Chapitre 23

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23

Nick et Elliot

La dernière sonnerie de la journée me libère de mon cours d'espagnol. Heureusement pour moi, Anthony et ses potes ont pris le français comme langue étrangère et j'ai pu suivre tranquillement ma dernière heure.

Une vague d'élèves s'engage vers les sorties du lycée pour rejoindre la liberté. Le soleil pointe timidement le bout de son nez à travers les nuages. Caché au milieu de la foule, je me sens étouffé, mais en même temps protégé par l'anonymat.

Les choses dégénèrent alors que je franchis le portail du lycée. Je sens une main agripper mon bras et me tirer sur le côté. Déséquilibré, je me laisse entraîner loin de la foule le long de l'enceinte de l'établissement. Un gars baraqué à la capuche remontée me tire derrière lui. Vu sa taille et sa carrure, ce n'est pas Anthony. Celui-ci ne fait que quelques centimètres de plus que Lily Rose.

Au bout d'un moment, agacé d'être traîné ainsi, je m'exclame :

– Nick, lâche-moi !

L'intéressé se fige, surpris que je l'aie démasqué. Avec un grognement, il se retourne pour me fusiller du regard. Il tient toujours mon bras. J'essaie de me libérer, mais sa poigne se resserre au point de me faire mal.

– Reste tranquille, souffle-t-il avec un sourire carnassier en enfonçant ses ongles dans ma peau à travers le tissu de ma veste.

Serrant les dents pour enfouir ma colère et l'envie d'en découdre, je le laisse m’emmener plus loin. On dépasse l'enceinte du lycée pour s'enfoncer dans le sous-bois de la forêt qui se trouve à côté. Alors qu’une silhouette apparaît derrière un tas de buissons hauts, Nick nous oblige à nous arrêter. Mon cœur se met à battre plus vite. Je n'aime pas ça. Pas du tout.

– T'en as mis du temps, grommelle la silhouette en s'approchant de nous.

– T'avais qu'à aller le chercher si t'étais pas content, réplique méchamment Nick.

En reconnaissant Elliot sous la capuche d'un vieux sweat délavé et trop grand pour sa charpente malingre, je retiens un soupir de soulagement. Nick aurait pu m'amener à l’un de ses coéquipiers de l'équipe de foot et, là, j'aurais été mal. Si ce dernier est un danger, Elliot ne me fait pas bien peur.

Je change d'avis au moment où il sort une batte de base-ball de son dos. Oh merde. J'essaie de m'enfuir en bondissant en arrière, mais Nick a de bons réflexes de footballer et il me plaque au sol en m'agrippant à bras-le-corps. Le choc contre le sol humide éjecte l'air de mes poumons et réveille les douleurs dans mes côtes.

– Pas bouger, ricane Nick dans mon oreille.

Avec un grognement d'effort, je tente de me dégager, mais cet enfoiré bloque mes jambes avec les siennes et maintient mes bras dans mon dos. Mon épaule gauche est en feu. Un coup brusque entre les omoplates m'arrache un cri et m'enlève l'envie de me libérer. Bande de salauds.


Elliot s'approche en faisant tourner son arme. Alors qu'il est à deux mètres de moi, je lève la tête et le fusille de mon regard le plus meurtrier. Il se fige un instant, la peur et le doute passant dans ses yeux, avant de pointer sa batte en métal sous mon nez.

– Ne fais pas le malin, Gibson, t'es pas en position pour le faire.

– Et toi tu ferais mieux de te barrer car, quand ton pote aura quitté mon dos, je t'assure que ta batte ne t’assura pas une bonne défense.

Surpris par ma voix, Elliot abaisse son arme, les traits crispés. Je n'aime pas menacer les autres. Je n'ai jamais aimé ça. Mais, quand j'ai intégré le collège public de Lake Town, j'ai vite compris qu'il fallait montrer les crocs et grogner si on ne voulait pas se faire marcher dessus. Raylen m'a aidé. Il m'a appris à foudroyer les gens du regard, à menacer seulement grâce au ton de ma voix, à faire bouger des muscles qui laissent penser que je vais passer à l'attaque alors qu'il n'en est rien.

