X - Énola
Greta me reçoit en confession à la Caserne. En fait, je crois que c’est une convocation. Elle a trois mots à me dire, une question :
- Qui es-tu ?
- Je suis une mauvaise joueuse de tennis. Pour garder ma licence, je dois donner des cours, être coach pour avoir le minimum de points requis et garder mon accès au tennis Club et à mon bungalow de fonction. Coach, c’est comme ça que j’ai eu droit à Marielle, elle m’a été imposée par Aurélie qui me connaissait pour l’avoir consommée de nombreuses fois, c’est une cliente gourmande. En effet, j’offre mon corps aux femmes en manque d’affection. Le seul garçon que j’ai eu dans la vie, c’est mon frère, comme toutes celles de ma génération qui sont nées avec. On s’est bien amusés ensemble. Mais il est parti à l’Ouest où il a eu une autre fille dans sa vie. Moi je suis restée à l’Est et j’ai eu plein d’autres filles dans ma vie aussi. Les autres garçons ne m’ont jamais intéressés. Et puis un jour, ils sont morts, mon frère et sa copine, entraînés par un jeune Chevalier de l’Apocalypse dans un suicide collectif auquel il a survécu contrairement à ses adeptes. Quand j’ai appris la nouvelle, j’ai vomi pour la première fois de ma vie. J’aurais pu demander à Aurélie de m’aider à accepter tout ça mais je ne l’ai pas fait. C’est peut-être pour ça qu’elle m’a envoyé Marielle, quelqu’un d’autre à qui demander des explications sur toute cette macabre histoire. Mes parents, ils s’en fichent. Ils ont eu des enfants avant et après nous. Pour eux ce n’est pas une grosse perte. Voilà, je ne suis personne. Même plus la sœur de mon frère. De coach, je suis devenu l’objet sexuel de Marielle. Et j’ai eu mes explications, sur les véritables circonstances de la mort de mon frère. Et Aurélie a commencé à m’aider. Comme le procès à l’Ouest allait s’éterniser, on était un certain nombre à pouvoir décider d’une fin plus rapide à tout cela. Dès qu’on a eu les boîtiers et qu’on a su comment les utiliser, on a voté, à l’unanimité. Le Gourou coupable s’est officiellement suicidé en cellule. Mais parallèlement à tout ça, Aurélie m’a confiée son fils à garder et je suis devenue plus que la petite pute de Marielle, pour Marielle. Alors qui je suis ? Je ne sais pas. Mais je sais que je ne suis plus la sœur de mon frère, je n’offre plus mon corps aux femmes, je suis la coach de Marielle, entre autres fonctions pour elle, en exclusivité. Parce qu’elle me suffit. Parce que je lui suffit. Parce qu’on est heureuses ensemble. Mais je ne suis pas comme vous toutes. Moi je n’ai pas de destin. Je ne suis rien. Je ne serai que ce que Marielle fera de moi. Mais je n’attends rien ne particulier. Autant dire que je ne serai jamais déçue. Mais je vous aime bien les terriennes. Vous apportez votre vision des choses, votre façon d’être, ça donne un peu d’espoir aux locales. On se sent plus vivantes avec vous. Et puis vous nous apportez aussi votre spiritualité et tous ces pouvoirs occultes qui se propagent dans nos corps, nos esprits et nos âmes peut-être aussi. Vous n’êtes pas une menace, vous êtes une chance. Une chance pour nous de se sentir exister dans l’éternité. En attendant, je suis Nola, la femme de Marielle, et j’aspire à une vie simple. Et elle aussi. C’est ça qu’elle aime chez moi, c’est ça qu’elle veut, échapper à son destin avec quelqu’un qui n’en a pas. Je suis la solution à son problème. Elle a trouvé avant vous, avant toi et avant Aurélie aussi. Et c’est avant vous aussi qu’elle fera sa conversion. Elle est votre cobaye. Je suis sa pute. Tu es Dieu. Qui je suis ? Je suis la pute du cobaye de Dieu. Voilà ma réponse. Et tu sais quoi, Greta ? Moi, je n’ai aucune question à te poser.
- Enola, je comprends. Tu es du côté de Marielle, pas du mien. C’est tout à ton honneur. On a toutes besoin de repères comme toi. Tu es la femme de Marielle, tu es la nounou de Aurélie, elles ont bien de la chance de t’avoir. J’espère moi aussi un jour faire partie de ta vie. Je pensais que c’était à moi de te dire « bienvenue dans la famille » mais c’est le contraire. Tu me donnes une leçon. Tu n’es pas que coach de tennis. Merci d’être venue. Merci pour ta sincérité. Merci d’être toi. C’est l’heure du thé et j’ai préparé des biscuits. Tu veux bien les goûter avec moi ?
On prend le thé, elle me montre, elle m’explique et on goûte ses gâteaux. Elle m’avoue :
- J’avais prévu de mettre du philtre dans le thé, ensuite j’aurais pressé mes seins pour y mettre un peu de lait et on aurait fini très bonnes amies.
Je manque de m’étouffer. Je la regarde, elle ne plaisante pas.
- Vous devriez un jour essayer en pleine conscience, de vous faire des amies. C’est quand la dernière fois que vous avez embrassé une fille sans philtre ?
Pendant qu’elle réfléchit, je m’approche d’elle. Elle me regarde, étonnée et elle rit.
- Ça remonte à loin, en temps et en distance.
Je me rapproche encore d’elle.
- Tu veux que je te rafraîchisse la mémoire ? Ça n’engage à rien. Je suis une professionnelle. Ça ne changera rien entre nous. Je suis claire dans ma tête.
Elle est intimidée. Je mets une main sur sa cuisse et j’approche mes lèvres des siennes.
- Enola ? C’est un test ? De ma loyauté envers Lisa ?
- Non, parce que c’est moi qui vais t’embrasser. Tu permets ?
Je n’attends pas la réponse. Je pose mes lèvre sur les siennes. J’embrasse sa lèvre supérieure. Puis sa lèvre inférieure. Puis les deux. Elle ferme les yeux, elle ouvre la bouche, nos langues se cherchent, se mélangent. Je caresse sa cuisse de plus en plus haut. Et j’arrête. Je me recule. Elle est bouleversée.
- C’était encore une leçon. Tu es douée, comme coach.
Et on rit. Elle me regarde avec douceur et reconnaissance. Alors je lui dit :
- Bienvenue dans la famille.
*
Je rentre à la maison.
- Alors ça s’est bien passé ? Qu’est-ce qu’elle voulait ?
- Elle voulait, me baiser je crois. Je l’ai juste embrassée.
On se pose pour en discuter calmement :
- Nola, Greta m’a envoyé un message sur mon mono. Elle m’a juste écrit : « Elle est bouleversante. C’est une bonne coach. »
- En fait elle m’a juste demandée qui j’étais. Je lui ai fait un long monologue qui a fini par devenir acide. Assez pour bouleverser, ses plans. Elle a accepté mes critiques et elle n’a pas mis de philtre dans le thé. Elle a pris ça comme une leçon de vie. Mais elle en a besoin de plus d’une. Alors je lui ai montré que ça existait, l’Amour sans philtre, sans sexe non plus. Mais je comprends que ça vous fasse peur. Car c’est celui qui ne dure pas et qui fait le plus mal quand il n’est pas sincère. Mais avec toi, Marielle, au-delà de tous ces artifices, notre relation d’intérêt arrangée, notre première fois avec philtre, ton apparence modifiée, je l’ai senti là, présent, l’Amour que j’ai pour toi. Il me rend si forte que j’ai pu affronter Greta, sans m’en faire une ennemie, en retournant la situation et à la fin c’est moi qui l’ai acceptée, je lui ai même dit votre phrase mystique de terrienne : « Bienvenue dans la famille ». Personne avant n’a dû lui résister ou lui faire ce coup là. Mais justement, je suis personne.
