Chapitre 15.5
15.5
Le Journal : "Inséparables"
Hôpital de Lake Town, mercredi 31 mars.
Les jeunes de Lake Town sont divisés en deux sortes de clans : les « bourges », comme on appelle les élèves qui sont entrés au collège privé, et les « zonards », comme ils nous ont surnommés en retour, ceux qui vont dans le public.
Les parents de Raylen l'ont envoyé au collège public. On était dans la même classe de sixième. Comme j'avais été trimballé de famille en famille au cours des années précédentes, je connaissais pas grand monde dans ma classe et je me suis vite retrouvé exclu des discussions. Mais Raylen était comme moi. Nouveau en ville, il s'était fait aucun ami. On s'est donc naturellement rapprochés et on a découvert qu'on avait pas mal de choses en commun.
C'est peu après notre rencontre qu'il m'a dit que sa mère était morte l'année précédente et que son père avait sombré dans l'alcool à cause de ça. C'était un type sympa avec lui avant, apparemment. Mais depuis la mort de sa femme, il engueulait Raylen pour un oui ou pour un non et levait la main sur lui quand il buvait trop (c'est-à-dire la plupart des soirs selon Ray). Son père avait à nouveau ouvert un garage une fois installé à Lake Town. C'était ça qui les faisait vivre, mais l'alcoolisme d'Erik les a ruinés et il a dû arrêter le garage. C'est sûrement ça qui l'a forcé à se plonger dans le trafic de drogue. Alejandra était morte d'un cancer du sein détecté trop tard et avait laissé derrière elle un mari dépressif et un garçon maltraité. Cette perte d'un parent et le manque qu'avait laissé cette mère derrière elle sonna douloureusement en moi. J'éprouvais... une immense empathie (je crois que c'est comme ça qu'on dit, mais je suis pas sûr) pour Raylen. C'est ça qui a dû nous permettre de nous rapprocher aussi vite et de devenir meilleurs amis.
Noël était là et nous étions déjà inséparables. À l'époque, je n'avais pas vraiment de passion ni de curiosité pour quoi que ce soit et je m'intéressais à tout ce que Raylen me montrait. Lui-même influencé par son père alcoolique et junkie, c'est Ray qui m'a fait voler pour la première fois une bouteille d'alcool à l'épicerie locale (parce que son père ne supportait pas qu'on touche à ses bières). C'est aussi lui qui a allumé ma première cigarette et m'a fait tirer sur un joint. En quelques mois, j'avais fait toutes les conneries dont un jeune pouvait se vanter à ses vingt-cinq ans. J'en avais onze. Je fumais, buvais et enchaînais mauvais coup et mauvaises notes sur les bulletins.
Je ne serais peut-être pas allé jusqu'à voler une voiture deux mois après mes douze ans si ma tutrice s'était vraiment occupée de moi. Mais Kare
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PS : la fin coupée est volontaire !
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