Le gladiateur noir
Il surgit de l'Enfer
Tout cuirassé de mort,
Jusqu'au creux de la terre
L'effroi résonne encore.
Sur son sabre en pavois,
Le macabre apanage
Reçoit enfin l'octroi
De tous ses estampages.
Car le monde a tremblé
Et les Blancs sont tombés.
Et le nord enfiévré
Est parti en fumée...
De son Afrique natale
Ils l'avaient arraché,
Enchaîné dans la cale,
D'un navire négrier.
Bête de somme, bête de peine,
A chaque jour suffit sa haine,
Pour que chaque jour le vent
Caresse les flèches d'argent.
Pas un jour ne passa
Sans que s'éveille en lui,
Le besoin séculaire
Que tout homme porte en lui...
Le cochon a saigné
Et Boukman a parlé,
Il a dit tuons-les,
Brûlons-les, violons-les.
La haine s'est enflammée,
Les buccins ont sonné,
Et tout Bois-Caïman
Est devenu brasier.
Les hordes ont déferlé,
Par le feu, par le fers,
Ils les ont massacrés,
Ils se sont libérés.
Il était avec eux,
Gladiateur au sang noir,
Au nom de ses aïeux,
Il s'est battu sans choir.
Pendant des jours encore,
Il a semé la mort,
Mais devant lui se dresse
L'écrasante forteresse.
Des dragons casqués d'or,
Des sabres de vermeille,
Offrent un dernier renfort
Aux colons du soleil.
Face aux armées de mort,
Il sent venir l'horreur.
Enclavé de fureur,
Il refuse son sort.
Il s'est battu ici,
Pour ses frères, ses amis,
Et pour l'éternité,
Il s'y battra encore.
Dans son trépas sublime,
Il met genou à terre,
Et les yeux dans l'abîme,
Laisse gronder le tonnerre.
Holocauste, sacrifice,
Rivières de sang, supplice,
Voici toute l'histoire
Du gladiateur noir...
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