Marielle me prend dans ses bras et elle m’annonce :
- J’aime personne. Et je veux rester toujours avec personne.
Je la chatouille et je la caresse partout. Je l’embrasse, elle m’arrête et elle dit :
- Tu as quand même le goût de Greta.
- Comment tu connais son goût ?
- Il est différent du tien.
Et elle descend m’embrasser en bas pour vérifier et se le remettre en bouche. Je sens aussi ses doigt rentrer en moi. Je me retourne, je me cambre et je lui crie :
- Bouffe-moi le cul ma grande pute.
Et je lâche un râle, surprise par sa fougue.
*
Je ne suis personne mais elles ont beaucoup à apprendre de moi. Parce qu’elles sont allé trop haut dans leur égo. Elles en ont oublié l’essentiel. Je suis sûre que la conversion va les changer. Elles ne seront plus les mêmes. Est-ce que j’aimerai toujours Marielle ? Est-ce qu’elle m’aimera toujours ? J’ai peur. En attendant, je vais l’aimer comme si c’était le dernier jour. Inconditionnellement. Absolument.
Je suis à son bras, elle est trop belle. Elle s’aime. Elle m’aime. Je l’aime. On pose pour la photo avec nos raquettes avant le début du tournoi à l’Ouest, à l’École des Arts. Pas la peine d’entretenir la légende, je lui fais un bisou sur la bouche dans la stupeur générale. Et après on fait coucou et on s’en va, Izzy veut nous faire la visite de son école. En fait, j’ai l’impression d’être quelqu’une d’importante maintenant.
À l’Hôtel tout est somptueux. Il y a des sculptures et des tableaux partout. On marche même sur des œuvres d’arts comme de magnifiques tapis. Même l’éclairage vous enveloppe comme dans un Musée. Et je suis nue contre ma Rielle dans ce grand lit en bois sculpté. Elle sent si bon. Elle est si douce. Je ne sais pas où elle commence et où je fini dans nos caresses intimes. Je la respire, j’ai ma langue dans sa bouche, mes doigts dans ses replis, mon désir est le sien. Et puis on plonge nos regards l’un dans l’autre pendant de longues minutes. Et on se dit des choses tendres.
- Nola, je n’ai jamais connu un instant comme toi.
- Jamais ? C’était quand ta première fois ?
- C’était bien trop tôt, j’aurais dû attendre deux ou trois ans de plus. Un cousin un peu trop entreprenant, un dimanche en famille, un week-end de l’Ascension, mais il était tellement beau, tellement blond, et moi tellement brune, j’étais contente qu’il s’intéresse à moi. Mais je ne voulais pas faire toutes ses autres cochonneries alors il est allé voir ailleurs. Je l’ai même vu faire, avec ma mère, par derrière.
- Quelle histoire… tu avais quel âge ?
- Je n’avais pas terminé de grandir. Je n’avais pas encore quinze ans.
- Tu as quel âge ?
- Je n’ai pas loin de onze, décennies. On ne compte plus à partir d’un siècle. Et toi ma douce sucrerie acidulée, tu en est où dans tes années passées ?
- Je ne suis pas encore une adulte ma Rielle. Je vais encore grandir un petit peu, pendant deux ou trois ans. Tu auras eu la chance de me connaître avant d’être accomplie. J’en suis encore à ma première vie. J’ai 22 ans.
- Mon Dieu Nola, on a 87 ans d’écart.
- Mince ! Tu seras toujours la plus grande alors… Embrasse Mamie Rielle.
Et je descends ensuite frotter mon visage sur ses attributs terriens, tellement exposés, tellement accessibles par rapport aux nôtres. Je suis à l’affût de ses plaintes et quand sa respiration s’arrête, je redouble de vigueur pour ensuite remonter sur sa magnifique poitrine où j’aime m’étouffer pendant qu’elle me touche au plus profond de mon intimité et où elle agite frénétiquement ses doigts jusqu’à me faire vriller de plaisir.
Le lendemain elle marque son premier point de toute sa carrière. Mais elle ne gagne pas. elle fait le show et Izzy est venue la voir. C’est bizarre, hier elle me regardait plus que Marielle alors qu’à côté d’elle je suis complètement ordinaire.
- Au contraire Nola. À côté de sa beauté, c’est tout ton naturel qui ressort. Sa lumière se reflète sur ta peau, dans tes yeux, on voit ton amour pour elle et son amour pour toi, elle n’est pas belle, vous êtes belle, ensemble. Vous me faites rêver, j’avais oublié tout ce bonheur que j’ai eu avec ma belle aussi. Quand je vous vois ensemble, elle me manque. Bri. Ça a été compliqué. Elle est partie avec Simone. Mais elle n’était pas juste une aventure. Et notre Amour est immortel grâce à Sabine. Les amours passent, les enfants restent. Vous en avez déjà parlé ?
- Oh oui, le BRISIM justement, je vais être sa mère porteuse, après sa conversion. Marielle est dans une spirale d’engagement sur son apparence, que j’ai réussi à stopper, et sur le reste que je vais essayer de maîtriser. Parce que je veux qu’elle reste un peu elle-même aussi. Je ne veux la perdre. J’ai vu qui elle était avant. Je n’aime pas Lisa. J’aime qui elle est aujourd’hui. Et j’espère que notre Amour survivra à sa conversion.
Elle me prend la main, elle est émue.
- Est-ce que je peux t’embrasser ? En toute amitié.
Alors je m’approche et je la laisse me faire un bisou sur la bouche, sur la joue et dans le cou où elle me murmure :
- Merci, et soit heureuse jolie petite Nola.
Je lui fais un sourire d’approbation et de reconnaissance. Et je suis touchée par cette marque d’affection pour m’avoir appelée Nola et non Énola. Elle m’a l’air seule dans son corps et dans son cœur.
- Izzy, si tu veux je peux t’envoyer une copine, pour te détendre.
- Tant qu’elle ne fréquente pas mon école, je veux bien.
Je vois exactement qui peut faire l’affaire. Une grande brune aux cheveux courts, un peu garçonne mais avec beaucoup de charme, un peu brutale mais plus près du plaisir que de la douleur, de quoi la vivifier, lui rendre les joues rouges, la faire crier, supplier, lui rappeler tous les premiers plaisirs primaires pour effacer tous les autres et lui faire prendre un nouveau chemin.
- Allô Hardy ? J’ai une date pour toi. De la haute. Du grand standing. Elle a faim. Elle a soif. Elle a besoin de toi.
Izzy et Hardy, quelle blague ! Ça va matcher, c’est clair.
D’un côté les agents reproducteurs. De l’autre côté, nous. On cherche toutes à être aimée aussi. Peu importe comment. Peu importe avec qui. Peu importe la façon ou le nombre. Mais c’est de ça qu’il s’agit.
Et je rejoins ma Rielle dans les vestiaires après son match où elle prend sa douche. J’y entre même toute habillée pour l’embrasser et elle m’accueille tendrement contre son corps qui ruisselle. Je bois de l’eau dans son cou. Du jus de Rielle. L’eau de jouvence de mon cœur débordant d’Amour pour elle. Elle coupe l’eau pour me parler :
- Sur le court je sentais encore le plaisir sourd de notre jouissance de la veille qui diffusait entre mes reins et qui remontait le long de ma colonne vertébrale pour exploser dans ma tête lorsque j’ai marqué mon premier point.
- À chaque veille de match je sais donc ce qu’il me reste à faire.
Et je mets mon doigt dans son intimité chaude et humide, ça la fait sursauter. Et puis ses yeux perdent le contrôle lorsque mon pouce se met au travail en extérieur. Elle remet la pluie en route, un peu plus chaude.
*
Le soir dans notre suite :
- Explique moi, ma Rielle.
