Voler

2 minutes de lecture

J'ouvre les yeux, le soleil est haut dans le ciel, les oiseaux chantent. Je suis dans une longue rue passante, une foule impressionnante emplit toute la largeur de la rue.
Un faible sourire s étend sur mes lèvres. Je reconnais ce lieu, je reconnais cet arbre majestueux, seule trace de verdure résistant à l invasion humaine, je reconnais les magasins qui longent la route... Mais surtout, je reconnais le pont.

C est un pont minuscule, fermé depuis longtemps à la circulation, dû à son étroitesse. Depuis, rares sont les personnes qui l'em . Un cycliste de temps en temps, et encore. Ce pont est invisible, noyé dans la modernité de notre temps et dans la foule aveugle du 21 ème siècle. Personne n y prête plus attention.
Mais moi, je le vois. Je ne vois que lui pour être exact. Ce pont, je le connais par coeur, je pourrais fermer les yeux et en décrire les moindres aspects: de belles briques rouges effritees aux marques de verdure qui ont envahies la partie inférieure de cette imposante architecture.

Je pourrai éviter de marcher vers lui. Ce serait facile même, tourner les talons, m enfuir vers la modernité et m engouffrer dans les ruelles grouillantes d adultes pressés. Mais je sais qu inlassablement, mes pas me rameneraient à lui. Je le sais car ce ne serait pas la première fois que j essayerai. Ni même la deuxième fois. Cela fait des centaines de fois que je viens ici, que je rêve de ce lieu pour être plus exacte, des centaines de scénarios... Qui finissent toujours de manière identique.

Je me rends au pont.

Je ne lutte même plus et laisse mes pas me conduirent. Quelques minutes plus tard, j y suis.
Je n ose pas lever les yeux et les laisse résolument bloqués sur mes baskets blanches usées par le temps. Je sais ce que je verrai des que j arrêterai de lutter: une fille à la fine silhouette vêtue d un tee shirt blanc et d un short en jean. Une tenue passe partout portée par un visage unique...

Je ne croise jamais son regard, il est rivé vers l horizon. Mais je peux sentir d ici sa tristesse, comme si c était la mienne. Une tristesse lourde, du genre qui ravage tout autour de vous, étouffant la lumière par une épaisse obscurité. Au moment même où je leverai les yeux, il me restera exactement 56 secondes avant d entendre sa voix. Une seule et unique phrase. Une phrase qui m obsède littéralement...
Alors, comme à chaque fois, je me precipiterai vers elle, tentant par tous les moyens possible d attraper sa main et de l attirer à moi.

Mais je suis toujours trop lent.

Mes yeux se lèvent, je suis trop faible, j ai trop longtemps lutté.

Mais ce n est pas comme les autres fois... Je suis seul. La fille n est pas là. Affolé, mon habitude bousculée, je me retourne et regarde tout autour de moi. Je n aperçois que la foule. Aucune fille aux cheveux chatains avec une mèche rebelle qui caresse les rondeurs de son visage. Personne. Elle n est pas là...

Alors mon regard se porte de nouveau sur le pont. Et un déclic s opère en moi. J ai enfin compris, je sais ce que je veux.

Je me hisse sur le rebord du pont. Mon regard se fixe sur l horizon, ignorant le fleuve grondant sous mes pieds. Je ne me retourne pas, qui pourrai bien m avoir remarqué ? Je suis comme ce pont. Invisible.

Je sais ce que je veux.

Je veux voler.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 3 versions.

Vous aimez lire moebius66 ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0