J'ai laissé tomber tout ça après avoir été recueilli par Mark. Ne pas se battre, de pas faire de grabuge et ne pas se faire remarquer font partie des règles les plus importantes qu'il m'a inculquées. Ce n'est pas pour autant que j'ai oublié les bonnes vieilles techniques. Elliot ne me fait pas peur. Ce n'est qu'un fils à papa qui veut se faire bien voir et aider un pote pour avoir son soutien plus tard.


D'un geste vif, Nick fait monter mon bras gauche en arrière. L'articulation de mon épaule, déjà malmenée ce matin, m'arrache un nouveau cri. Agacé de leur montrer ma douleur, je serre les dents et tente de prendre sur moi. Plus facile à dire qu'à faire... Mes jambes s'agitent, mes paupières se plissent, mes dents grincent les unes sur les autres, mon bras droit essaie furieusement de se libérer.

Finalement, je parviens à libérer la jambe droite. Alors que je m'apprête à enfoncer la pointe du pied dans le sol pour y prendre appui, un éclair s'abat sur mon genou. La douleur éclate dans toute ma jambe, de la cuisse à la cheville. Stoppé net, pantelant, je regarde des fourmis passer en file indienne sous mon nez.

– Alors cette batte ? souffle Nick d'une voix moqueuse. Tu la trouves à ton goût ?

– Parfaite ! je réponds en adressant un sourire carnassier à Elliot, qui se tient à côté de moi, la batte frôlant le sol.

Mon adversaire la relève au-dessus de ma tête. Mon amusement s'envole d'un coup. La jambe, ça passe. Le visage, un peu moins.

Soudain, Nick libère mon bras gauche pour stopper son camarade d'un geste.

– Doucement, rappelle-toi ce qu'Anthony a dit.

Poussant un grognement de mécontentement, Elliot abaisse son arme.

Malgré le fait qu'il soit libre, je n'ai pas la force de bouger mon bras gauche. Mon articulation est beaucoup trop douloureuse.

– Lâche-moi, Nick, je grommelle à l'adresse de l'intéressé.

– Pas encore, mon chou, susurre mon bourreau d'une voix mielleuse.

Il se redresse en libérant mes jambes puis me relève en me tenant par le bras droit. Je prends appui sur ma jambe saine et laisse mon autre bras pendouiller le long de mon flanc.

– Le ventre, c'est bien non ? demande Elliot comme s'il parlait du mauvais temps.

– Ouais, ça passe.

Avant que je puisse faire quoi que ce soit, Elliot abat son arme dans mon flanc droit. Le choc me coupe le souffle et m'oblige à me plier en deux. Malgré l'air frais, mon visage est en sueur.

Haletant, j'écoute sans rien faire les deux adolescents délibérer sur la prochaine partie de mon corps à frapper. Ils optent pour le mollet de la jambe droite. Alors qu'Elliot lève de nouveau la batte, j'ai un mouvement de recul. Nick me bloque et me maintient en place avant de s'enquérir d'un ton intéressé :

– Bah qu'est-ce qui t'arrive, mon chou ?

– Pas la droite, soufflé-je d'une voix rauque. Je vous en prie.

Mes os n'ont jamais retrouvé leur solidité d'antan après l'accident. Un coup de batte serait suffisant pour les briser. Une sueur froide coule dans mon dos quand je vois une lueur d'amusement éclairer le regard vitreux d'Elliot.

– Je croyais que vous vouliez éviter les gros dégâts, lancé-je avant qu'il ne prenne sa décision.

Les yeux d'Elliot s'éloignent de mon visage pour rencontrer ceux de Nick. Un long échange silencieux se fait entre eux. Mon cœur tambourine contre mes côtes et le sang bat douloureusement contre mes tempes.

Elliot bande les muscles des bras, prêt à frapper. Je me tends à mon tour. Non, non, non, pas la jambe !

Je ne suis pas déçu quand la batte s'abat violemment sur le côté de ma tête.

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