- Quand tout allait bien sur Terre, toutes les forces invisibles étaient emprisonnées. Il n’y en a que quelques unes qui se manifestaient, par la religion et autres phénomènes paranormaux. La plupart des sociétés secrètes essayaient de canaliser tout ça par des pratiques occultes. Et puis, avant que ça commence à mal tourner, tout s’est libéré, comme si quelque chose s’était cassé. C’est pour ça que l’astrophysicien personnel de Greta a choisi son nom ici. Pour lui c’était un nouveau Big Bang, de destruction, pas de création. Et ici les forces de l’Invisible se manifestent aussi. Mais on y est pas toutes sensibles. L’Invisible est tout de même lié à deux autres forces que toi et moi nous relayons dans nos corps et nos esprits. Le Sexe, et l’Amour.
Elle m’embrasse et m’allonge sur le lit pour me montrer. Elle sort un engin d’une valise, comme un gros crochet transparent. Elle l’allume et des lignes de couleurs balayent la pièce, on sent leur caresse quand elles nous passent dessus. La chambre d’éteint. C’est un spectacle merveilleux. Je devine ses courbes. Je la vois lubrifier son engin. Elle le fait entrer doucement en elle, elle gémit de plaisir. Puis elle se colle à moi, c’est à mon tour. Il entre doucement, c’est chaud, ça vibre et ça chatouille. On ne voit bientôt plus rien. Tout est en nous. Je sens mon corps comme je ne l’ai jamais senti. Dans son ensemble et en détails. Je commence à sentir le sien aussi. Et des couleurs apparaissent, j’entends aussi une jolie musique, et des voix qui chantent et qui résonnent. Je sens ma Rielle respirer sur mon visage, elle pose ses mains sur mes joues, et dans une lumière blanche, son visage apparaît et elle me dit :
- C’est ça l’Invisible.
Je ferme les yeux, j’arrête de respirer et je jouis en silence.
Lorsque je reviens à moi, tout est à nouveau normal dans la chambre. Elle est assise sur le lit et elle me raconte une histoire :
- La première fois que je l’ai ressenti, c’était là-haut, dans l’espace. J’étais toute seule dans le module. Les autres dormaient. Le contrôle au sol m’a contacté pour savoir ce qu’il se passait. Toutes mes courbes vitales se sont affolées, ils pensaient qu’il y avait un problème. « Houston de Lisa, tout est OK ici, je suis OK, je vous envoie un code ». Et ils ont reçu une série de chiffres : 3-12-9-20-15-18-9-19. Pour leur donner une explication, discrète, seulement consignée dans le rapport médical.
Je me redresse pour aller près d’elle, je l’enlace et je lui demande :
- C’était quoi ?
- Un code pour leur expliquer que je me masturbais. Mais en fait, une force Invisible venait de me traverser. Avec plein d’informations. Passées, présentes et à venir. Et tu sais quoi ? Je viens de me rappeler. J’y ai vu quelqu’un à ce moment là. Je crois bien que c’était toi.
- C’est pour ça que tu as fait tout ce chemin ? Pour retrouver ta jolie extra-terrestre ?
- Pas que pour la retrouver.
Et elle s’allonge à nouveau sur moi pour me faire tortiller de plaisir, sans son engin. Mais son monolithe vibre. Elle s’arrête. Si il vibre c’est que c’est important.
- Ma Rielle ? Qu’est ce qui se passe ?
- C’est bizarre. Je n’étais plus sur ce réseau avec mon nouveau monolithe. C’est Adé. Ça parle de l’Invisible justement. De la B4. On est dans le tome II et en tout on vient d’atteindre les 24 heures de lecture. C’était le temps que durait un jour sur Terre. Ici ce n’est que 18 heures. C’est Dieu qui m’a rajoutée dans le groupe de diffusion. Mais je n’ai plus l’historique de Lisa. Je suis un nouveau membre. Marielle. Peut-être que tu en fais partie ?
- Non, je n’ai rien sur mon mono.
- Tu ne fais pas encore partie du groupe de diffusion mais quelque chose me dit que tu fais déjà partie de la B4.
- C’est vrai que j’ai rencontré Dieu. Et je l’ai défiée. Et je suis un personnage unique mais beaucoup vont s’identifier à moi, parce que je n’ai pas de destin.
Elle me prend mon mono, elle le met sur le sien, et les pose sur la table de chevet et elle revient faire la même chose avec nous, pour une nouvelle séance de plaisir, encore et encore. Mais j’y pense. Il faudra 24 heures de lecture pour arriver à mon personnage. Personne n’aura le courage. Ça tombe bien, je ne suis personne.
*
Je la regarde se pouponner dans la salle de bain. Je repense à tout ça. Je ne le sens pas :
- Marielle, pourquoi elles te reveulent dans leur groupe ?
- La conversion sans doute. Je passe en première.
- Tu es vraiment leur cobaye ?
- Non, je l’avais décidé avant.
- Tu l’a décidé quand exactement ?
- Après une discussion avec Aurélie.
Bon. Ça ne vient pas de Greta. C’est déjà ça. Je ne la sens pas Greta.
- Tu te rappelles des circonstances de cette discussion, avec Aurélie ?
Elle arrête de se coiffer. Elle inspire. Elle ferme les yeux, elle expire.
- J’avais besoin de la voir. Je n’allait pas bien du tout. J’ai pris des médicaments avant. Je crois que c’était un protocole. Une exfiltration peut-être ? Elle m’a touchée. Des hypnotiques peut-être. Oui… Une reprogrammation. J’étais volontaire. Je lui ai demandé. De me sauver. Une autre vie. Elle sait y faire Aurélie. Elle avait de nombreux agents en station. Justement, c’est Sandrine qui m’a raconté. Elle était à la station 25 je crois.
Elle ouvre les yeux. Je me mets derrière elle et je la regarde dans le miroir.
- Donc, tu l’a voulu tout ça. Et Aurélie nous a mis ensemble. Et je l’ai voulu tout ça. Mais, au nom de notre Amour, je veux te demander quelque chose. Garder tes distances. Gardons nos distances. Donnons nous deux mois, rien qu’à nous. On verra après la naissance de Mona-Lisa, quand Greta sera prête, pour la conversion, si tu le veux encore.
- Nola, j’ai étudié le problème. Il n’y a pas mieux placée que moi pour savoir que rester une terrienne ici n’a pas de sens. On passe à côté de nos existences. On doit passer le cap. Ici ce n’est pas la Terre. La Terre, c’est fini.
Elle me prend la main et continue :
- Et toi, Nola, tu es mon début.
Elle prend son monolithe et ouvre le groupe. Elle va dans les paramètres et demande à en sortir. Elle me tend son écran. Je touche la requête « validez ». Son monolithe affiche : « Marielle a quitté le groupe B4 ». Je l’embrasse sur la joue et on se regarde dans le miroir en souriant.
*
Aurélie vient de récupérer Pierrick. Je vais à la cuisine faire la vaisselle et je vois par la fenêtre Marielle qui rentre de l’Hôpital. Aurélie lui fait la bise et elles discutent. Je prends mon mono, je le dirige vers elles et je mets un écouteur dans mon oreille. J’entends Aurélie :
- Tu as vu Adé ?
- Oui, elle est venue me voir à l’Hôpital. Je ne savais pas que mes collègue la connaissait. Elle fait des gardes de nuit. Docteur Phoebe Montaigne, tu te rends compte ?
- Ah bon ? Elle doit sans doute traquer des vampires alors.
- Ha ! Bref, elle m’a demandé pour le groupe, je lui ai expliqué. Elle va sûrement te demander des comptes. Ou pas. Mais elle a compris que Nola, en me demandant de quitter le groupe, lui passait un message. Nola n’est personne, sans destin. Nola a le profil. Elle est du réseau C. Tu le savais n’est ce pas ? Tu la connais bien. Tu me l’a confiée. Tu lui confie ton fils.
