleste, dit-il d’un ton solennel.
- Elle mit soudainement fin à leur étreinte puis s’avança vers l’être divin pour lui faire face.
- Tu as dit plutôt que tu étais un messager. Qui t’envoie donc ? demanda-t-elle
- La Grande Déesse m’a demandé de vous retrouver pour vous confier une importante mission.
- En quoi consiste-t-elle ? lui demanda-t-il curieux.
- Vous devez vous procurer une pierre de glace et du fil du destin.
- Et où peut-on trouver des ingrédients aussi saugrenus ? demanda Roxanne en haussant un sourcil.
- Ils se révèleront à vous-même lors de votre expédition dans la demeure souterraine des Nordes.
Les yeux d’Edvald s’écarquillèrent avec un mélange d’excitation et de détermination en apprenant la nouvelle. Son peuple connaissant bien les profondeurs perfides du manoir des Nordes ainsi que les nombreux dangers qui s’y cachaient. Seuls les guerriers les plus braves et les plus rusés avaient osé s’aventurer dans cette demeure maudite et peu en étaient revenus. Il aurait vu cette mission comme une opportunité de prouver sa valeur s’il n’était pas forcé à travailler en équipe avec cette humaine vulgaire.
- Je ne connais pas cet endroit mais je peux sentir que le danger nous y guettera. Je refuse catégoriquement de…
Il ne lui laissa même pas le temps de finir sa phrase qu’il la souleva d’une seule main pour la poser sur son épaule. Elle se mit à se débattre tout en lui ordonnant de la lâcher, mais ses supplications tombèrent dans l’oreille d’un sourd. Il se mit à avancer de l’oiseau céleste qui les observa avec inquiétude.
- Êtes-vous sûre que ce soit la meilleure approche ?
Il ne lui répondit pas puis lança Roxanne sur son dos avant d’y grimper lui-même.
- Je ne suis pas un sac de pommes de terre que tu peux manipuler à ta guise !
- Arrête de te plaindre, ce n’est pas par plaisir que je fais équipe avec toi. Donc essaye de ne pas tomber, lui répondit-il d’un ton méprisant. Nous sommes prêts à partir ! affirma-t-il d’un ton solennel à leur compagnon ailé.
L’oiseau céleste déploya ses ailes puis les battit avec force, se propulsant dans le ciel nuageux en quelques puissants battements d’ailes. Le titan attrapa fermement le calamus d’une plume et serra ses cuisses musclées autour du dos de la créature en maintenant une position forte et stable. Alors qu’ils s’élevaient dans les airs, il se délectait des cris de terreur de Roxanne, jusqu’à ce qu’elle de s’agripper à lui pour éviter toute chute.
Une fois que le messager divin atteignit une altitude confortable, il se laissa planer dans les cieux en se faisant porter par des vents ascendants. Au fil des minutes, il sentit la pression sur ses hanches diminuée. Son irritation initiale se transforma doucement en inquiétude.
« J’espère que cette idiote n’est pas en train de tomber ! »
Il se tourna puis l’aperçut en train de tendre la main pour caresser les nuages vaporeux du bout de ses doigts. Elle osa même se pencher légèrement pour mieux admirer la beauté des cieux.
- Si tu tombes je ne te rattraperai pas, l’avertit-il d’un ton ferme.
- Ne t’en fais pas, monsieur ronchon. Je n’ai pas l’intention de te priver de ma compagnie de sitôt, dit-elle avec une pointe de provocation dans sa voix.
- Si tu continu ainsi, c’est moi qui vais te jeter dans les airs.
- Si je tombe, je te prends avec moi, répondit-elle en s’agrippant à lui une nouvelle fois.
L’expression d’Edvald s’assombrit à sa réponse, sa mâchoire se serrant d’irritation.
- Je ne suis pas ton filet de sécurité personnel, cracha-il le ton empreint d’agacement. Enlève tes mains !
