Mardi 6 octobre, 6h30.
Elle me regarde avec ces yeux qui me brisent le coeur pour elle. Et moi, je me liquéfie de terreur.
- De quoi tu parles ? je demande, mal à l'aise.
- Arrête, Jay. Empire pas ton cas... S'il te plaît. Sois franc avec moi, juste une fois.
Elle semble lassée, et je la comprends.
- Dis-moi juste... Ce que tu sais, ou ce que tu crois, ou...
- Pourquoi ? Comme ça tu sauras jusqu'où tu peux me mentir ? elle me demande en haussant un sourcil.
Elle marque un point, malgré elle. Malgré moi.
- C'est pas ça... Ma', je sais que j'ai merdé et que je suis le pire des enfoirés... Mais je veux pas te faire souffrir plus que nécessaire, tu comprends ?
- Ouah, ça fait mal que tu l'admettes. Tu admets que tu me trompes et ça me rend dingue. J'arrive toujours pas à le croire.
Elle va s'effondrer sur le lit. Je la suis, mais je reste debout, trop paniqué pour pouvoir m'asseoir.
- Je l'admets, oui. Marie, j'arrête pas d'y penser... T'es arrivée sans que je m'y attende, j'aurais voulu te le dire le même jour, je te le jure. C'est la première fois que c'est arrivé, ce jour-là. Et puis... J'avais pas envie de gâcher tes semaines ici... Tu comprends ? je me risque à demander.
- Non, je comprends pas. Je pensais qu'on pourrait tout se dire. Tu me dis que c'est arrivé le jour de ma venue, mais y avait des signes avant-coureurs, non ?! On sait pas qu'une personne nous plaît juste le jour-même, si ?! Tu devais bien le prévoir !
Elle commence à s'énerver et elle empêche plus ses larmes de couler.
- C'était pas... Prémédité, ma puce-
- M'appelle plus jamais comme ça, elle me siffle en me fusillant du regard.
- E-excuse-moi, c'est l'habitude... (Je baisse les yeux, qu'est-ce que j'ai honte). On savait pas que ça se passerait comme ça. Je te jure qu'on n'en avait aucune idée. Moi en tous cas. C'est vraiment venu sans prévenir. Je pouvais pas me douter une seule seconde que je serais attiré par lui...
- Lui ? elle relève les yeux. (D'abord la surprise, puis la colère et le dégoût s'affichent sur son si joli visage). Non, Jay, tu rigoles ? Tu veux dire quoi par "lui" ? Dis-moi que tu t'es trompé de pronom, pitié. Évite de m'achever.
- Quoi ? Mais tu... Tu... De quoi tu parlais alors ?
Je suis sous le choc, j'ai la nausée, je voudrais m'enfuir, me jeter par la fenêtre, faire quelque chose pour disparaître. Elle ne savait pas. Merde.
- Putain... C'est un mec ?! La personne avec qui tu me trompes, c'est un homme ?! elle me hurle dessus.
Et c'est ce moment que choisit Aiden pour sortir de la salle de bain, derrière moi, une serviette nouée autour de la taille.
- Attends... Il était avec toi là dedans ? J'vais vomir. Mon dieu, j'vais vomir. (Elle se relève, jette un regard noir à Aiden et lui envoie une énorme gifle). Vous êtes des gros cinglés pervers. Vous avez fait quoi ici ?! J'étais juste à côté ! Tu m'as trompée ICI alors que j'étais juste à côté ?! elle répète, sous le choc.
- Ok, qu'est-ce qui se passe là ? il demande en nous regardant tour à tour en se frottant la joue.
- Putain... je m'écroule par terre.
- Tu couches avec mon mec, connard ?! elle hurle, c'est une furie cette fois.
- Non, il lui répond, le plus calmement du monde.
Elle reçoit comme une douche froide à ce mot, et ça l'arrête instantanément.
- Quoi ? elle demande d'une petite voix.
- On couche pas ensemble. Mais ça me dérangerait pas. Il a trop de respect pour toi pour te tromper, tu devrais lui dire merci. T'es la seule à avoir droit à sa queue, il minaude avec un sourire hypocrite que je lui ferais bien ravaler, sur l'instant.
Je les regarde se balancer des mots l'un à l'autre, d'en bas, les yeux écarquillés, incapable d'agir et sentant l'inévitable arriver - ou est-ce déjà arrivé ?
- La seule à y avoir droit ? Tu rigoles ?! C'est un putain de puceau ! Un putain de puceau parce que c'est un putain d'homo !! elle recommence à hurler et cette fois, elle quitte la pièce - et probablement la maison - en hurlant et en pleurant.
Et moi, j'espère surtout que nos pères n'ont rien entendu. Il ne manquerait plus que ça.
- Ça s'est passé mieux que ce que j'aurais pensé... soupire tranquillement Aiden en allant dans sa partie de la chambre enfiler un pantalon.
- T'es sérieux là ? Pourquoi tu lui as sorti ça ? Le but c'était pas de la blesser, je voulais y aller en douceur ! Tu sais comme ça doit être dur pour elle d'accepter que je suis attiré par les hommes ?! Déjà que moi, j'ai du mal à m'y faire !
- C'est vrai ça, t'es puceau.. ? Vraiment ? C'est mignon.
- Ferme-la. J'ai jamais pu y arriver... Je sentais que c'était pas mon truc.
- Alors avec moi, tu pourrais ?
Il a un air séducteur et revient vers moi, avec son jean qui lui retombe à la perfection sur les hanches et son torse nu, toujours humide de notre récente douche ensemble, ce qui me fait piquer un fard au passage.
- Pas pour l'instant, non, je siffle en me maudissant de l'encourager avec un terme comme "pour l'instant" qui allume aussitôt son regard sublime. Là, il faut que j'aille la raisonner avant qu'elle dise à tout le monde ce que j'ai fait. En particulier mon père et le tien ! je crache ma dernière phrase avec un peu plus de force.
- Ouais, c'est vrai que ça serait problématique.
- T'y es pas pour rien dans son départ... je lui fais remarquer.
- Ok, j'ai compris. On va lui parler calmement. Je vais lui dire qu'on n'a jamais rien fait et que ça s'est arrêté à des regards. Ça va peut-être mieux faire passer la pilule...
- Je comprends pas... Elle était juste là derrière la porte, je pensais qu'elle nous avait... Entendus... Mais elle avait même pas l'air de savoir que t'y étais aussi jusqu'à ce que tu sortes. (Je réfléchis à voix haute). Et si c'est pas ça, qu'est-ce qui lui a mis la puce à l'oreille ?! On n'a jamais rien fait devant elle et pourtant elle avait l'air persuadée que je la trompais...
Et Aiden, beau comme un Dieu et insupportablement provoquant, m'écoute déblatérer en hochant la tête, les yeux pleins d'une détermination qui me fait froid dans le dos... Ou qui me réchauffe le cœur, peut-être...
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