- Effectivement, je vais avoir des ennuis avec Adé. Mais je ne pouvais rien lui dire. C’est le règles du réseau C. Elle est forte Adé. Au moins les choses sont claires maintenant.
- Est-ce que je peux le dire à Nola, que je sais.
- Il paraît que non.
Elle lui fait des signes étranges avec ses mains. C’est du langage sourd muet : « Tu ne peux pas en parler mais tu peux lui signer. » J’enlève mon écouteur et je range mon mono. Elles se refont la bise et Nola rentre. Je continue de faire la vaisselle. Elle me tape sur l’épaule et elle me signe : « Adé a compris. Toi, réseau C. Moi, je t’aime, personne sans destin. » Je me jette dans ses bras et je la serre très fort en lui murmurant :
- Moi aussi je t’aime.
Elle est merveilleuse ma Rielle. Elle comprend. Elle en a vu d’autres. Je ne peux pas lui dire mais je la ferai toujours passer avant le réseau. Je peux juste lui faire sentir qu’elle est plus que tout pour moi. Et je sens que c’est réciproque.
*
Je suis à nouveau convoquée par Greta. On s’installe dans son petit salon. Elle vapour prendre la parole mais s’arrête la bouche ouverte. Elle me fait signe de vite venir s’assoir près d’elle. Je m’exécute. Elle prend alors ma main, soulève son pull et la pose sur son ventre. Et je sens un coup. Je sursaute. Je la regarde. Elle me sourit avec bienveillance.
- Elle t’aime bien on dirait ?
- Ne serais-je pas plutôt une menace ?
Greta fait non de la tête. C’est normal. Elle est Dieu, elle n’est qu’amour. Je garde la main sur son ventre. Je sens quelque chose. Cette fois-ci ce n’est plus un coup. C’est comme une caresse. J’enlève ma main, elle se pose sur sa cuisse. Elle me fait un bisou sur la bouche. Ça me met mal à l’aise. Je me lève et je vais me rasseoir à ma place sinon on ne pourra pas discuter.
- Tu es forte Énola. Cette fois-ci je ne te demande pas qui tu es. Je te le dis. C’est toi qui a approché Aurélie. Ton réseau a mis en colère les Chevaliers de l’Apocalypse. On dirait même qu’ils sont venus du futur pour commencer leur travail sur les jeunes et pas sur les anciens, en ciblant un frère ou une sœur de quelqu’un du réseau. Ton réseau nous approche parce qu’il a besoin de notre aide. Les C.A. ont un avantage sur vous, avantage que nous avons aussi.
- L’Invisible.
- Pourtant il suffit de croire en moi, mais vous ne pouvez pas. Moi, je ne suis que le Dieu des terriennes, pas le vôtre. Le vôtre n’a pas trouvé l’Invisible, il s’est arrêté à la science, il est même allé au-delà, assez pour peut-être revenir un jour. Telle est votre mission. L’attendre. Préparer son retour. C’est très biblique tout ça, on a connu ça aussi, dans la B1. Les C.A. vous ont envoyé un message, très B2, 12 victimes, la Cène. Mais avec la disparition de leur gourou, quelque chose leur a échappé. Un coup sur l’échiquier qu’ils n’ont pas vu venir. Toi. Et ils sont à ta recherche.
Elle me regarde. Elle me sonde. Elle continue :
- Tu n’as pas peur. Mais j’aimerais que Adé te protège. Ses sœurettes sont prêtes. Tu vois, Énola, tu n’es pas personne. Tu as un destin. C’est pas terrible comme devise. En tout cas, vous croyez au retour de Vivien et des vôtres. Pourquoi tu n’as pas peur Énola ?
- Parce qu’ils ont déjà perdu. Le gourou éliminé. Les exodes vers les îles annulées. Mais pas que ça. Ils ne peuvent pas gagner. Même avec l’Invisible.
- Pourquoi ?
- Tu es la mieux placée pour avoir la réponse Greta.
- L’Amour.
- Ils n’en n’ont pas. Ils sont donc voués à disparaître.
- En attendant Énola, on te considère comme la leader du réseau.
- Ce n’est pas comme ça qu’on fonctionne. Il n’y a pas de chef. C’est notre force. Je ne suis personne. Je n’ai pas de destin. Ça me protège aussi. Une protection d’Adé va m’affaiblir, ça va attirer l’attention sur moi.
- D’accord, pas de sœurettes. Mais Adé a quand même des consignes à te donner je pense. Elle viendra te voir.
Elle se lève. Je m’approche d’elle pour lui faire la bise.
- Au revoir Greta. Et merci.
- Merci ? Pourquoi ?
- Pour ma main sur ton ventre. Ce n’était pas innocent n’est ce pas ? Tu plantes une graine dans mon esprit. Un message. Une consigne. Et je croirai que ça vient de moi. Tu n’es qu’Amour, Greta.
- Et l’Amour c’est ta force.
Elle m’embrasse sur la bouche et me caresse la joue. Je la sens bien maintenant.
*
Au Club House je vois débarquer Adé, en tenue, de tennis.
- Tu sais jouer ?
- On était tellement bonnes qu’on faisait le Vatican contre le reste du monde dans les tournois à Rome, sur Terre.
- Alors ? Raconte.
- Ils ne sont pas une menace. Ils ont l’éternité. Ils sont même contents d’avoir du répondant en face au cas où ils iraient trop loin.
- Il y a eu 12 morts.
- 13. Il seront plus vigilants à l’avenir avec leurs intégristes. Leur… philosophie, attire trop de monde, pas forcément les bonnes personnes. Bref, tout est remis en cause, même les anges noires, ce n’est plus d’actualité.
- Les anges noires ?
- Clémence pourra t’expliquer. Et Aurélie leur a envoyé ses projections, juste après les programmes trouvés dans les antennes par Bang. Du côté des antennes, la population sera régulée, du côté d’Aurélie, elle peut contrer cette régulation car les ressources de notre planète C sont inépuisables si elles sont bien gérées. Ils ont fini par comprendre. Ils se mettent en sommeil. Au cas où un jour on a besoin de méchants.
- Pourquoi tu me racontes tout ça, je ne suis pas habilité, c’est des conneries de Conseil de Sécurité de l’Ouest et de l’Est.
- Tu es habilitée Énola. Par Greta. Mais il n’y a pas besoin d’habilitation parce que ce n’est qu’une conversation, c’est pas comme si je te donnais des documents diffusables. À moins que tu m’enregistres. Si c’est le cas, tant mieux, transmets tout au réseau C, même si les infos leur sont déjà parvenues, par Sarra ou indirectement par Aurélie, elle a beaucoup de contacts.
- Adé, tu m’as mise sous surveillance ?
- Protection. Il y a toujours une sœurette d’astreinte au cas où tu as besoin un jour de l’Invisible. Pour le A, tu as Greta et pour le S, Marielle. Bienvenue dans la famille. Alors ? On échange quelques balles ?
Elle est plutôt élégante sur le court. Et précise. Pendant les pauses entre les points, on discute des prochains événements, de la conversion, de tout et de rien.
- Alors ça change quoi de faire partie de la famille ? Ça m’engage à quoi ?
- On couche toutes ensemble.
J’éclate de rire. Elle est déçue. Elle pensait que j’allais y croire.
- En fait, tu me drague, Adé. Je vais en parler à Hilde si tu continues.
- Elle en a vu d’autres. Allez, Nola, juste un petit bisou, ça n’engage à rien.
- Tu veux voir ma bague ? Et la tienne. Et c’est Énola. Nola c’est pour les intimes.
Elle plaisante. Ou pas. Peu importe. On s’amuse bien sur le court. Ensuite on se pose au Club House pour se rafraîchir. Elle a le regard lointain. Elle n’est plus en mission.
