Ses yeux 

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César n’avait peur de rien ni personne.

Il se plaisait à le clamer à qui voulait l’entendre et pour peu qu’on se laisse avoir par l’assurance autoritaire de sa voix, la théâtralité parfois surjouée de ses gestes, on pouvait se laisser berner.

Mais César n’était rien de plus qu’un comédien de talent.

Sa peur, il l’avait emprisonnée au fond de son cœur. Il l’avait étouffée, soigneusement enterrée, et oubliée.

Mais elle n’avait pas disparu, bien au contraire. Elle s’était fondue dans sa chair et ne réapparaissait qu’à la tombée de la nuit, quand la fatigue, la lassitude, commençait à ronger les défenses que César entretenait durant la journée.

La nuit, il n’y avait personne pour le voir trembler, personne pour le voir pleurer.

Sa peur lui sautait à la gorge dès le pas de la porte, alors qu’il croisait son regard dans un miroir, qu’il méprenait son visage pour celui de son père, qu’il croyait surprendre dans la pénombre de son appartement un chuchotement et qu’une angoisse sourde venait lui tordre les entrailles.

Dans ces moments-là, il n’y avait plus à faire. Elle détestait être oubliée et elle le lui faisait bien comprendre.

Il avait beau tenter de l’ignorer encore un peu plus longtemps, le moindre craquement de parquet le faisait sursauter, le moindre bruit venant de la rue le pétrifiait sur place. Impossible de lui échapper bien longtemps.

Il finissait par abandonner, épuisé, et allait se coucher.

Alors, elle sortait de sous son lit et rampait sur les draps jusqu’à venir le toucher. À chaque frôlement, les verrous de sa mémoire grinçaient. Une sueur froide le faisait trembler et, décidée à lui faire payer son oubli, sa peur remontait jusqu’à son visage, venait susurrer à son oreille.

« Souviens-toi. » ordonnait-elle, et c’était presque comme si une main l’étranglait à mesure que l’horloge égrenait les secondes, impassible et insensible.

Il défaisait alors les chaines de sa mémoire et serrait les dents, retenant ses larmes par fierté, par courage borné, par obstination stupide.

Elle le laissait s’endormir.

Ses rêves devenaient un chaos, un champ de bataille, un enfer dont il ne pouvait se dépêtrer.

Elle le laissait oublier, le lendemain.

Mais elle revenait inlassablement la nuit suivante. César n’était pas assez fort pour lui résister, et ne le serait jamais.

Elle n’avait qu’à être patiente.

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