Chapitre XV

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Nous sommes bien revenus en arrière. Je ne veux pas revivre cette scène une énième fois. Ca me briserait le cœur et je n'en ai plus la force. Amber puise dans mes ressources mentales pour me pousser à bout. Je dois savoir ce qu'a mit Julia dans la tasse de ma mère. Tant que je n'avance pas dans le temps, j'attendrai que les réponses viennent à moi. J'étouffe dans sa maison, enfin, en y réfléchissant cela ressemble plus à une demeure qu' un habitat. Disons qu'elle profite bien de sa richesse. Je n'ai pas bougé de l'entrée et je regarde la voiture de ma mère démarrer sans que je ne puisse l'en empêcher. Je me retourne et passe devant le miroir qui trône dans le couloir de l'entrée. En temps normal, j'aurais comme tout le monde admiré mon reflet pour m'assurer que j'étais présentable, mais encore une fois, c'est comme m'enfoncer un couteau dans le ventre. Le miroir ne reflète rien du tout si ce n'est les étagères qui abritent toute sortes de bibelots et le mur du fond. C'est affolant. Au fur et a mesure du temps, le piège se renferme sur moi. J'en suis arrivée à un stade où je suis invisible aux yeux de moi-même. Les larmes me montent sans que je ne puisse les contrôler. Faites que ce cauchemar cesse rapidement ! Dans ma tête, tout se mélange, tout n'a plus de sens. Je ne pourrais jamais me défaire de l'emprise d'Amber. Comme on dit : « Parfois, l'impossible reste tout simplement... impossible. ». Même dans ma propre tête, j'en ai perdu mon reflet ! Quelle ironie ! Je lâche un rire nerveux malgré moi. Au plus j'avance, au plus je pousse ma propre personne au bord de la falaise. Certains pourraient croire à une blague et j'aimerais tant le croire, mais malheureusement, je peux vous garantir que tout cela est réel, bien que ça soit irréaliste. En voila un bon de paradoxe ! Je déambule dans le salon de Julia avec l'envie de tout saccager. Pourquoi ne le pourrais je pas alors qu'ils ont tous posé une pierre à l'édifice ? Ils sont tous autant responsable de la mort des membres de ma familles, même s'ils ont été manipulés. Je m'efforce de contenir ma haine en moi pour l'exploser en temps voulu mais celle-ci prend de plus en plus. Chaque blessure fait bouillir ma haine au point que celle-ci déborde. Elle est bouillante, ardente, capable de tuer tout ce qui se trouve sur son passage. Elle éliminera les mauvaises fréquentations sans même une once de regret ou de culpabilité. Ce sont des meurtriers qui n'ont même pas payé pour ce qu'ils ont fait. On dit souvent que la vie est injuste, mais cela ne signifie pas que nous devons cesser de lutter pour la justice. Au contraire, je vengerais les miens. Je pourrais au moins finir mes jours avec la conscience tranquille. J'en viens à me demander comment font ces gens pour dormir la nuit tout en sachant ce qu'ils ont commis. Expriment ils du regret ? De la culpabilité ? Souhaitent ils réparer leur erreur ? Pas tous apparemment. Mais ne vous en faites pas, la roue tourne !

J'ai laissé mon regard errer sur ce miroir sans jamais trouver mon reflet. Je secoue la tête et me tire de mes pensées quand j'entend Julia discuter au téléphone :

– Pourquoi je devais faire ça ? . . . Tu vas me laisser tranquille maintenant ? . . . Ca ne devait pas aller aussi loin !

Julia s'est levée de son canapé et s'amuse a tourner en rond dans son salon. Ses traits sont crispés, et elle a perdu le sourire qu'elle affichait quand elle a vu ma mère partir. Ses doigts jouent avec ses bijoux qu'elle triture nerveusement.

– Qu'est ce que je lui ai donné ? . . . Amber dit moi ! crie t-elle à travers le téléphone.