- Quand je pense à ta Marielle… J’ai essayé moi aussi. De changer de vie. Je n’y suis pas arrivé. Quand j’ai démissionné, j’ai eu une promotion. Au début, j’en faisais le moins possible. Et puis les réflexes, l’habitude… Mais je ne regrette pas. Mes sœurettes sont géniales. Et puis j’ai Hilde. Quoi qu’il arrive Énola, n’oublie pas que tu peux compter sur moi, sur nous. Tu comprends ?
Je me lève et je passe de l’autre côte de la table pour me mettre à côté d’elle.
- Je comprends.
Et je l’embrasse sur la bouche avant de préciser :
- Et c’est Nola, pour les intimes.
Elle me prend le bras et rétorque :
- Moi c’est Mère, ou ma Mère plutôt.
- Je ne suis pas catholique. Et je n’ai pas la Foi. Et je ne crois pas en Dieu.
- Pourtant Greta existe.
- Très bien alors je veux bien croire en… la famille ?
- Très bon choix. Une vraie famille. Choisie.
- Où on s’embrasse tous sur la bouche.
- Oui. Mais il ne faut pas y voir le mal. C’est une grande preuve d’affection, d’appartenance, de loyauté, pour ne pas dire d’amour. C’est ce qu’on se disait toutes entre nous, chez les bonnes sœurs sur Terre. Je t’aime. Je l’aime. On s’aime. Sans bisou sur la bouche, ce n’était p as bien vu à l’époque, en tous cas pas en public. Tu sais, j’ai vécu plein d’époques bien différentes de l’humanité jusqu’ici et il y a une chose qui prédomine ici et maintenant. C’est l’Amour.
Elle prend une sucrière et la met à un endroit précis sur la table :
- Avec Greta, au centre. Pour l’Invisible, j’avais ma dose avec la religion mais il y a autre chose qui me traverse, que je perçois maintenant. Et bien-sûr pour lier les deux, une grosse dose de sexe.
Je regarde la sucrière de près. Elle commente :
- Greta, ça fait longtemps qu’elle maîtrise les trois, entre autres je pense, avec son obsession pour les lignées. Elle fait de la politique avec ses gènes, pour être polie. Tu vois, tu n’es pas la seule à t’en méfier. Heureuses les simples d’esprit qui ne croient pas en Greta. Et j’ai connu d’autres Dieux avant elle. Mais on est dans un monde où l’après Greta n’est pas envisageable. Elle sera toujours là. Comme ton Dieu Nola. Qui sera toujours là. Sans qui rien ne serait.
- Mon Dieu ?
Elle me regarde l’oreille gauche.
- Tu n’as pas de forme géométrique noire en boucle d’oreille. Tu n’affiches pas tes codes. Pourquoi ?
- Sarra est dans la partie opérationnelle.
- Et toi ?
- À toi de me le dire. Moi je ne peux pas. Tu sais ce que c’est, les services. Je ne suis personne, je n’ai pas de destin. Seul compte le réseau, le groupe, la famille ? Mon Dieu, ma Foi a été ébranlée. Il y a eu un combat et les deux parties ont perdu. La victoire, la vraie, c’est de ne pas combattre, de ne pas croire. Personne.
- C’est bien d’avoir compris ça jeune, dans sa première vie.
Mon mono vibre, c’est une alarme.
- Je dois rentrer. Je garde Pierrick ce soir. Il faut que je me dépêche si je veux prendre une douche avant.
- Tu la prend chez toi ?
- Oui.
- Tu veux pas plutôt la prendre ici, pour me montrer.
- Tu comptes revenir ?
- Pourquoi pas ?
- Oui mais alors vite fait. Tu ne vas pas me sauter dessus hein ?
- Vite fait.
Je pouffe. Sous la douche je l’embête, je lui fais un shampoing, elle ne voit plus rien. Quand elle se rattrape à moi je crie. Ça la fait rire. Je l’aide à se rincer. Elle est belle quand elle rit. Je l’embrasse sur la bouche pour la taquiner. Et puis je ne sais pas pourquoi, je la plaque contre le mur et je l’embrasse à nouveau, sous la pluie chaude. Elle ne rit plus. Je commence à la caresser entre ses cuisses, je l’embrasse langoureusement et mon doigt rentre en elle. Elle ne réagit pas. J’arrête, je la regarde. Elle a l’air triste. Mélancolique.
- Excuse-moi Adé. Ça va ?
Elle essaie de me répondre mais aucun son ne sort. Elle fait juste oui de la tête en forçant un sourire. J’arrête l’eau et je l’essuie. Elle m’essuie. On s’aide à se rhabiller et on se coiffe, en silence. On sort du Tennis Club. On doit partie chacune de notre côté.
- Au revoir Adé.
- Au revoir Nola.
Je lui tend la main. Elle l’attrape, elle la tire et on se fait un bisou, presque sur la bouche. On sourit. Ça a l’air d’aller. Je lâche sa main et je lui fais un petit coucou. On part chacune de notre côté.
Juste avant de m’endormir je reçois un message : « Désolée Nola, c’est juste que souvent je me bloque quand je me sens pleine ou vide, à bout, au bout. Tu sais, ce qui m’a le plus touchée au fond, c’est ton petit coucou avant de partir. Bonne nuit. A.D. »
- Nola ? Tu m’a trompée aujourd’hui ?
- Non, j’ai juste joué à touche pipi avec Adé sous la douche.
Elle éclate de rire.
- Méchante fifille, je vais te punir.
Elle me retourne et me donne une fessée. Je crie, je pleure. Elle me console, elle m’embrasse, partout. Ça fait partie de nos petits jeux. Tous les soirs un nouveau scénario. Et ça permet aussi de se dire des choses qu’on ne se dirait pas sinon.
*
On se réveille en se mélangeant dans notre extase. On aime prendre le petit déjeuner presque nues, souillées de nos fluides. Ensuite on passe notre temps à la salle de bain. Pour être sûres d’être tranquilles, on a met nos monolithes dans le micro ondes et on éteint la sonnette de l’entrée. Je ne vais pas au TC, elle ne va pas à l’HC, elle met de la musique et commence à me coiffer et à me faire des nattes.
- Je ne sais pas si Greta va apprécier. Elle va croire que je me moque d’elle.
- Ça te va si bien. Beaucoup mieux qu’à elle. Tu es ma petite poupée. Je vais te maquiller après.
J’aime sentir ses mains délicates sur moi. Et mon visage est sa page blanche vite effacée par sa création. Les meilleurs trucages sont ceux qui ne se voient pas. C’est réussi. Elle a mis mes beaux yeux noisette en valeur, comme si ils avaient été redessinés. Avec autour un rose pâle assorti à la couleur de les lèvres. Un peu trop brillantes à mon goût. On a tout de suite envie d’y goûter. Mais au final, je reste ordinaire.
- Même comme ça je ne suis pas si belle, ma Rielle.
- En fait il faut regarder au-delà. C’est ton regard, tes expressions qui sont irrésistibles, ta vraie beauté elle est là, derrière toute cette simplicité, cette discrétion. Alors que moi je suis un vrai sapin de Noël, je clignote partout comme une soucoupe volante et j’avoue que j’adore ça.
Elle me fait rire avec ses expression étranges.
- C’est comme ça que tu me plait ma Rielle. Moi je suis simple, tes artifices me conviennent parfaitement, pas la peine de regarder dans ton esprit ou plus loin là où il fait sombre et froid dans ton âme de terrienne survivante.
Elle miaule de plaisir, elle adore que je lui dise des choses méchantes, ses quatre vérités sur l’ancienne elle que je ne veux pas connaître. Elle m’embrasse tendrement :
- Je te veux toujours ma Nola. Et pour toujours je serai ta Rielle. Je vais faire comme Adé, je vais aller au Village pour enterrer Lisa, tu veux bien venir avec moi ?
