Chapitre 61
61
Pluie de coups
Alors qu’Anthony dresse la batte au-dessus de ma tête, je me lève brutalement, surprenant Nick et Elliot. Ce dernier pousse un cri de détresse quand je m’arrache à sa poigne et le pousse de côté. Mon adversaire n’a pas le temps d’arrêter la descente de la batte et j’en profite pour placer le bras de Nick, qui me tient encore, sur sa trajectoire. Il lâche un cri de douleur en me lâchant.
Elliot, qui se n’est pas éloigné de moi, se protège le visage quand je m’approche de lui. Las, je me contente de susurrer d’une voix menaçante :
– Va-t’en, Elliot, et vite.
Les yeux ronds de peur derrière ses mains, il ne se fait pas prier et prend ses jambes à son cou.
Froidement déterminé, je me tourne vers les deux autres. Nick, le visage rouge de douleur et de rage, se tient le bras tandis qu’Anthony me dévisage.
– Vous devriez partir, vous aussi, soufflé-je en désespoir de cause.
Sans ciller, ils m’adressent des sourires mordants. Une sueur froide me coule dans la nuque.
Le jeu de lumière entre les branches des arbres jette des ombres inquiétantes sur leurs visages. On dirait des démons.
– Jamais, le monstre, marmonne Anthony.
C’est moi le monstre ? Hypocrite. Je ne bats pas mes camarades de classe pour le plaisir, moi.
– Allez, approche, murmure Nick d’une voix mielleuse.
Les mains tremblantes, je laisse tomber mon sac de cours par terre et jette mon portable par-dessus. Je ne veux pas qu’il termine en dommage collatéral.
Sans prévenir – ce serait trop simple – ils bondissent sur moi. J’esquive un coup de poing de Nick et bloque la batte de son camarade des avant-bras. Ça ne fait pas mal. Pas trop.
Toujours aussi leste, Nick envoie sa jambe dans un mouvement rotatif vers mon bassin. Je préfère encaisser le choc pour me défendre contre les attaques plus dangereuses d’Anthony. Ce dernier me harcèle de sa batte.
Après quelques mouvements, il me feinte et parvient à l’abattre contre mon épaule. Le choc m’envoie au sol et j’ai à peine le temps de replier mes jambes que Nick me roue de coups de pieds. Grognant, j’ouvre ma garde, acceptant de me prendre sa basket dans le ventre, pour saisir sa cheville. Avec une force que je ne pensais pas détenir, je l’entraîne au sol. Je l’entends perdre son souffle lorsque son dos rencontre sans douceur la terre.
D’un coup de pied, je repousse Anthony et me dirige vers Nick avant de m’agenouiller au-dessus de lui. Je vais lui faire subir cette délicieuse sensation que d’être à la merci de quelqu’un. Sans retenue, j’abats une première fois mon poing sur son nez. Je ne le lui brise pas, mais ça lui fait assez mal pour l’étourdir. Comme Anthony ne s’est pas encore redressé, j’en profite pour asséner deux autres coups à son acolyte, qui a bien vite le visage en sang.
Du coin de l’œil, j’aperçois Anthony approcher. Quand il lance sa batte vers moi, je me baisse et elle passe au-dessus de ma tête brassant l’air. Je roule sur le côté et me redresse plus loin, le corps de Nick entre nous deux. Ce dernier se positionne sur le flanc en geignant.
– Espèce de saloperie de meurtrier, crache Anthony en essuyant son front couvert de sueur. Je vais te démonter.
– Qu’est-ce que je t’ai fait, espèce de malade ? répliqué-je avec colère et indignation.
– Tout ! hurle-t-il en guise de réponse. Ta vue me dégoûte, entendre ta voix m’horripile… Et, quand tu touches Lily, je… (Ses yeux s’enflamment et j’ai vraiment l’impression d’avoir affaire à un monstre.) Ça me rend dingue.
– Lily Rose est mon amie, soufflé-je avec douceur. Je n’ai pas de sentiments amoureux pour elle, Anthony. Ça n’a jamais été le cas. Je la connais depuis des années et je l’ai toujours considérée comme une amie. Peut-être comme une sœur, mais…
– Ta gueule ! beugle-t-il en me coupant.
Il est dément. Je ne sais pas comment le raisonner. Puis-je le raisonner, au moins ?
Avec un bond, il s’élance vers moi en criant. Je fais de mon mieux pour esquiver et pars sur le côté en courant. Avec Nick au sol, peut-être que je pourrais prendre la fuite. Je ne pense pas qu’Anthony serait en mesure de me rattraper.
Alors que je songe sérieusement à cette option, quelque chose de dur me frappe brutalement la tête. Sonné, je m’effondre par terre. Mon crâne vrille de douleur et je porte les mains à mes tempes en gémissant.
J’entends une respiration haletante derrière moi. La vision floue, je redresse la tête. Anthony est penché en avant. Il ne tient plus sa batte. Confus, j’aperçois cette dernière au sol à côté de moi. Ma gorge se serre. Ce malade me l’a balancée dessus.
Soudain, alors que je le croyais hors-jeu, Nick se lève. La main sur sa bouche ensanglantée, il s’approche de moi. Ses yeux sont éclairés de haine.
– Tu vas morfler, fils de pute. Anthony, viens.
Celui-ci sourit et s’exécute. Avec nonchalance, il ramasse la batte et la fait tournoyer. Oui, il est doué pour ça. Il aurait pu faire partie de l’équipe de baseball. J’hésite à le lui dire.
À l’intérieur de moi, j’entends un rire nerveux. C’est bien le moment de plaisanter.
Merde, j’ai tellement mal à la tête.
Misérablement, j’essaie de me lever sur les coudes. Je n’y parviens pas.
Dépité, je les vois approcher.
C’en est fini de moi.
Les coups pleuvent. Vainement, je protège mon visage de mes mains.
La souffrance est un crescendo de rouge intense et de noir bref. Les sons sont étouffés, les respirations haletantes. Le métal contre mes os produit un bruit sourd. Bientôt, le sang coule et coule. C’est la seule source de chaleur que j’éprouve.
Il y a encore quelques épisodes de rouge intense alors que j’ai l’impression que mon crâne va exploser. Puis le noir s’abat sur moi comme un rideau tombe sur scène.
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