Tourments en Bohême
Je suis le Ténébreux, le Veuf, l’Inconsolé, l'Inconscient aux neufs vices scabreux.
Je suis le roi de Bohême à l'amour aboli, ce démon éconduit qui t'aime, d'une passion qui conduit au gibet. Les sermons, les lois, notre union prohibaient. Mais je n'ai que faire des troublions, des quolibets. Le Pape, ce très saint père, peut bien m'excommunier, mon amour sincère ne saura être nié.
Aux délices je m'adonne. À la madone l'homme comblé de bienfaits dédie épices, pomme et myrte parfait. Je contemplais ta chevelure, aussi brillante que l'Alliath, tandis que mon suzerain, l'odieux Goliath, m'envoya ses prétoriens, sa garde spartiate, menée par le féal sans peur et sans reproches, le seul, l'unique, le chevalier Bayard.
Le nectar d’Éros enivre le plus austère des grenouillards. Et le Sage Stoïcien bouleversé par ton charme envoûteur. En vain ai-je pris les armes, avec mes fidèles lutteurs. Au moins puis-je couvrir ta fuite, loin des persécuteurs. Ton départ ne fût pas aisé, je te donnais un dernier baiser, nous fondîmes en larmes. Un moment de répit au milieu du vacarme. Puis vinrent les képis des zélés gendarmes.
Je t'écris un dernier rondeau. Accepte l'ultime cadeau d'un défait scribouillard ! Le cygne à l'agonie déploit, de vive voix, son art courtois. Depuis ma recluse prison, captif de lourdes chaînes, j'attends ma pendaison qui s'annonce prochaine. Je ne puis dire mes raisons alors je compose des chansons. Mon cœur dolent se souvient de ton rire insolent, même nos bouillantes algarades m'inspirent à présent de bienveillantes ballades. En ces jardins de Tivoli, je clame ta peau de satin qui enflamme mon aimante folie. Las, de ton absence je me lamente, et la mélancolie est de mise dans mes vers.
L’Église et cette nation ne pouvaient souffrir notre liaison. Enfer et damnation! Tel est ma funèbre oraison. Jamais je ne reverrais notre paisible maison, la belle saison et ses irisés floraisons.
Adieu, la mort est ma guérison.
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