Elle avait déjà tout préparé, même nos robes. Elle me met un collier avec un pendentif, une croix chrétienne mais avec un design celtique et la couleur nacrée de mes yeux. C’est magnifique. Ça me va si bien.
- Tu penses que j’ai vraiment le droit de porter ça ?
- Oui Nola, c’est la croix officielle de la B4 et tu en fais partie.
*
Mère Adélaïde me donne des sacrements avant de rentrer dans la Chapelle. Elle embrasse ma croix. Dès que je pose le pied à l’intérieur je suis accueillie par la vibration de l’orgue et l’odeur de l’encens. Il se passe quelque chose. À cet instant précis. Je sais. Je sens. L’Invisible. Mais qu’est ce c’est glauque le Village. On se croirait dans un monde parallèle. Peut-être que c’est le cas. C’est là qu’on vient chercher l’occulte et qu’on le ramène avec soi. D’ailleurs je n’ai pas beaucoup de souvenirs de ce qui s’est passé dans cette Chapelle. Il doit y avoir du philtre hypnotique dans la fumée enivrante qui plane comme un brouillard refroidi par les fantômes.
On est rassemblés dehors dans le champ derrière la Chapelle. Un coup de vent dévoile la plaque à même le sol. Je lis l’inscription : « Docteure Lisa Marie, 05 Novembre 1991 – 09 Novembre 2115. » Je lui prends la main. Elle jette sur la plaque un bouquet de fleurs bleues, blanches et rouges. Et on rentre.
- Marielle ? Je veux être enterrée avec toi.
- C’est la chose la plus romantique qu’on m’ait jamais dite.
*
- C’était bizarre, le Village.
- Oui. Il l’est toujours. À tel point que même Adé n’y retourne plus depuis qu’elle a sa congrégation à Sylvania. À la Chapelle, de l’Invisible, elle s’en est pris par tous les trous.
Et je pars dans un fou rire communicatif. Qu’est ce qu’on rigole. On en a du mal à respirer. On pensait se calmer mais je sors :
- C’est la phrase que je cherchais pour l’inscrire sur ma tombe à côté de la tienne.
- Ah bon ? Quelle épitaphe ?
- Je m’en suis prise par tous les trous.
Cette fois-ci on en pleure… la crise.
*
Elle m’invite à prendre le thé. J’essaie de lui expliquer :
- Je ne prétends pas tout savoir Greta. En fait, je ne veux pas tout savoir. Tout savoir, c’est le problème des Dieux. Moi, je ne suis personne et je ne veux devenir personne.
- On n’est pas sur la même longueur d’ondes.
- Tes expressions, tu peux te les garder. Le français est déjà assez compliqué comme ça.
- Tu es tellement agressive. Mais tu t’y fais. Je vois ta croix autour de ton cou.
- Cette croix Greta, c’est mon histoire, c’est pas la tienne. Et du peu que j’ai vu, tu n’es pas au centre, de la B4.
J’ai un sifflement dans les oreilles. C’est peut-être sa colère.
- J’aime bien discuter avec toi. Tu es bien la seule à me parler franchement et, ou à ne pas être aveuglée par mon Amour. Mais tu sais je n’ai pas toujours été au centre. Adé me dit que dans la B4 je n’apparais qu’à la page 235, du tome 1.
- Ah oui ? Et moi ?
- 259, du tome 2. On a un peu plus d’un tome d’écart.
- Tu veux dire que tu n’as qu’un demi millier de page d’avance sur moi ?
- Mais j’ai encore à apprendre, en particulier de toi.
Et ma mission apparemment, c’est de la remettre à sa place de temps en temps, qu’elle puisse relativiser sur sa condition.
- Greta, toi qui a un destin, comment te vois-tu à l’avenir ?
- Ça y est j’ai compris pourquoi tu parles toute le temps du destin que tu n’as pas. Je viens de réaliser que le destin, c’est un truc de mortel. Donc, en tant qu’immortel, on peut y échapper. Tu sais, il y avait un peu d’immortalité sur Terre. J’ai essayé d’en ramener un peu. Je me suis faite aider, par Aline et Aurélie avec Noëlle et Gabrielle. Elles ont sauvé la Couronne. La Reine Frances a compris ça avant moi. Son immortalité sur Terre où elle aurait été Reine jusqu’à sa mort, son immortalité ici où elle renonce au trône pour le confier à qui de droit. Moi aussi je peux passer le relais, ne pas être Dieu pour l’éternité. Mais j’y pense, tu as déjà la croix autour du cou, pourquoi pas le reste ?
Je m’étouffe avec le biscuit du thé. Je tousse, ça projette des miettes sur la jolie robe verte de Greta. Je m’approche d’elle pour l’épousseter. Je lève la tête et je lui réponds :
- Parce que je n’ai pas de destin.
- Et que tu n’es personne, je sais.
Elle me met sa main droite sur la tête.
- Qu’est ce que tu fais, Greta ?
- Il faut que ça soit une pure locale comme toi. Vous avez mérité votre Dieu.
- Il arrive un peu tard dans l’histoire de notre civilisation.
- Il n’est jamais trop tard Énola. Tu verras.
- En attendant, tant qu’on t’a sur le dos, je suis tranquille. On verra au prochain tome. Je peux récupérer ma tête, et mon âme ?
Elle rit. Elle descend sa main sur ma joue et approche son visage du mien. Elle me regarde, elle a l’air heureuse, sereine, gentille, pleine d’amour. Elle ferme un peu ses beaux yeux bleus et s’approche encore pour m’embrasser. Le baiser de Dieu. C’est tellement doux. Je me redresse. Je pose mes mains sur ses genoux. J’écarte un peu ses jambes. Je glisse mes mains sous sa robe, loin jusqu’à ses hanches. On se lève, je la colle à moi. Je sens son petit ventre contre le mien. Je sens ses seins gonflés qui pointent. Elle a les yeux mis clos, elle s’accroche à moi, elle est comme sous mon emprise. Je mets ma joue gauche contre la sienne. Elle est un peu fraîche. Ou c’est moi qui suit chaude. Elle a une odeur divine. Je lèche le lobe de son oreille, je le gobe, je joue avec ma langue, elle gémit. J’avance mes mains encore en elle, je lui attrape les fesses, elle n’a pas mis de culotte. Ma joue glisse sur la sienne et nos bouches se mélangent dans un profond baiser où la douceur primaire devient première et envahit tout mon être. Je me sens tomber à ses pieds, presque évanouie et j’explose de plaisir avant de reprendre conscience. Je suis sous le choc. Ma natte se défait. Je vois son élastique dans la main de Greta, debout devant moi :
- Mieux vaut en faire deux petites, une de chaque côté, qu’une grosse qu’on ne voit pas derrière toi. Je vais te montrer.
Elle elle m’installe sur un petit banc et passe derrière moi pour s’occuper de mes cheveux qu’elle soulève pour embrasser ma nuque. Un courant de désir descend jusqu’entre mes fesses et remonte devant pour s’arrêter entre mes seins et entrer dans mon cœur comme une flèche de bonheur.
- Nola, ta nuque doit toujours être accessible.
- Il y avait quoi dans le thé ?
- Juste quelques gouttes de sécrétions de désirs intimes.
Elle termine mes nattes. Je reprends mes esprits. Je regarde dans le miroir. C’est pas mal. Elle m’entraîne vers sa chambre. À mi-chemin elle me lâche la main et je m’arrête, elle continue seule, ouvre sa porte et à l’intérieur, dans la pénombre, elle laisse tomber sa robe et tourne son visage pour me regarder et ouvrir la bouche :
- Nola.