La jeune femme fit abstraction de son désir en resserrant sa prise.
- Tu m’as emmené de force, donc assume les conséquences de tes actes, lança-t-elle avec un sourire confiant.
« Que la Déesse m’accorde la patience ! »
L’oiseau céleste glissait doucement et silencieusement dans le ciel, les transportant par-delà les terres et les océans. Edvald se concentra sur la navigation tout en gardant un œil sur elle jusqu’à ce qu’ils arrivent aux monts le plus élevés du pic des trois sœurs.
- Nous allons atterrir. Accrochez-vous bien !
Il commença à descendre, glissant gracieusement dans les airs et visant une petite clairière enneigée puis dans un élan gracieux, il se posa sur la neige tendre en repliant ses ailes autour de son corps. Les deux gardiens sautèrent descendirent du dos de leur monture, qui émit un gazouillis satisfait. Edvald scruta les alentours puis il reporta son attention vers Roxanne, qui prenant divers poses étrange.
- Que fais-tu ?
- Juste quelques étirements pour soulager les courbatures dans mes jambes et pour me réchauffer par la même occasion.
- Tu t’en rends compte que tu es ridicule ? fit-il remarquer d’un ton moqueur.
- Ridiculement efficace, répliqua-t-elle avec aplomb.
- Il souffla d’agacement face à son impertinence, mais ne répliqua pas cette fois. Il se tourna vers le messager divin, qui rayonnait de sa présence.
- Messager divin, vous aurait-on confié une relique pour la réalisation de notre tâche.
- Hélas, je ne possède rien mais j’ai foi en vous tout comme la Grande Déesse.
L'anxiété l’envahit à cette nouvelle. Il ne pouvait s'empêcher de sentir le poids des espoirs de la déesse peser sur lui, et de réaliser que le succès était peut-être hors de portée. Un mélange de malaise et d'inquiétude assombrit son attitude habituellement confiante.
- Edvald, est-ce que ça va ?
« Je dois absolument réussir, je ne peux pas échouer ! »
Il se mit à s’avancer de manière presque mécanique en ignorant les appels de Roxanne. Il n’avait qu’un objectif sortir victorieux de cette épreuve mais au moment où il arriva sur le seuil de la porte, il sentit une main agripper son bras.
- Oh ! Je te parle donc ne m’ignore pas ainsi ! Qu’est-ce qui t’arrive au juste ?
Il repoussa sa main puis lui lança un regard dur, qu’elle soutenu sans faiblir, même s’il la surplombait de par sa taille.
- Cette épreuve est une opportunité parfaite pour prouver notre courage. Je ne te laisserai pas tout gâcher ! Donc ne fais rien de stupide et suis moi.
- Je sens que ça va être une partie de plaisir de travailler avec toi, répondit-elle avec sarcasme.
Sur ces mots, il poussa les grandes portes en bois massif pour pénétrer dans les lieux avec elle. Au moment où ils franchirent le seuil de l’entrée, les portes se refermèrent derrière eux. Les yeux d’Edvald s’illuminèrent d’admiration en voyant le hall du manoir des Nordes. Les murs, le plafond et le sol étaient tous faits de glace solide, façonnée d’une telle manière qu’ils réfléchissaient la lumière du soleil.
- Impressionnant on se croirait presque dans la demeure de la reine des neiges, affirma-t’elle d’un ton admiratif.
- Pourrais-tu cesser de faire ces remarques impertinentes ?
- Bien sûr, lorsque tu seras de meilleure humeur. Répondit-elle avec un ton presque taquin.
Il ne prit même plus la peine de lui répondre. Il se mit à fouiller la pièce dans ses moindres recoins pour trouver une inscription ou une gravure, sous le regard interrogateur de Roxanne.
- Qu’est-ce que tu tentes de trouver au juste ? demanda-t’elle perplexe.
- Pour faire court, nous avons besoin de trouver une inscription, une gravure ou un objet pour faire connaitre les incanatios.
