Chapitre 5: Callum
Léona allait bientôt arriver. Ma dernière cliente, une bimbo rousse qui devait avoir au moins six couches de rouge à lèvre d'un rose criard et qui souhaitait une petite pin-up au creux des reins était enfin partie, après dix minutes d'une drague lourde et vulgaire.
Habituellement, je cédais volontiers à une baise facile et rapide. Mais depuis que j'avais sentis cette putain d'odeur de freesia, je la recherchais fébrilement chez chaque femme qui m'approchait sans pouvoir m'en empêcher. Evidemment, ne pouvant la trouver nulle part ailleurs que sur Léona, je me sentais souvent frustré.
Regardant l'heure sur mon portable une énième fois, je me rendais subitement compte qu'il fallait que je me calme. Sinon je ne pourrais jamais la tatouer. Je m'asseyais donc en face du siège qu'elle utiliserait et vérifiais mon matériel.
Ma machine, mes encres neuves. Les aiguilles neuves et stériles que j'ouvrirais devant elle. Un rasoir, neuf aussi, pour le fin duvet du dos. Son transfert est là. Le papier absorbant, le désinfectant et ma boite à gant aussi...
Le bruit de la porte retentit ; elle était enfin là. Et putain de merde, elle était canon ! Elle portait un slim noir, de jolies bottines à talon plat, une fine écharpe grise et une veste en daim couleur prune. Sous sa veste... Un body en coton noir ? Doux Jésus... Vu le balancement de sa magnifique poitrine, elle ne portait pas de soutien-gorge. Ses cheveux bouclés faisaient leur vie autour de son beau visage, comme si un homme venait d'y plonger les mains.
Je grondais instinctivement contre cet homme imaginaire et une petite voix me souffla "jaloux", mot que je visualisais en lettre majuscule dans mon cerveau.
Bordel!
Je comprenais maintenant d'où venait la vilaine manie de mes ancêtres de kidnapper leur future femme. J'avais littéralement envie de la balancer sur mon épaule pour la baiser plusieurs fois dans les moindres recoins de mon appart, si bien qu'elle ne penserait pas un seul instant à s'éloigner de moi.
On se calme, respire Call...
_ Bonjour Callum, dit-elle avec un petit sourire.
_ Salut Léona. Comment vas-tu ? Dieu merci, ma voix est normale... J'espère que tu as bien respecté les consignes que je t'avais données, pour que la séance d'aujourd'hui se passe au mieux.
_ Oui mon général ! Plaisanta-t-elle avec un salut militaire, ce qui me fit rire et par la même occasion, me permit de me détendre un peu.
_ Bien. Viens je vais te montrer ton transfert, poursuivis-je en la priant de s'installer, tandis que j'en faisais de même.
Quand elle observa son dessin, ses yeux brillèrent.
_ J'imagine très bien ce que ça va donner avec les couleurs, dit-elle doucement. Merci.
_ Tu n'as pas à me remercier, c'est ton dessin. Je n'ai touché à rien. Alors prête ?
_ Oui, oui, on peut commencer.
_ Ok. Enlève ta veste. Et mets-toi face au dos du siège. Cales tes bras de la façon la plus à l'aise pour toi pendant que me prépare les aiguilles et l'encre qui, comme tu le vois sont neuves.
Je m'apprêtais à mettre mes gants quand je fis tomber la boite, comme un idiot. Le haut que portait Léona me balança de plein fouet un courant électrique de ma nuque à mon aine, pour me finir direct dans le frein. Elle avait un body dos nu simplement retenu à la nuque. Il ne dépassait que de deux ou trois centimètres au-dessus de son slim.
Toute cette délicieuse peau nue... dieu du ciel !
Elle s'installa, sa belle croupe moulée dans son jean slim vers moi, sans se rendre compte de mon trouble. Je ramassais la boite de gants et tournant le dos à Léona, j'enfilais une paire. Je préparais ma machine et mes encres, respirant lentement. Il fallait que je retrouve mon calme. Je ne savais pas pourquoi Léona me faisait autant d'effets. Elle n'était pas la première belle femme que je voyais. J'en avais baisé pas mal aussi.
Reprenant mes esprits et laissant pour le moment mes interrogations, je désinfectais la partie du dos que j'aurais à tatouer. Le duvet de Léona était rare et vraiment fin donc je n'y touchais pas. J'appliquais le transfert, faisant bien attention à la symétrie et prenant compte des mouvements naturels de Léona.
