La boîte aux lettres
Mes yeux sont cachés à l'intérieur de vos missives, de vos journaux, de vos secrets.
J'ai honte d’être votre boîte aux lettres et des regrets d'avoir cédé : je suis cette entité qui a violé votre courrier et qui sait ce que vous voulez cacher.
Je suis la porte muette de votre enfer.
J'étouffe de ne rien pouvoir dire, avec quelle bouche s'il vous plaît ? La mienne résonne en métallique…
Et encore une… Le facteur vient de la glisser ; si seulement je pouvais la recracher. Une fille propose de vous voir, et bien sûr vous irez la retrouver. Elle est brune, sûrement jolie, romantique... forcément. En quelques mots elle se désigne : « … confiance en vous, …vous donne mon âme… » Quelle idiote ! Elle le mériterait presque...
Je suis furieuse de mon impuissance.
Je sais ce que vous leur faites.
Dans le journal, le lendemain de leur visite, je sais que vous ne lisez qu'un seul article. Il m'a fallu un peu de temps pour comprendre qui vous êtes. J'avais vu arriver, sans en être choquée, quelques mauvais écrits pornographiques, des vidéos et des photos vulgaires de filles ligotées. Des plis pas plus alarmants que ceux des locataires précédents ; rien qui ne soit que très banal en somme.
Et puis les colis ont changé de ton, vous avez commandé d'autres livres sur l'inquisition, les démons et la bible… Puis des volumes gorgés de douleurs et de sang aux titres... pervers et terrifiants « Du bon usages de la torture » et « Les joies de l'avilissement ». Et cet affreux colis auquel j'ose à peine penser, fait de piques, de griffes et de masses.
Vos mains dans mon antre comme des animaux répugnants enserrent la lettre parfumée de cette jeune fille de 20 ans.
Salaud ! Parfois, je les entends crier.
Le pli en main, vous grincez des dents… petit à petit votre obsession vous marque, vos traits se tassent et votre regard parfois, cesse d'envisager ce monde. La gamine y passera, je ne peux rien y faire. Ça fait combien douze ou treize ? Mais que fait donc la volaille ? Elle piétine, vous êtes un fou mais vous êtes malin...
Vous avez balancé la petite dans un trou, comme un déchet, le vent me l'a dit.
Le courrier s'amoncelle depuis dix jours, l'espace se réduit, mais le facteur parvient encore à glisser un journal.
Ainsi n'étiez-vous pas que dingue et sadique : on a retrouvé un corps couvert de cicatrices : un corps brûlé, coupé, estropié récemment. Votre corps de suicidé. Ces blessures que vous vous infligiez, il me semble, rachètent un peu votre nature. Je ne vous regrette pas pour autant : la terre est moins lourde à présent.
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