- C’est quoi les incatios au juste ?
- Ce sont des incantations faisant apparaitre une porte quand on prononce la bonne.
- Et si on prononce la mauvaise, que se passe-t-il ?
- Crois-moi, il vaut mieux éviter cette possibilité. A présent, cesse donc de discuter et concentre toi sur notre objectif ! ordonna-t-il d’un ton sec.
Elle roula des yeux agacé puis lui apporter main forte. Ils se mirent à examiner minutieusement chaque recoin du hall, mais en vain.
- Edvald, en es-tu sûr qu’il y a...
- Oui, j’en suis sûr ! Cette incantation est juste bien cachée ! Cherche mieux, répliqua-t-il en l’interrompant.
Il décrocha les quelques tableaux accrochés aux murs puis les retourna un par un.
- Tu perds ton temps, je les ai déjà tous vérifier. Tu n’en tireras rien, affirma-t-elle en croisant les bras sur sa poitrine.
- Les statues également ?
- Oui ! Il n’y a rien non plus sur leur socle ou sur leur corps.
- Peut-être en les déplaçant, nous aurons des résultats.
- As-tu perdu la raison ? Ces statues de deux mètres de hauteur doivent au moins peser 5 000 kilogrammes et encore je ne compte pas le socle. Ce…
- Tais-toi et regarde, l’humaine, répliqua-t-il avec arrogance.
- Vas-y ! Je t’en prie, dit-elle.
Il s’approcha de la première statue représentant Elac, l’ainée des trois Nordes, puis il la poussa avec une aisance déroutante. Comme il ne trouva rien d’intéressant en-dessous, il recommença l’opération avec les cinq autres. Cependant, le résultat ne changea pas.
« Comment est-ce possible ? Tous les survivants ont parlé de la présence d’incatios dans chaque salle. Pourquoi je n’y arrive pas ? »
- As-tu déjà pensé qu’il y avait une autre manière de la trouver ?
- Qu’insinue tu par-là ?
- J'ai remarqué quelque chose lorsque vous avez déplacé les statues. La lumière de leurs torches les traversait et était déviée dans différentes directions. Si tu parviens à concentrer tous ces reflets sur un seul point de la pièce, alors l'incantation devrait se révéler.
- Le problème, c’est que je ne pourrai pas avoir une vue d’ensemble tout en poussant les statues.
- Tu n’auras qu’à suivre mes indications.
Edvald n’était pas enchanté par cette idée. Suivre les ordres de cette humaine entêté n’allait pas être une partie de plaisir.
- D'accord, dit-il en serrant les dents, mais soyons clair. Ce sera la première et dernière fois que tu me donneras des ordres.
- Bien, bien. Maintenant au boulot ! répondit-elle avec un sourire narquois.
Il écouta attentivement chacune de ses directives, qu’elle modifiait en fonction du résultat obtenu elle les ajustait. Au bout de quelques essaies, ils réussirent à faire converger tous les rayons de lumières au centre du hall. Des lettres dorées apparurent soudainement.
- Je ne comprends pas un traitre mot de ce qui est écrit, avoua-t-elle.
Il s’agenouilla devant l’inscription afin de la lire.
- C’est écrit en vieil éthérien.
- Voiev al onsu zetrom te ovsu zelevre, alglec al adns séchac tropse.
Dès que le jeune titan prononça ces mots, la pièce se remplie d’une lueur éthérée. Les murs semblèrent onduler et se déformer, révélant des coutures et des contours jusqu’alors cachés. Soudain, trois portes apparurent, se fondant parfaitement dans les murs comme si elles avaient été présentes depuis le début. Les trois portes étaient identiques, elles étaient toutes trois en cristaux poli avec des symboles complexes.
- Nous devrions réfléchir minutieusement ensemble avant de prendre une décision.
- Je comprends, dans ce cas ce sera la droite.
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