J'avais enfin récupéré ma tranquillité habituelle. Quand elle me certifia que la position de son tatouage lui convenait parfaitement, je rajoutais la crème de transfert. Je lui demandais si elle voulait de l'eau ou aller aux toilettes. Comme elle me répondit par la négative, j'enlevais le papier. La solution de transfert marquait parfaitement les lignes principales du tatouage. Bien installée, je la piquais une première fois.
_ Ça va ? Je peux continuer ?
_ Oui. C'est supportable, affirma Léona. Et de toute façon dans peu de temps je ne vais pas tarder à libérer des endorphines. Donc je n'ai pas changé d'avis, je veux mon tatouage.
Petite femme courageuse...
Je me sentais étrangement fier d'elle.
_ C'est partis alors, déclarais-je en rallumant ma machine. Tu veux peut-être discuter pour passer le temps ?
_ J'aimerais bien, oui si ça ne te dérange pas. Comme ça je porterais moins attention à la douleur.
_ Très bien. Alors d'où viens-tu ?
_ D'Olympia. J'ai emménagée pas loin d'ici il y a quinze jours. A vrai dire, je me suis enfuie de chez mes parents.
_ Oh, et tu ne comptes pas y retourner j'imagine.
_ Certainement pas ! Je ne suis pas comme ma famille, à toujours faire attention aux apparences et au qu'en dira-t-on. Mon père occupe un haut poste alors il tenait à ce que sa famille soit parfaitement irréprochable. Je m'y suis tenue pendant vingt-cinq longues années et un évènement surprise m'a permis de dire adieu à toute cette mascarade.
_ Je vois... et qu'est-ce qui t'a permis de partir ? A moins que ce soit trop personnel pour en parler, bien sûr.
_ Eh bien, j'ai reçus à mon anniversaire un héritage de la part de mon grand-père paternel que je n'ai pourtant jamais rencontré, vu qu'il est décédé peu après ma naissance. Genre une grosse somme d'argent... Sur le coup j'étais trop choquée pour croire que ça m'arrivait. Et puis je me suis dit que c'était cool finalement. Dans le cas où je voudrais quelque chose urgemment, je n'aurais pas à attendre sur mes parents. Mais bien que cet héritage m'ai permis de partir au loin, c'est plus une malédiction qu'une bonne chose.
_ Pourquoi tu dis ça ? M'enquis-je, perplexe. Tu n'as plus tes parents sur le dos, tu as ton appart et assez d'argent si je comprends bien ce que tu me dis, pour avoir le choix de faire ce que tu veux de ta vie. Alors en quoi est-ce une malédiction ?
_ Mon père pensait que ce serait lui qui hériterait vu que son seul frère est décédé il y a dix ans. Pour lui je lui ai volé son héritage.
_ Un père ne peut pas manquer de jugeote à ce point, tu plaisantes.
_ J'aimerais bien que ce soit une plaisanterie. Mais vu comme mon père me harcelait afin que je lui rende « son » héritage, je doute que ce soit le cas. C'est pour ça que dès que j'ai pu toucher à cet argent, je me suis tiré.
_ Et ta mère ?
_ Ma mère ? Gloussa-t-elle avec ironie. Elle ne sert qu'à faire joli au bras de mon père. C'est lui qui décide de tout à sa place : les amies qu'elle doit avoir, ce qu'elle peut manger, le nombre de fois qu'elle doit faire du sport, ce qu'elle doit porter... il gère tout dans les moindres détails. Et puis, elle ne m'a pas élevée. J'ai toujours été gardé par des nourrices. Alors prendre mon parti, tu penses bien que ça devait être inconcevable pour elle.
_ Seigneur... et tu subissais ça, toi aussi ? Interrogeais-je, effaré.
_ Oui. Je ne pouvais décider de rien. Mon père a fait en sorte que j'étudie le droit, sans me demander quoi que ce soit, alors que je voulais étudier l'art. Au début il voyait ça comme un passe-temps sans importance. A partir du moment où l'un de ces collaborateurs a voulu acheter l'une de mes toiles qui trônait dans notre salon, lors d'un des diners mondains qu'il avait pour habitude d'organiser afin de se faire des relations, il a tout fait pour bannir la peinture de ma vie. Il a dit que la toile n'était pas à vendre juste pour pouvoir la détruire après que tout le monde soit partit. Il a jeté tous mes pinceaux, ma peinture. Il ne restait plus un seul de mes tableaux quand nous sommes allés nous coucher ce soir-là.