Je la rejoins et je ferme la porte derrière moi. Je laisse tomber mes vêtement sur les siens et elle s’installe sur le lit, sur le dos, les jambes écartées, les bras en croix, elle regarde le miroir au plafond pendant que je m’approche pour répondre à l’invitation d’aller goûter son élixir directement à la source de la vie.
*
Je rentre à la maison dans un état second. Marielle n’est pas encore rentrée. Je commence à préparer le dîner. Je suis perdue dans mes pensées lorsque je sens mes nattes bouger. C’est Marielle :
- Magnifique ! Mais attends… qui te les a faites ?
- C’est Greta, elle m’a invité à prendre le thé.
- Le thé…
Elle me sent dans le cou :
- Nola ?
- Je lui ai juste lavé l’entre-jambe, avec ma bouche.
- Méchante fifille, je vais te punir.
- Embrasse-moi la nuque.
Je sens son baiser, ensuite elle lèche puis elle mordille et une jouissance intense me traverse, je crie de plaisir et je sens un liquide chaud couler le long de mes jambes avant de tomber, rattrapée par ma Rielle paniquée qui me porte jusqu’à la douche en me caressant le visage et en me rassurant. La pluie froide me réveille et je la serre dans mes bras :
- Je t’aime mon amour, j’ai peur, me laisse pas.
- Je suis là ma Nola. Qu’est ce qui s’est passé avec Greta ?
- Elle veut faire comme Frances, renoncer à son trône, ne plus être Dieu. Et elle a vu ma croix.
- Mon Dieu !
- Pas avant le prochain tome de la B4.
Ma Rielle me lave, me sèche et me met à table avec une serviette autour du cou. La soupe est chaude. Elle souffle sur la cuiller avant de la mettre dans ma bouche. Je fais exprès de baver pour qu’elle vienne m’essuyer avec un baiser et un je t’aime.
*
J’y arriverai jamais. Je ne serai jamais à la hauteur. Et je veux rester moi. Mais pas de panique, j’ai un tome pour y échapper. Et au pire je dirai que c’est fini, qu’il n’y a plus de Dieu. Ils me croiront ? Je tourne en rond dans la cuisine, pieds nus, nue sous ma nuisette, le mug à la main en buvant à petite gorgée de l’alcaloïde pur. Ça remet les idées en place. Ma Rielle m’observe en silence, sagement assise à table. Quelque chose a changé au sol.
- C’est quoi cette tache foncée au niveau de l’évier ?
- C’est toi hier. Tu ne te souviens pas ?
Je commence à trembler :
- C’était du sang ?
Elle se lève pour me prendre dans ses bras :
- Ne t’inquiète pas, j’ai fait tous les examens, tout va bien. Ça doit venir de Greta. Un truc de terrienne. Mais ça faisait longtemps que je n’avais pas vu ça. Dans ton ventre tu as un organe spécifique où ton bébé grandit. Chez les terriennes on a le même sauf qu’il est renouvelé tous les mois. Ça c’était sur Terre, ici ça ne le fait plus.
- Renouvelé ?
- Il est évacué par les voies naturelles et un nouveau repousse, tout neuf.
Je mets ma main sur mon ventre.
- Tu crois que je suis enceinte ?
- Non, j’ai vérifié.
- Qu’est ce qui s’est passé ? Pourquoi moi ?
- C’est rien. C’est juste, sans doute, un miracle de Dieu.
Je regarde la tache. Je pose mon mug sur la table. J’inspire et j’expire. Et je me blottis dans les bras de ma Rielle en posant ma tête sur sa généreuse poitrine. J’entends son cœur battre. Elle est inquiète.
Ma Rielle m’examine :
- Nola, si je signale ça à Greta, Adé va faire des recherches dans les bibles et dans les textes originaux de toutes les religions et ils vont forcément trouver une explication qui va nous induire en erreur, surtout si tu es notre futur Dieu. J’ai fait une requète et une alerte de surveillance à l’HC et à l’Ouest. Rien pour l’instant. Et dans leurs archives non plus.
- Comment je vais ?
- Pas bien. On va à l’Hôpital, je n’ai pas tout ici.
*
Elle explique tout au professeur qui prend le relais. Il décide d’intervenir sur mon sang. Il en rajoute, j’en manque. Mais ça n’est pas concluant. Il ajuste donc son protocole pour la suite. Un stimulant pour ma production de sang. Cette fois-ci ça marche. Je reste en observation quelques heures avant de sortir.
- Ma Rielle, tu es restée en civil.
- Oui je ne suis pas là en tant que médecin. Je suis là en tant que compagne d’une patiente. Je leur fais confiance, ils ne déplorent aucun décès depuis toujours ici. Alors que moi, j’en ai tué pas mal des patients, sur Terre, et j’en ai vu mourir beaucoup d’autres. Quand j’y pense, la mort ne nous renseignait pas vraiment sur la vie, elle avait même du mal à changer nos comportements. C’est bien qu’il n’y en ait plus. Le professeur est vraiment bien. Il ne juge pas. Il est efficace. On peut lui faire confiance. Et je crois qu’il est prêt à faire tout ce que je lui demande. Je crois qu’il m’envisage. Je dois le faire fantasmer, je suis encore une terrienne.
- Ma Rielle, justement. Amuse-toi. Pas de regrets. Je t’ai pour l’éternité. Tu peux aller le … remercier. Je ne suis pas là pour te brider. Tu es en plein changement, il faut t’épanouir.Tu vois je commence à parler comme Dieu. Si ça se trouve je me transforme aussi.
*
Je sors de l’HC. Je me repose à la maison. Ma Rielle est partie le remercier et mes copines du Tennis Club viennent me voir, elle sont gentilles, elles me font plein de bisous et de cadeaux sans savoir vraiment pour quelle occasion. J’ai juste eu mes règles ! Un truc dont les antennes nous avait débarrassées. Encore une piste de réflexion médicale.
Le soir elle rentre.
- Alors ?
- Il est timide. Mais ça a été. Il n’en avait jamais vu de près. J’ai dû tout lui expliquer. Comme il a tout compris, il a eu le droit à la position finale. En fait, je crois qu’il veut me revoir, après la conversion, pour comparer. Il verra peut-être des différences que je ne vois pas.
- Il faut aller lui remontrer alors, qu’il intègre bien.
- Je ne sais pas. Une relation au travail, ça ne facilite pas les choses. J’ai déjà connu ça. Mais cette fois-ci c’est moi la subalterne. C’est excitant. De jouer à la pute.
- Ma grande pute, embrasse-moi, je t’aime, tu m’excites aussi.
- D’accord, je te prescris une double dose de plaisir et d’amour.
On y va doucement. Je suis encore en convalescence.
- Quand je serai complètement remise, ramène le ici il pourra comparer en direct et en simultané. J’ai besoin d’un médecin personnel, et puis c’est le professeur qui a sauvé Dieu.
- Je ne sais pas si il va survivre à deux putes comme nous.
- Je ressusciterai son âme et toi son corps.
- Arrête ou je l’appelle tout de suite, concentre toi sur moi mon Amour.
*
- Tu as l’air contente, ma Rielle.
- Oui, je suis fière de moi. On a réussi à résoudre ton problème sans faire appel à l’Invisible, aux exorcismes et autre pratiques occultes. Juste en local. Sans rendre compte. Ni à Greta, ni à Adé, ni à la Couronne, ni au Conseil de Sécurité de l’Ouest.
- Oups. On va se faire disputer. On est des vilaines. Ou alors la donne a changé. Est-ce que je peux mettre le crédit sur le réseau C, tu crois ?
- Bonne idée. Dieu est personne et il n’a pas de destin dans le réseau C.
On pouffe de rire.
- Et pour une fois ça ne sera pas récupéré par la B4 ou je ne sais quoi.
- Jusqu’au prochain miracle.
