Arrivée
Ils étaient assis là, tout en haut, face à cette immense vallée verdoyante des Andes colombiennes. Ils ne se disaient rien, transpirant de cette longue montée qui les avait amenés dans ce paysage magnifique, ils reprenaient leur souffle et laissaient reposer leurs jambes. Ils avaient arrêté le temps, cela aurait pu durer des heures, des jours peut-être, sans qu’ils aient l’impression que rien autour d’eux, ni même dans le reste du monde, puisse changer d’une seconde. Alors, dans cette suspension de l’espace et du temps, il n’y avait rien à dire.
Quelques semaines plus tôt, ils étaient arrivés á Bogota. Aéroport, file d’attente, douane, nouvelle attente, bagages, ils s’étaient retrouvés devant les portes de sorties en près d’une heure. Le corps engourdi par 19h d’avion et l’esprit perturbé par ce changement soudain de pays et d’altitude, ils avait mis quelques minutes á se décider, en fumant une cigarette et rejetant les propositions des chauffeurs de taxis et de buseta plus ou moins officiels, qui se succedaient autour d’eux comme des parasites. Elle fumait rarement mais durant ses voyages c’était plus fréquent. Cela devait faire partie de l’ambiance qu’elle avait envie de créer, comme une des conditions associée á l’aventure. Lui fumait souvent et pas que des cigarettes, il en avait les dents légèrement jaunies et l’odeur de tabac froid toujours collée á ses vêtements. Il était moins habitué qu’elle aux grands voyages mais en France il faisait souvent la route avec son sac á dos et son chien, plusieurs mois d’affilés parfois. Puis quand il en avait assez de vivre de rien, il trouvait un boulot facile á faire et dur á supporter et s’installait un temps quelque part. Parfois dans un endroit connu où il avait déjá des relations mais le plus souvent dans une nouvelles villes oú il passerait son temps á trainer par ci par lá pour se faire des connaissances qui lui ressemblent. Parfois une fille, un amour, le retenait plus longtemps. Julie était sa dernière en date. Il l’avait rencontré á Saint Emilion un petit village prés de Bordeaux. Qui aurait dit que 4 mois plus tard ils chercheraient quel bus prendre depuis l’aéroport pour se rendre vers le centre de Bogota.
Au départ ils avaient eu la chance d’avoir des places assises dans cet énorme bus articulé de trois parties. Mais très vite la foule se forma si dense á l’intérieur qu’ils durent prendre leurs sacs á dos sur les genoux. Les colombiens entassés autour d’eux supportaient sans maugréer leur conditions de peuple soumis á l’endémique déficience des transports en commun. Le bus avançait vers le centre-ville reconnaissable par une petite réunion de gratte-ciel. L’avenue El Dorado paraissait portait un nom en décalage avec la réalité de la ville qu’ils traversaient. Une avenue bien propre et bien aménagée, formée de voies de Bus isolées des 2 ou 3 voies chacune de 2 files de voitures qui l’entouraient. Ainsi le bus avançait á pleine puissance au milieu d’un énorme embouteillage sans même y prêter attention. Ils ne regrettèrent point de ne pas avoir pris le taxi. Après une demi-heure de trajet ils parcouraient la partie du centre-ville bordée d’une file d’immeubles, très hauts et récents pour la plupart. Les montagnes qui bordaient l’Est de la ville sur 40km de long, déjà visibles au loin depuis l’aéroport, paraissaient maintenant toute proches. Vertes et récemment reboisées, elles donnaient un aspect de petite ville de campagne á cet énorme monstre d’acier et de béton de 8 millions d’habitants. Arrivant au bord du centre historique, ils s’extirpèrent, eux et leurs sacs á dos volumineux, en même temps que des centaines d’autres passagers vomis comme lors de chaque arrêt par le bus.
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