Elle a lâché ses bijoux et a ramené ses mains dans ses cheveux qu'elle tire à s'en faire mal. Je suis encore une fois impuissante mais je ne cherche pas à l'arrêter. Je n'éprouve aucuns regrets a la voir devenir folle.

– PUTAIN MAIS AMBER DIT MOI ! . . . JE VAIS LA TUER . . . JE VAIS LA TUER . . . ELLE L'EST PEUT ÊTRE DEJA A L'HEURE QU'IL EST ! ELLE COMPTAIT SUR MOI ET J'AI TOUT GACHE ! C'EST TA FAUTE TOUT CA PUTAIN !

Des larmes ont dévalé ses joues à la vitesse de la lumière. Julia a mis son téléphone en haut-parleur et s'est assise sur le sol, son dos adossé au canapé.

– COMMENT JE VAIS POUVOIR VIVRE AVEC UNE MORT SUR LA CONSCIENCE AMBER ? . . . DIS MOI !

– Tu l'oublieras bien vite Julia crois moi ! Cette famille était ce qu'il y'avait de plus nocif pour nous. Ils ont fait des choses totalement affreuses. Mathilde ne méritait pas de vivre, tout comme son mari. Un jour, ils payeront tous pour ce qu'ils ont fait. Jette le sachet de codéine, fait disparaitre les preuves et tu n'auras aucuns flics sur le dos, je m'en occuperais. Mais en attendant, ne dis jamais rien à personne ! Tu m'entends Julia ? PERSONNE !

Sur ces dernières paroles, Amber raccroche, laissant Julia au bord de la dépression. Ses sanglots deviennent plus fort et son corps convulse. Julia peine à se relever mais debout sur ses jambes, elle se rend dans sa cuisine sans chanceler. Elle parvient à transporter sa poubelle jusqu'à dehors et rentre aussi vite que possible. Son mascara a coulé, ses cheveux sont désordonnés et j'arrive à percevoir dans ses yeux, une peur. Une énorme peur.

– Qu'est-ce que j'ai fait ? . . . Qu'est-ce que j'ai fait ? Qu'est-ce que j'ai fait ? . . . MAIS QU'EST-CE QUE J'AI FAIT ? J'ai besoin d'aide . . .

Sa respiration se fait plus saccadée. Sans le vouloir, je pense à ma mère. Elle doit être déjà morte mais comme je n'ai aucune notion du temps, je ne peux pas le savoir. Savait elle qu'elle s'était faite droguée par sa meilleure amie ? Je ne pense pas. Sans doute pensait elle avoir mal digéré quelque chose ! Je n'ai aucuns doute sur le fait que ma mère avait placé en Julia une confiance aveugle ! Comme quoi, chaque de nous ne peut être infaillible. Nous pouvons tous faire des erreurs, aussi grandes soient elles.

Je cherche Julia des yeux, l'ayant quitté quelques secondes pour réfléchir et la retrouve devant un meuble du salon :

– Où peuvent bien être ces foutus cachets ? Il m'en restait encore pas mal pourtant ?

Elle passe une main sur son front et ferme les yeux avant de continuer sa recherche. Elle récupère une boite de médicaments contenant de l'opioïde et se lève rapidement. Elle se retient au meuble pour ne pas tomber et souffle un bon coup. Je vois où elle veut en venir. Si elle pense que consommer une dose de ces médicaments lui fera oublier ses actes, elle se trompe. Rien ne pourra jamais l'effacer. Ce qui est fait est fait et revenir en arrière pour réparer son erreur est tout bonnement impossible. Je ricane, Julia est ridicule. Elle qui parlait de parler pour se sentir mieux ! Elle est loin d'être soignée si elle consomme ce genre de médicaments qui ressemble plus à une drogue qu'à des soins ! Elle remplit son verre d'eau et avale une plaquette entière de cachets.