_ Je comprends maintenant que tu aies voulus fuir ta famille. C'est vraiment horrible! Désolé, mais j'ai beaucoup de mal à me mettre à ta place, car ma famille est l'inverse de la tienne. Nous avons toujours été très unis. Et ça s'est renforcé au décès de mon père, il y a de ça trois ans. Je ne sais même pas comment tu as eu la force de supporter ça autant de temps.
_ Tu as de la chance. Et contrairement à ce que tu penses, je ne suis pas si fragile! J'ai trop de caractère pour être brisé par mon père comme ma mère l'a été. J'ai juste pris mon mal en patience, car il ne recule devant rien pour avoir ce qu'il veut. C'est ce qui m'a permis de partir aussi facilement. J'étais si sage... à aucun moment il ne s'est méfié, même quand il me giflait. Il ne s'est jamais douté que je ne cèderais pas à ses menaces. Encore moins que je me ferais la malle en pleine nuit !
_ T'es une vraie guerrière alors ! Me marrais-je.
_ Ouais. Une Xena.
_ Mon dieu, tu regardais ça ?
_ Ben oui, j'adorais Xena.
Je levais ma machine pour éclater de rire. Après une histoire aussi malsaine, elle arrivait malgré tout à blaguer et à me faire rire. Elle avait fait preuve d'un sang-froid digne d'un monarque au beau milieu d'une bataille, réfléchissant à ne faire aucun acte inconsidéré et préférant attendre le bon moment pour attaquer les faiblesses de son père : la confiance qu'il avait en elle et le fait qu'il ne connaissait absolument pas sa fille.
J'avais fait les traits principaux de ses Éphémères de Virginie, quelques petites ombres avec une autre machines, ainsi que des centaines de point et de minuscules étoiles qui remontais du bas de son dos au milieu de ses omoplates. Plus haut se trouverait son croissant de lune en dégradé de gris quand je ferais le remplissage en couleur, la prochaine fois que Léona viendrait.
Comme à chaque fois que je tatouais, le temps passait à toute allure. Deux heures et demie étaient passée. Mais avec Léona cette impression me surpris plus que d'habitude. Je trouvais que le temps avait filé trois fois plus vite, me laissant une espèce que manque. J'avais la sensation que je n'avais pas suffisamment profité de la présence de cette femme. Je n'avais même pas bavé sur son corps de déesse pendant que je la tatouais. J'avais trop apprécié notre conversation pour ça.
Une nouveauté pour moi...
Je nettoyais les surplus d'encre, laissant sa peau le plus propre possible sans trop lui faire mal.
_ Voilà pour le moment. Je t'ai assez charcuté pour aujourd'hui, plaisantais-je. Tu veux voir ?
_ Non. Merci. Tu peux le protéger.
_ Tu es sûre ? M'étonnais-je.
_ Oui, sûre. Je préfère attendre que ce soit finit avant de le regarder.
_ D'accord.
Je crémais son dos et scotchais à l'aide de sparadrap un film pastique pour éviter les frottements et l'assèchement de la zone, avant de retirer mes gants, que je jetais à la poubelle.
_ Merci Callum, souffla-t-elle en remettant sa veste et son écharpe. Tu n'imagines pas ce que ça représente pour moi !
_ Je n'ai fait que mon travail, Léona, glissais-je.
Je me dirigeais vers la caisse, elle sur mes talons. Elle me paya la moitié du prix du tatouage et me remercia encore.
_ Selon comment tu cicatrises on terminera. Suis bien les instructions et reviens au salon la semaine prochaine pour que je vois ou ça en est.
_ Ok. Bon eh bien, bonne soirée à toi, Callum.
_ Merci. Toi aussi.
Elle avait mis la main sur la poignée de la porte quand je l'interpellais :
_ Vu l'heure, tu ne veux pas que je te raccompagne ? On ne sait jamais, tu sais.
_ Ça ira, j'habite à vingt minutes d'ici. Etre gentlemen, c'est inscrit dans les gènes de tous les orcs ou juste dans les tiens ?
_ Je ne sais pas, m'esclaffais-je. Je sais juste que ma mère me tuerait si je ne proposais pas de te raccompagner chez toi à cette heure. Disons plutôt qu'au lieu d'être gentlemen, j'ai appris les bonnes manières.
_ Merci, mais je ne pense pas que ce soit nécessaire. Bonne soirée à toi, souhaita-t-elle avant de passer la porte.
Je retournais vers ma machine en soupirant. Je savais que le quartier n'était pas vraiment dangereux mais ça m'aurait plût de passer plus de temps avec Léona. Je m'apprêtais à nettoyer mon plan de travail quand le bruit de la porte me fit lever les yeux. Léona étais revenue.
