Chapitre 4 : LE DÉPART 

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Nkulu, au moment de sa capture, n’était qu’un jeune homme de 16 ans, au seuil de la maturité. Habillé simplement, son corps était vêtu de tissus traditionnels en coton tissé, colorés de motifs et de dessins propres à son village. Ses pieds étaient nus sur le sol, un symbole de son appartenance à cette terre. Les hommes du Kongo portaient des pagnes en tissu et des colliers en perles, fabriqués à partir de matières locales, tandis que les femmes se couvraient de pagnes et portaient de lourdes coiffures ornées de plumes et de bijoux.

Mais cette vie, imprégnée de traditions et de cérémonies, était sur le point de basculer dans l’horreur. Ce jour-là, les hommes du Kongo, notamment ceux du village de Nkulu, avaient été frappés par un malheur qu’aucune prière n’aurait pu conjurer.

Les jeunes hommes, comme Nkulu, étaient des cibles faciles pour les Portugais. Les combats étaient inégaux, car les Kongo étaient souvent pris par surprise et désarmés face aux armes à feu des envahisseurs. Dans le chaos de la capture, de nombreux hommes furent battus et enchaînés, leur résistance brisée sous le poids des coups.

À partir de ce moment, il n’y avait plus de retour possible.

Nkulu, capturé dans son propre village, fut attaché aux autres hommes, tous entre 16 et 30 ans, qui étaient également choisis pour être envoyés de l’autre côté de l’Atlantique. Les soldats portugais, une fois qu'ils avaient réuni un groupe suffisamment grand, commencèrent à les marcher vers le port, tout en ordonnant à ceux qui résistaient de se faire frapper.

Le chemin vers le port fut long et cruel. Nkulu et les autres esclaves furent enchaînés les uns aux autres, marchant des jours durant sous un soleil de plomb. Ils étaient soumis à une famine féroce, et chaque pas semblait les enfoncer davantage dans la souffrance. Le long de la route, des hommes et des femmes tombaient de fatigue, mais les Portugais les obligeaient à continuer.

Beaucoup moururent sur le chemin, tombant en silence, frappés par la faim, la chaleur et les mauvais traitements. Leurs corps étaient laissés là, au bord de la route, des âmes perdues dans un monde qui les avait déjà oubliées.

Nkulu, malgré sa douleur, parvint à tenir bon. Ses pensées étaient ailleurs, vagabondant vers son village, vers la vie qu’il aurait dû avoir. Mais il ne pouvait plus y revenir. Le visage de sa mère et celui de son père se dessinaient dans ses souvenirs, et chaque pas vers le port semblait lui voler un peu de sa dignité.

Finalement, après plusieurs semaines de marche épuisante, Nkulu arriva, tout comme les autres captifs, au port de Loango — un port de traite, situé dans l'actuelle République du Congo, où les navires marchands portugais venaient régulièrement. Le bruit des vagues qui s’écrasaient contre les quais résonnait comme un mauvais présage dans ses oreilles. La mer, vaste et impitoyable, s’étendait devant lui, et c'était maintenant la dernière étape d’un voyage tragique qui l'emmènerait loin de sa terre natale.

Sur le quai, des centaines d’esclaves étaient rassemblés. Certains pleuraient, d’autres restaient silencieux, épuisés et vidés de toute énergie. Nkulu se tenait debout parmi eux, les chaînes mordant sa peau. Il regarda autour de lui et aperçut Diogo de Almeida à bord d’un navire marchand portugais, un homme dont le regard froid n’exprimait aucune émotion humaine.

“Embarquez-les, ordonna le capitaine. Ils sont à nous désormais.”

Le bateau, un navire de grande taille, attendait déjà sur l’eau. Le navire devait emporter plus de 200 esclaves, dont Nkulu faisait désormais partie. En un instant, les esclaves furent forcés de monter à bord, sous la surveillance stricte des soldats portugais.

Nkulu savait que ce qu’il vivait, aucun de ses ancêtres n’aurait pu l’imaginer. Il n’avait jamais vu un navire aussi immense, et jamais il n’aurait cru que sa vie allait être déterminée par la mer. Mais, en ce moment précis, les vagues déchaînées et le vent marin étaient sa seule échappatoire.

Le capitaine, regardant les esclaves montés à bord, dit d’une voix froide, comme s’il parlait d’un troupeau de bétail : “Nous partons vers le Nouveau Monde. Vous, les nôtres, les serviteurs de la couronne. Vous êtes désormais les esclaves des royaumes de l’Ouest. L’histoire ne vous appartiendra jamais.”

Le bateau prit le large, emportant Nkulu et d’autres hommes vers une destination lointaine, une destination que le jeune homme ne pouvait encore imaginer.

Et alors, dans le tumulte de cette traversée, le royaume Kongo, autrefois puissant et libre, se retrouvait vidé d’une partie de son âme.

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