Dix minutes plus tard, Julia ferme les yeux, somnolente. Sa vue se trouble, elle s'affaisse sur le carrelage de sa cuisine. Elle pose une main sur sa cage thoracique qui se lève et se baisse à un rythme anormal. Je me précipite vers elle. En quelque seconde je comprends tout. Elle ne cherchait pas à oublier mais à s'éteindre complétement. Julia vient de perdre connaissance. Encore une fois, me voila impuissante. Si je devais faire une liste de toutes les morts dont je suis témoin, celle-ci serait bien longue. Je lutte pour n'avoir aucune compassion pour cette pauvre femme qui a elle aussi tout perdu mais je n'y arrive pas, c'est plus fort que moi. Elle va mourir toute seule dans sa grande demeure. C'est triste mais c'est la vie. Et la vie est faite pour être injuste. Son visage se détend et devient de plus en plus pale. Je ne peux rien faire. Je dois la laisser mourir, elle le mérite. Je ne dois pas oublier qu'elle a volontairement drogué ma mère pour qu'elle se tue dans un accident de voiture. Elles ont bien calculé leur coup. Elles savaient que les recherches n'iraient pas plus loin que l'accident. Dans tous les cas, Julia n'aura rien eu comme amende puisqu'elle s'est suicidée. Disons qu'elle s'est punie toute seule.

Le temps passe. L'atmosphère du salon est lourde de regrets qu'elle aurait du éprouver avant de partir. Je n'ai pas bougé de là où je suis. La pièce est plongée dans le noir complet et je ne discerne que la Lune qui se reflète dans les miroirs. Je ne saurais dire combien de temps il s'est écoulé depuis mon arrivée mais je n'ai qu'une hâte : que le temps avance. Je tourne en rond et cela me rend folle. Je n'arrive même plus a réfléchir correctement. Tout ce que je sais, c'est que tout cela ne s'arrêtera pas là tant que je ne suis pas allé au bout de mes peines. Sortir de ce cauchemar est une raison de plus pour Amber de me pousser une nouvelle fois à bout. Je vais d'abord épuiser les ressources d'Amber en arrivant au bout de mes peines avant de l'éliminer. Je ne peux faire autrement. Si je fuis, elle me retrouvera c'est sûr et certain ! J'espère bien qu'elle ne peut pas m'envoyer dans mon futur, sinon je ne m'en débarrasserais jamais !

Extenuée, je finis par tomber de fatigue. Je ne rêve même plus ! Au moins, cela a le don de me laisser dormir en ayant l'esprit tranquille. Je ne savais pas qu'il était possible de dormir sans penser à quelque chose. Ca faisait bien longtemps que ça ne m'était pas arrivée ! Moi qui réfléchis à longueur de temps, je deviens à bout de force. Par moment, j'ai l'impression de courir derrière quelque chose qui n'est pas possible. Si je pouvais rêver, j'aurais rêvé de retrouver ma vie d'avant. Sans Amber. Avec mes parents, avec ma famille, avec les proches que j'aime ! Mais ce temps est révolu et je l'ai bien compris ! Je ne la retrouverais jamais et j'aurais beau espérer de toutes mes forces, ils ne reviendront jamais parce qu'ils sont morts et il est grand temps que j'arrive à faire mon deuil. Je ne sais pas ce que j'ai fait à la vie pour qu'il m'arrive autant de malheurs dans une vie mais j'ose espérer retrouver une vie plus calme. Non pas celle que je voulais, mais une vie où je n'aurais pas besoin d'avoir autant à réfléchir pour une situation qui n'existe même pas. Je ne pourrais jamais en parler à quelqu'un au risque qu'il ne me prenne pour une folle. Je reste persuadée que je suis encore maitresse de moi-même même si ma vie est contrôlée par Amber. Tant que je peux encore réfléchir à tout ça et être libre de mes mouvements, je ne me considère pas encore comme une fille folle qui a perdu la tête.Le temps finit par avancer sans que je ne m'en rende compte. 

Justine.H

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