*
Donc, je n’ai pas d’explication scientifique ou occulte pour ce qui m’est arrivé. Mais ce n’est plus le problème. Je vois des choses que je ne devrais pas voir. Il en est de même pour tous les autres sens. Et des fois ma conscience glisse sur l’avenir. Je vois déjà les prochains épisodes. La conversion et… j’ai oublié. Qu’est ce que ça pourrait être ? Quels sont les projets ? Mais peu importe, il ne faut pas voir les choses de façon linéaires avec le passé et le futur. En fait, tout est question de présent. Merde… je pense comme Greta ou autre illuminée connectée avec l’Invisible. Voilà, je suis passée en trois dimensions, le A, le S et maintenant le I. Je ferme les yeux, je vois ma Rielle. Je me touche le ventre, j’ai envie d’elle. Et d’un coup je la visualise. Elle est en pause avec le professeur Orel. Je l’entends lui parler :
- Marc, tu te rends compte ? Ton nom est celui d’un grand terrien qui a vécu entre les deux bibles, la B1 et la B2, dans cet espace de temps où notre Dieu n’existait pas. Je vais t’envoyer son wiki, tu verras. Tes parents auraient dû t’expliquer en te prénommant Marc.
Mais je ne fais pas que l’entendre, je ressens aussi ses sentiments, je suis dans son corps et dans son esprit, dans son âme et dans son cœur. Elle est heureuse et elle m’aime. Avec le professeur il n’est plus question de sexe. Ils ont fait le tour de la question. Comme cette étape est passée, elle voudrait bien en faire un ami. Notre ami.
Je reviens à moi. Je suis seule à la maison. Aurélie ne me donne plus son Pierrick à garder. Pour plein de bonnes raisons. Je n’ai pas repris le tennis. Je suis un peu fatiguée. Je vais me coucher. Et me caresser. En repensant à mes extases, aussi loin que je m’en souvienne, c’est comme si il était là, sur moi, je sens son odeur, ses gestes timides dans nos premiers ébats maladroit avant d’ouvrir la porte du plaisir pour jouir et dormir.
*
- Ma Rielle ?
- Oui ?
- Il n’y a pas que mon corps qui a été changé. Mon esprit aussi. J’ai des pouvoirs. De médium. Et je sais revivre des événements. Des trucs comme ça. Qu’est ce que tu en penses ?
- C’est rien ma petite déesse. C’est juste l’Invisible. Si tu arrives à enflammer des choses, à geler de l’eau ou à déplacer des objets, c’est normal aussi.
- Tout ça c’est à cause de Greta. Elle m’a transmis ses pouvoirs et d’autres en plus.
- Comment elle a fait déjà ?
- Je lui ai bouffé la chatte.
- Comment tu connais cette expression ?
- Je ne sais pas.
- Il faudrait peut-être aller voir Adé maintenant. Ou Clémence. Ou Sabine. Ou Noëlle. Ou Gabrielle. Elles sont toutes passées par là. Elles s’en arrangent. Elles maîtrisent. Elles canalisent. Pour l’instant, c’est nouveau, mais ça va se calmer, tu vas t’y faire.
- D’accord. Mais maintenant j’ai envie.
- De quoi ?
- De te bouffer la chatte.
Et on rigole. Et je me glisse sous les draps pour aller assouvir mon envie.
*
J’ai pris les conseils des unes et des autres et je retourne à la source, à la Caserne. Greta m’ouvre avant que je sonne. En me voyant elle est un peu surprise :
- Ah quand même, ça t’a marquée. Mon pauvre petit bout, entre.
Pas de thé ni de biscuits cette fois-ci. Elle m’installe dans un fauteuil et commence à me masser la tête. Je sens son gros ventre sur ma nuque. Ça marche, je me sens mieux, plus légère. Elle baisse la lumière et commence à fredonner. Je sens ses mains sur mes bras, sur mes mains, sur mes pieds. Elle me met sur le dos et pose ses coudes sous mes omoplates. Elle soulève ma chemise pour embrasser mes reins, elle me caresse les fesses, elle s’étend sur moi, tire sur mes nattes de chaque côté et embrasse ma nuque. Des frissons me parcourent le corps. Je ne suis plus en état de rentrer. Elle attends que je reprenne mes esprits et elle me fait monter dans une ambulance, elle me ramène à la maison. Je vais pour ouvrir la portière mais je me tourne vers elle :
- On n’a même pas parlé.
- Pas la peine. Ça va aller mieux. Repasse demain.
Je lui prends le bras, je glisse sur l’avant bras, sa main que j’empoigne et je la tire doucement à moi pour l’embrasser.
- Merci Greta. À demain.
Et je descends. Je rentre à la maison.
*
Toute la puissance et tout le pouvoir de l’Invisible n’attendent qu’un mot de moi pour le réaliser. Alors je lui crie : « Je ne suis personne et je n’ai pas de destin. » Et tout d’un coup, c’est le silence et le calme, comme avant. Je suis guérie. Curieux jeu où pour gagner il ne faut pas jouer. À la grande Question, j’avais la bonne réponse depuis le début. Ce massage de Greta m’a fait le plus grand bien. Je vais au Tennis Club pour m’entraîner. Je fais un pause au moment où ma Rielle arrive.
- Salut jolie blonde, tu veux une leçon ?
Elle sourit, elle me fait oui de la tête et elle part se changer pendant que je reprends des forces avec un jus de fruit préparé par Aurélie. Ça pique, c’est amer. Pamplemousse. Je rajoute du sucre, beaucoup.
- Nola, tu ne joues pas mieux qu’avant.
- Ben non, qu’est ce que tu croyais ?
- Et toi, tu ne crois plus ?
- Ma Rielle. Si Dieu existe, c’est son problème. Et j’ai l’impression que l’Invisible, c’est un problème. Peut-être bien que je suis … la solution.
- En attendant, ton coup droit, c’est un problème. Trop puissant. Mais ton revers, impeccable.
- Quoi ? Tu me fait la leçon ? À moi ?
- Moi je progresse.
- Pour l’instant, tu verras quand tu seras une locale. Tu auras moins tes facilités de terrienne.
- J’espère bien, je ne veux pas devenir ton entraîneuse.
On se regarde avec défi. Et on arrête de jouer. Direction les vestiaires. On règle ça sous la douche.
*
Je suis convoquée par Mère supérieure à la Congrégation. J’ai une mauvaise intuition en entrant dans le couvent. C’est comme si je rentrais en prison. C'est comme si je venais de passer un cap sans pouvoir revenir en arrière. Que c'est la première ou la dernière page de mon histoire. Il n’y a personne. C’est bizarre. Elle est seule dans son bureau avec un animal en cage :
- Désolée, j’ai dû enfermer ce marcassin, il devenait une menace pour la portée, c’est l’occasion de former les sœurette à l’exorcisme. Surtout que celui-ci a une particularité, il comprend quand on lui parle, dans une certaine langue latine un peu particulière.
- Ma Mère, c’est un message n’est-ce pas ? Je suis le marcassin qu’il faut mettre en cage parce que je suis une menace ?
- Et bien, Énola, la dernière fois qu’on a détecté une telle puissance, on a eu bien du mal à la gérer. Heureusement tu es presque adulte, tu as 22 ans. Noëlle en avait moitié moins à l’époque. Tu as l’air de mieux maîtriser.
- Tu me testes, Adé, tu n’as aucune idée de ce que je maîtrise.
- La question c’est plutôt de quelle façon l’Invisible te contrôle. C’est lui qui décide. Même avec moi, il est toujours en train de me rappeler à quelle page de la B4 on en est. Et toi, as-tu déjà noté un fait similaire ?
J’ai une dernière pensée émue pour ma Rielle. Une larme coule sur ma joue et je lui dis :
- On en est à la page 301. Adeus, Obrigado.
Et je disparais dans le néant de l'Invisible.
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