Telford
Depuis quelques temps, j'entends parler d'une affaire sordide. Si horrible en fait, que je doutais de sa véracité. Alors je me suis renseigné sur le sujet et ce que j'ai trouvé s'est finalement révélé pire que les simples rumeurs arrivées à mes oreilles.
Les noms de Telford, Rotherham ou Rochdale vous sont sans doute peu familiers, voire inconnus ? Pourtant s'y sont déroulées des affaires terribles dont on entend assez peu parler, que ce soit dans les journaux papiers ou télévisés. Ce sont des faits avérés, dont certains remontent à des décennies. Des faits lontemps connus des services sociaux et des autorités, sans que personne n'agisse.
Telford est une ville moyenne du centre de l'Angleterre, une cité nouvelle, bâtie à partir des années 60 rassemblant plusieurs petites localités. C'est aussi une ville tristement célèbre, du moins au Royaume-Uni, pour ses "grooming-gangs", si vous me pardonnez cet anglicisme. Qu'est-ce que c'est, me demanderez-vous. Il s'agit d'une pratique qui consiste, pour un adulte, à repérer une jeune fille vulnérable, à la séduire, la garder sous emprise par de multiples moyens allant de l'argent de poche à la drogue en passant par les menaces. Je dis jeune fille pour ne pas dire gamine. Certaines ont été victimes de ces fous dès l'âge de onze ans. Et les garder sous emprise pour quoi ? Pour abuser d'elles, pour les violer à l'envi, souvent en réunion. Pour les torturer. Pour les prostituer. Certaines en sont mortes.
L'une des victimes témoigne : « J’avais 12 ans lorsqu’un homme d’origine pakistanaise m’a repérée dans la rue. Ça n’allait pas du tout à la maison, et, au départ, il était charmant. Mais, très vite, il m’a violée. Puis il m’a livrée à ses amis. À 13 ans, je suis tombée enceinte et le père aurait pu être n’importe lequel de ces vingt hommes ». (Sunday Mirror, 11/03/2018.)
Une victime, un témoignage. L'ampleur de cette affaire est cependant loin de se limiter à une victime, à dix, ou à cent. Ce sont plus de mille jeunes filles ou jeunes femmes qui ont été maltraitées par des prédateurs sexuels.
Des gens en sont morts. Lucy, Sarah et Eileen Lowe sont mortes brûlées vives dans leur maison, incendiée par l'un de ces prédateurs. Seule survivante, un bébé de quinze mois, Tasnim, née de ces viols. Vous pouvez la voir sur la photo de couverture. Sa mère, Lucy, avait accouché à l'âge de quatorze ans. On connait le nom de l'auteur de l'incendie, le propre père du bébé, mais je ne le reproduirai pas ici, pour des raisons évidentes. Vous n'aurez aucun mal à le trouver si vous effectuez une recherche sur le sujet.
La police, dès les années 80, avait connaissance de ces abus. Les victimes, et je précise encore ici qu'il ne s'agit pas d'une ou deux personnes mais de plusieurs centaines, rapportent qu'on les a encouragées à se taire, à ne pas porter plainte. Des agents racontent qu'ils ont subi des pressions pour ne pas ébruiter l'affaire. Des affaires, nombreuses et sordides.
Telford n'est que la dernière ville en date où éclate un tel scandale, avec des procès en cours. Ce sont plus de 1400 abus qui ont été révélés au grand jour en 2014 à Rotherham près de Manchester. Pendant le procès, il a été établi que ces crimes ont été ignorés par les autorités par incompétence, corruption et peur des tensions raciales.
Encore aujourd'hui, des lycéennes portent plainte, reçoivent des menaces de mort. On brandit sous leur nez le destin tragique de la famille Lowe, citée plus haut, pour les inciter au silence.
Ces choses arrivent, depuis les années 80, chez nos voisins anglais, mais aussi chez nous. En 2017, un réseau a été démantelé. Il opérait dans plusieurs grandes villes françaises. Lyon, Perpignan, Toulouse. Paris.
Alors, à l'heure de #metoo, des scandales d'abus sexuels, des affaires de pédophilie dans l'Eglise qui font les choux gras de nos médias, pourquoi ne parle-t-on pas des victimes de Telford, ou d'ailleurs ? Elles ne sont pourtant pas si loin.
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