Un timide rayon de lumière entra dans l'abri, se posant sur mon visage et me faisant ouvrir les yeux. Fatiguée, mais heureuse, je portai mon premier regard vers le bébé qui dormait près de mon sein. Ma fille, Ata, était née la veille. Un fin duvet blond couvrait son crâne et sa petite bouche se plissait gracieusement. Elle dormait profondément, son petit poing serré contre ma peau.

Ma Grande Mère avait veillé toute la nuit, avec ma propre mère, sur son premier sommeil. La naissance avait été facile, plus que pour Kourag. Moins longue surtout, puisque j'avais ressenti les premières douleurs juste avant l'aube et qu'elle était née alors que le soleil était bien haut.

La lumière qui entrait dans l'abri était le fait des enfants qui avaient soulevé la peau de l'entrée et, déjà, se précipitant, je vis arriver Kourag suivi de Kalya. Ils étaient inséparables ou presque. Même si Ilya et Kaarg avaient rejoint notre camp une fois l'hiver qui avait suivi la naissance de Kalya passé, j'avais continué à allaiter la petite fille. Mon amie s'était cependant occupée d'elle pour toutes les autres nécessités, la laver, l'habiller, jouer avec elle. Mais, bien souvent, elle s'endormait encore le soir avec nous, repue de sa dernière tétée, lovée contre Kourag. Et, depuis qu'ils marchaient tous deux et exploraient le campement, on ne voyait jamais l'un sans l'autre. Il m'arrivait souvent de me dire que je n'avais pas un enfant, mais deux, jusqu'à ce jour qui me vit donner naissance à ma fille.

Elle n'avait pas encore été présentée aux esprits, cela se ferait dans la journée. Et nul hormis Arouk, ne connaissait encore le nom que nous allions lui donner. J'espérais pouvoir assister à cette petite cérémonie, car je me sentais bien moins fatiguée qu'après la naissance de Kourag. Je connaissais mieux aussi les réactions de mon corps et les besoins de mon enfant.

Arouk suivait les deux petits qui s'approchaient de ma couche. Kourag se pencha vers moi et Kalya l'imita. Il était si amusant de voir leurs chevelures blonde et noire côte à côte !

- Maman ! Elle dort ?

- Oui, répondis-je. Ta soeur dort encore. Ne la réveille pas.

- On peut venir à côté de toi ?

Je souris et mon regard croisa celui de ma Grande Mère. Sans attendre la réponse, les deux enfants escaladèrent mes jambes et se glissèrent à la place d'Arouk. Puis mon fils m'entoura de ses petits bras encore potelés et Kalya posa sa tête sur ma hanche. J'entendis le rire d'Arouk :

- Et bien, quel spectacle ! Te voilà bien entourée, femme de mon foyer !

- Pourrais-je l'être mieux ? demandai-je doucement. Il me manque toi, mais tu n'es pas loin.

Il sourit en retour, puis vint s'accroupir à nos côtés. Du bout d'un doigt, il caressa lentement le front d'Ata. Nous la vîmes remuer doucement des lèvres, comme si elle voulait téter. Il cessa alors sa caresse.

- Rien ne pouvait me rendre plus heureux, Ourga, que vous voir tous ainsi.

Et il se pencha vers moi et m'embrassa.

Je refermai les yeux, savourant la présence de tous les miens. Notre vie était simple, mais nous étions heureux. Le cercle des saisons se poursuivait, lentement. Si nous avions perdu Tyma l'hiver dernier, nous avions accueilli aussi d'autres enfants. Grak était toujours le chef de notre clan, mais sa fille lui avait donné quelques lunes plus tôt un petit-enfant. La mort de Tyma m'avait beaucoup affectée, et Arouk aussi. Nous nous étions attachés à elle, comme elle à nous et elle avait toujours été si attentive aux enfants. Mais son heure était venue de rejoindre les grandes plaines, sous la protection des esprits.

Le prochain été verrait revenir le grand rassemblement de tous nos clans. Il verrait aussi Kari être initiée aux rites. Il y aurait encore des fêtes, les deux cérémonies d'union. Et puis, la cérémonie de présentation des enfants nouveaux-nés aux esprits.

Ata serait de ceux-là.

FIN