_ Léona ? Tu as oublié quelque chose ?
_ Callum, je...
Merde. Elle avait peur. Son regard était carrément affolé.
_ Qu'est-ce qu...
Deux hommes en costumes entrèrent. Léona se retourna pour les observer tout en reculant, au point de butter sur moi.
_ Mademoiselle Davis, c'est votre père qui nous envoi. Veuillez nous suivre s'il vous plaît, demanda le plus grand à droite. Nous vous ramenons chez vous, à Olympia.
Léona se crispa avant la fin de la phrase de « Grand Droit » et s'agrippa à ce qui était le plus proche de sa main droite : mon jean au niveau de ma cuisse. La forçant doucement à me lâcher sans perdre de vu les deux inconnus en costard, j'essayais de la faire passer derrière moi. Elle ne céda pas.
_ Retournez d'où vous venez messieurs, demanda-t-elle d'une voix étonnamment calme et forte. Et dites à mon père que mon héritage m'appartient. Je ne lui dois absolument rien.
« Grand Droit » fit un pas vers nous et je parvins à mettre Léona contre mon dos.
_ Toi, ne te mêle pas de ce qui ne te concerne pas, m'avertit « Petit Gauche », nous ne sommes pas là pour faire des histoires.
_ Je comprends tout à fait, répliquais-je alors. Vous ne faites que votre travail, bla bla bla... mais vous avez un train de retard, parce que là, elle ne veut pas venir avec vous. Et ça ne risque pas de se produire dans le futur non plus. Je vous prie donc de dégager de mon salon et de foutre la paix à la demoiselle.
« Grand Droit » sortit un 9mm et « Petit Gauche » une lame à cran d'arrêt automatique noir avec un manche en bois, espérant sans doute me faire peur. Utilisant mes réflexes bien plus rapides que les leurs, je balançais un coup de pied dans le flingue qui vola derrière mon comptoir. Je poussais « Petit Gauche » contre un mur afin de le sonner et le ralentir, le temps d’envoyer une droite à son partenaire. J'entendis du verre brisé.
Putain, Mes tableaux ! Fais chier...
Tandis que je tordais le poignet du plus petit afin de l'obliger à lâcher son couteau, son comparse revint à la charge.
Bordel de merde, vous commencez à me saouler !!!
Je me transformais partiellement. Ma peau hâlée pris une couleur fauve tandis que je prenais quinze centimètres supplémentaire. Ma musculature se rempluma ce qui fit craquer mon tee-shirt dans mon dos et aux emmanchures, mais je ne laissais pas sortir mes courtes griffes, trop puissantes pour de simple humain. Je ne laissais pas non plus mes crocs se développer. Je ne voulais pas qu'en cherchant à faire peur aux deux connards, je puisse également effrayer Léona qui se tenais à l'écart, vers le fond du salon.
Les deux intrus se figèrent, ce qui me permit d'attraper « Petit Gauche » à la gorge.
_ Dis à ton copain de se barrer ou je t'arrache la gorge, menaçais-je. Vous avez suffisamment abusé de ma patience.
« Grand Droit » sortit précipitamment du salon.
_ Bien, il n'est pas aussi stupide que je le pensais. Quand à toi, souviens-toi bien de la sensation de ma main serrant ta gorge. Rappelle-toi la facilité avec laquelle je pourrais te tuer. Au cas où l'envie vous reprendrait de vouloir embêter Léona. La prochaine fois je ne serais pas aussi conciliant.
Je le jetais dehors et fermais la porte. Reprenant forme humaine, je soupirais avant de me retourner vers Léona. J'espérais qu'elle allait bien.
Putain. De bordel. De merde.
J'avais du mal à croire ce que je sentais, mais c'était loin d'être une hallucination olfactive.
Léona est excitée !
J'humais son divin parfum de freesia, à présent mélangé à l'odeur suave de son désir. J'avais le cerveau en surchauffe avec les derniers évènements et là c'était au tour de mon sexe d'être brûlant. Le regard brillant qu'elle essayait de me cacher en détournant les yeux ne trompais absolument pas.
Ma queue était devenue aussi dure que du granit. Mes hormones réagissaient au quart de tours aux désirs de Léona mais je ne pouvais décemment pas la baiser au bon milieu de mon salon, vu ce qui venait d'arriver. J'essayais donc de me contrôler. Tant bien que mal...
J'étais pas dans la merde...
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