Le point

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Une bouffée d’air est devenue impossible le plus clair du temps avec le masque que nous portons tous en ce moment …

L’air, qui nous permet de respirer, de s’oxygéner à pleins poumons et d’irriguer le cerveau, le cœur et tous les organes correctement. L’air : gratuit, abondant … et pourtant en ce moment on nous impose une barrière de papier, de tissu ou de plastique. On nous demande de filtrer ce qui nous est le plus précieux : l’air !!!

On met en porte-à-faux la pyramide de Maslow, la pyramide des besoins, en portant atteinte à sa base la plus sensible : j’ai nommé l’air qu’on respire, permettant à l’être humain d’être !

On nous enlève aussi un sens tellement primordial : celui du toucher. Le baiser affectueux, l’accolade amicale, l’éclat de rire contagieux à gorge déployée, la main de la personne qu’on convoite frôlée plus ou moins accidentellement… tout ça est devenu un risque d’atteinte à l’intégrité physique des gens autour de soi ! Quel terrible coup dur pour l’humanité !

Cette bouffée d’air tellement nécessaire, je m’en sens privée au sens propre et figuré. Comme tout le monde le masque étouffe ma personne, empêche mon métier, m’éloigne de mes proches, me rappelle à une société en mal de bien-être… Le masque que l’on porte c’est l’équivalent du geste de ces paupières du défunt que l’on referme une dernière fois car elles ne servent plus de volets aux fenêtres de l’âme ! La bouche est devenue trahison: elle véhicule l'ennemi, malgré nous. On la couvre tant qu'elle ne sera pas redevenue innoffensive.

On musèle l’humanité d’un morceau de tissu cachant l’image de nos bouches expressives, et gênant le son en sortant. On se masque nez inclus, empêchant même ainsi le sens de l’odorat de nous transmettre correctement les infos olfactives qui participent pourtant tellement au bonheur d’une façon insoupçonnée ; le sens de l’odorat est tellement sous-estimé.

Pourtant… l’odeur de la peau de son enfant, de son souffle une fois endormi. L’odeur de ces fleurs qu’on remarque à peine mais qui vous offrent sans rancune leur parfum au coin de votre rue à chacun de vos passages. L’odeur de bonne cuisine qui appelle au réveil immédiat de vos papilles, la fragrance de la personne que vous aimez, du cuir de la montre à laquelle vous tenez tant, ou l’odeur du frais lavé de votre accueillant oreiller qui vous attend chaque soir…

J’ai métaphoriquement besoin d’une bouffée d’air comme jamais, car je suis à un tournant de la vie dont le virage ne m’a rien épargné !

Quel pire moment pour une crise existentielle dans sa vie que lors d'une épidémie mondiale? Double peine !

En perte de repères, de confiance, de moyens : je suis partie dans le décor ! ... Et à mon retour sur la voie, j’ai choisi de ne pas poursuivre le chauffard qui m’a fait ça. Je ne me morfonds pas. Qu’il disparaisse, et s’il demande pardon, alors je pardonnerai sûrement, après tout je ne suis pas morte ! Et parce qu’on récolte ce qu’on sème il paraît, je préfère insuffler le pardon, pour pouvoir en bénéficier moi-même le prochain jour où j’aurai commis une grave faute. Histoires de karma !

Après ma sortie de route récente et ma période de convalescence, je me suis logiquement mise à conduire plus prudemment les premières semaines, mais en même temps je ne peux pas l’ignorer : j’ai cette fureur de vivre qui me dicte d’appuyer sur la pédale et ignorer les panneaux qui m’invitent à la prudence !!! Rouler au pas, c’est une petite mort pour les gens fougueux par nature ! Chassez le naturel et il revient au galop, ne dit-on pas ?

Et si j’avais sept vies, comme les chats ? Si sept fois je pouvais me tromper, quitter la route, partir en fumée, me briser, pour revenir changée, réincarnée, et recommencer une nouvelle aventure ?

Mais un chat ignore à combien de vies il en est, tout comme nous ignorons si la dernière peine sera vraiment la dernière ! Ainsi va la vie : ou bien tu la croques, ou bien c’est elle qui te bouffe !

Le problème, comme on le dit, c’est que « ce qui importe n’est pas notre vitesse, c’est notre direction, parce qu’on peut très vite aller nulle part ! » et justement je veux plus que tout connaître ma direction.

