Chapitre 3.5

4 minutes de lecture

3.5

Daree... lieu du drame

Lorsque je rouvre les yeux, je ne suis plus dans la voiture.

Il fait nuit, mais il y a tant de couleurs et de bruits dus aux sirènes que le silence et le calme habituels ne sont plus qu'un lointain souvenir.

Des dizaines de voix murmurent, parlent, crient. Une femme en blouse blanche se tient au-dessus de moi en agrippant ma main droite. Il y a quelque chose dans ma bouche qui me force à respirer, réveillant une douloureuse palpitation dans ma poitrine. J'essaie de lever les bras pour retirer ce truc, mais le gauche refuse de bouger et le droit est retenu par la main de la femme. Je prends alors conscience de la souffrance qui me scie le corps.

Mes yeux se remplissent de larmes. La femme pose son autre main sur mon front.

Ne bouge pas, mon garçon, on y est presque.

Je me rends compte qu'on avance ; je suis allongé sur un brancard. La femme et l’un de ses collègues replient les roues du brancard et le hissent à l'arrière d'une ambulance aux sirènes encore allumées.

Les autres ont vérifié qu'on ne pouvait plus rien pour le reste des victimes ? demande la femme en fermant les portes derrière elle.

Oui, malheureusement. Trois sont mortes sur le coup, une autre s'est éteinte une vingtaine de minutes plus tard, répond son collègue.

Si le ton est détaché et froid, les yeux des deux urgentistes sont brillants, leurs traits, crispés.

Où on est ? je parviens à bredouiller d'une voix rocailleuse.

Ces trois mots m'ont vidé des misérables forces qui me restaient.

L'homme plisse les yeux en posant une main sur mon bras valide.

Évite de parler, on pense que tu as des côtes cassées. Nous nous trouvons à Daree. On va t'emmener à l'hôpital de Lake Town, d'accord ?

Je hoche la tête. De toute façon, je ne suis pas vraiment en mesure de désapprouver quoi que ce soit.

La femme a fini par se présenter. Elle s'appelle Sofia Daniels. J'ai vite compris que c'est l’épouse de Philip Daniels, l'homme qui a été le premier sur les lieux. Son collègue se nomme Henry. Je ne sais pas pourquoi ils m'ont appris leurs noms... Pour que je me sente plus près d'eux, plus en sécurité ? Toutes tentatives seraient vaines ; une seule chose tourne en rond dans ma tête : j'ai tué quatre personnes.

Sofia m'a fait différentes piqûres et planté des aiguilles dans les bras sans les enlever, les laissant reliées à des poches au contenu inconnu. Il y a toujours cette chose dans ma bouche qui envoie de l'air dans mes poumons. Depuis un moment, la douleur s'est atténuée, sans disparaître complètement. Les sons me reviennent étouffés, ma vision n'est pas claire.

Alors comme ça, Raylen et moi avions atteint Daree ? À la pensée de mon ami, mon cœur se soulève. Je le revois la tête coincée dans le pare-brise fracassé. Et le sang... oh, le sa…

Je vais vomir, gémis-je, saisi d'un haut-le-cœur.

Sans leur laisser le temps de m'aider, je me tourne sur le flanc au prix d'un effort terrible, arrache de ma bouche l'appareil qui me fournit de l'oxygène et vide tripes et boyaux sur le sol métallique de l'ambulance. Pantelant, je me laisse retomber sur le dos.

J'entends Henry pousser un couinement indigné. Il souhaite sûrement se plaindre, mais Sofia lui jette un regard noir puis baisse les yeux sur moi.

C'est pas grave, ne t'inquiète pas.

Elle ramasse le tube qu'il y avait dans ma bouche et le rince au petit robinet collé au mur avant de le replacer au-dessus de mon visage. Mon expression doit trahir mon dégoût car elle soupire.

Je sais que ça ne te plaît pas, mais tu ne peux pas respirer correctement tout seul à cause de tes côtes.

Dépité, je me laisse faire.

L'ambulance finit par s'arrêter. Sofia et Henry ouvrent les portes puis laissent la suite à leurs collègues.

Le brancard se remet en route. On entre dans l'hôpital de Lake Town. J'entends des bribes de conversation. « Accident de la route », « Quatre morts... », « ...un seul survivant, un jeune adolescent... », « Quelle tragédie... ! »

On me laisse patienter dans un couloir. J'en profite pour observer mon corps. Ma poitrine est tachée de sang et de vomissures. Mon bras droit est couvert de bleus et le gauche... Oh. Mon avant-bras n'est pas dans le même sens que le reste. Ma gorge se contracte et je déporte mon regard plus bas pour échapper à cette vision. Je tombe sur pire. Si ma jambe gauche est intacte, la droite semble être passée sous... un hachoir ? Il y a du sang, la peau est violette, quelque chose pointe sous ma peau, tant que j'ai peur que cette dernière ne se perce.

Un vertige me saisit quand je comprends qu'il s'agit d'un os. Je retombe lourdement sur le brancard, la tête tournante.

Quelques secondes plus tard, les ténèbres me happent de nouveau.

Annotations

Vous aimez lire Co "louji" Lazulys ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0