Alors où est-ce que je vais ?

… Nul ne le sait vraiment, évidemment, mais avec une carte dessinée même si c’est par moi-même et qu’elle n’est pas à l’échelle réelle, avec un itinéraire en main, je donne un sens à ma route ! Je n’ai pas de certitude d’aboutissement, mais j’ai un chemin de vie à suivre. Ça me donne l’illusion d’un sens à ma vie, d’un point cardinal à suivre. Ça me convient.

Tout comme la morale disant que le vrai plaisir est dans son anticipation, je pense que le vrai voyage n’est pas l’atteinte de la destination mais le cheminement, le transit lui-même, le sentiment de se rapprocher toujours un peu plus d’un but, quitte à ne jamais l’atteindre, mais trouver son bonheur dans une tentative d’atteinte ! Le risque c’est juste de voir s’étioler les rêves à mesure qu’ils ne sont pas achevés, mais certaines personnes ont un processus de désenchantement plus lent que d’autres…

J’ai foi en l’humanité, j’ai foi en l’amour, j’ai foi en moi je crois. Mais la foi n’est rien sans la vérification parfois que cette foi n’est pas vaine. On ne me fera pas croire que quelqu’un qui n’est jamais tombé amoureux à quarante ans par exemple, continue d’y croire comme au premier jour… A un moment, on se demande si y croire ne relevait pas juste d’une légende urbaine, d’un conte de fée de sa mère imprimé dans son inconscient, d’un schéma vu dans un film romantique, d’une rumeur entendue par des gens qui l’auraient vécu, l’amour… l’amour… comment croire, avoir foi en quelque chose si on ne l’a pas connu ? Comment croire sur parole que ça existe si on ne l’a pas expérimenté soi-même ? Et qui a décidé un jour d’appeler amour l’amour ? Encore un latiniste ?

Je crois savoir ce qu’est l’amour, j’ai cette chance, et ce à quoi ressemble le bonheur. Mais la recette, les justes doses, les paramètres à réunir, qui dépassent tout contrôle, rendent impossible un déclenchement volontaire. J’ai tendance à croire qu’avec quasiment n’importe quelle personne un minimum volontaire (et compatible) le bonheur est possible. Mais alors pourquoi est-ce que les fois où j’ai réussi ça n’a pas duré jusqu’à imaginer une vieillesse à deux ? Parce qu’on n’accepte pas l’idée de vieillesse elle-même ? de fin de la quête du meilleur alter ego possible pour soi alors que son dernier choix se met à faire défaut ?

Oui, la vérité est que j’ai la réponse, mais je la tairai. Sinon je devrais admettre que le bonheur est furtif et la passion mourante après un certain stade passé. Or je refuse de le croire. Je ne m’avoue pas vaincue par l’amertume des coups durs de la vie. Ce goût amer laissé derrière un passage difficile, je le corrigerai toujours avec une dose de sucre, de miel, de nectar.

Qu’on ne m’enlève pas l’image que j’ai de l’amour. Qu’on ne me retire pas mes rêves. Qu’on ne me vole pas mon bonheur ! Je subis actuellement un véritable assaut : un trop plein d’informations, de pressions, de blessures mais au milieu du chaos, j’entrevois une lueur. J’ai atteint un sas que je ne connaissais pas dans mon cerveau : celui de la remise en question, mais la remise en question constructive. Je sais, avec une absolue certitude que j’ai besoin de renouveau.

Je suis prête à foutre en l’air la table d’échecs en plein milieu de ma partie. De toute façon, je ne sais pas jouer, je faisais semblant !

Je veux changer de pions, changer de plateau, changer de règles… ça va commencer par mon travail. J’ai du respect pour tous les acteurs de mon lieu de travail, mais ça reste un lieu. Un lieu, ça se quitte, ça n’a pas de cœur à briser.

J’ai toujours su quel métier je voulais faire, mais ne suis-je pas passée à côté de quelque chose ? Ou alors j’ai juste besoin de changer d’air, changer de public ? Je vais faire un bilan de compétences complet et élargir le champ des possibles. J’ai tellement la conviction que c’est la bonne chose à faire. Ce qui pouvait me faire peur avant m’attire aujourd’hui. Quitter ma zone de confort, cesser de me mentir à moi-même sur ma satisfaction quant à la routine de mon quotidien… J’ai peur, je me sens seule dans ce virage, mais je veux voir.

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